Texte de l’homélie du mariage :
Frères et sœurs bien-aimés,
un journaliste posait la question au pape Benoît XVI, à qui on avait fait, vous le savez, une mauvaise réputation dès le début de son pontificat : « combien y-a-t-il de chemins vers Dieu ? »
Pensant que le Saint-Père allait répondre : un seul chemin, l’Église catholique évidemment, c’était sans compter avec la finesse spirituelle de ce saint homme de Dieu, et son érudition.
Il fit cette réponse :
« Il est autant de chemins que de personnes. »
Chère Guilhemine, cher Rémy, quand vous êtes venus me voir la première fois à l’abbaye d’Ourscamp, j’ai pensé à cette réponse du pape Benoît XVI.
Vos chemins à chacun d’entre vous sont bien uniques, au plan humain, au plan spirituel, et le chemin de votre couple aussi est unique.
Vous avez choisi cette parabole des talents qui est magnifique et originale, parce qu’elle exprime quelque chose que vous avez vécu, que vous vivez, et que vous voulez donner comme témoignage ici à vos amis, votre famille, vos proches.
Le maître répartit les talents inégalement. Il y a une différence entre ceux qui reçoivent les talents : certains les reçoivent d’abord dans l’allégresse.
Entre vous il y a des différences, chère Guilhemine, cher Rémy, et vous les accueillez dans l’allégresse, vous n’avez pas le même chemin de foi, vous n’avez pas le même chemin humain, mais vous êtes d’abord précédés par un don.
Le maître d’abord donne à chacun. Il demande que pour ce qu’il a donné ne soyons d’abord dans la reconnaissance. J’ai été touchée par votre sérieux dans la préparation au mariage et de la préparation de cette célébration. Vous voulez faire fructifier vos talents ensemble. C’est cela la grâce que vous recevez, à travers la grâce du mariage on reçoit à nouveau des talents, comme si d’une certaine manière le compteur était remis à zéro et que le Seigneur donnait en surabondance.
Maintenant c’est à deux que les talents vont fructifier et que vous allez être l’un pour l’autre une source de fécondité, fécondité charnelle à travers les enfants, fécondité spirituelle, fécondité de votre amour auprès de ceux qui vous entourent, dans la société qui vous attend et qui attend le témoignage d’un amour stable et fidèle.
En voyant Guilhemine et Rémy, c’est chacun de nous qui sommes interrogés dans cette confiance que l’on fait face aux dons de Dieu. Nous sommes précédés d’un amour. Cet amour-là nous rend fécond.
Mais il y a une condition à cette fécondité. On la voit avec l’homme qui a reçu un seul talent et à qui le maître, à juste titre, demande raison de sa gestion.
« J’ai eu peur et je l’ai caché. »
On ne peut pas ne pas faire le lien avec le livre de la Genèse, dans lequel Adam dit :
« J’ai eu peur et je me suis caché. »
S’il y a une fécondité au rendez-vous dans votre couple, chère Guilhemine, cher Rémy, cette fécondité sera basée dans la confiance.
Si vous venez au près de l’autel du Seigneur, c’est dans cette confiance que vous venez demander des grâce au Seigneur. N’oubliez pas que le mariage c’est d’abord l’union de deux pauvres qui viennent supplier au Seigneur la grâce d’un amour au long cours, la grâce d’un amour qui dure. Face à une société de l’immédiateté et du zapping vous voulez vous enraciner dans un amour qui est signe de cet amour de Dieu de toujours à toujours.
La confiance l’un dans l’autre, c’est souvent ce qui est attaqué dans nos vie spirituelles.
La confiance en Dieu pour commencer mais aussi la confiance dans le conjoint, la confiance dans le frère de communauté, cette confiance-là est souvent mise à l’épreuve.
Ne nous laissons-pas décourager, mais en même temps soyons sur nos gardes, parce qu’à travers le mariage, à travers cet engagement auprès du Seigneur, vous rentrez dans un combat spirituel. Aimer n’est pas spontané. Parfois la peur de l’échec peut être au rendez-vous : comment tenir là où d’autres ont échoué ? Ce n’est pas parce que vous êtes meilleurs que d’autres, mais parce que vous allez choisir de vous tourner régulièrement vers le Seigneur et d’implorer sa miséricorde. Vous allez choisir jour après jour de redire votre amour l’un envers l’autre.
Il y a parfois une tentation lorsqu’on s’engage pour toujours, que ce soit dans la vie matrimoniale, sacerdotale ou religieuse, c’est celle d’une condensation du temps, mais 50 ans n’existent pas, seulement aujourd’hui existe. Et d’aujourd’hui en aujourd’hui en vous retournant vous vous direz « déjà 10 ans, déjà 20 ans ».
Sainte Thérèse nous disait :
« Pour aimer, je n’ai qu’aujourd’hui. »
Cet engagement donne une tension au temps dans le sens où il permet de vivre une gravité et ne pas se laisser aller pensant que la préparation au mariage suffira.
D’aujourd’hui en aujourd’hui comptant sur la grâce de Dieu, en vous enracinant dans l’Église, vous arriverez à 10 ans, 20 ans et même 50 ans et plus de vie matrimoniale, parce que vous aurez pu grandir dans cette confiance mutuelle, et ensemble dans cette confiance en Dieu.
Frères et sœurs, nous sommes appelés à travers cette célébration, à reprendre conscience de notre propre vocation : où en sommes-nous de notre intimité avec le Seigneur ?
Le Seigneur nous accueille chacun là où nous en sommes dans notre vie spirituelle. Mais il ne veut pas nous laisser là où nous sommes, il veut nous emmener plus loin. A celui qui a, on donnera encore. A celui qui rentre dans un chemin de confiance, on donnera encore. Mais celui qui a peur, même ce qu’il croit avoir avec ses propres forces lui sera retiré par ce que ses propres forces ne pourront jamais aboutir jusqu’en la vie éternelle.
Chère Guilhemine, cher Rémy, votre présence nous rappelle notre engagement auprès du Seigneur, c’est aussi un témoignage pour ceux qui découvrent la vie chrétienne : que chacun là où il en est sache que le Seigneur l’accompagne, qu’il est bienvenu dans l’Église, mais aussi appelé à plus.
Qu’à travers votre témoignage, qu’à travers cette unité de vie et cette unité de toute la vie, vous puissiez nous dire l’amour d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.
Amen !