Texte de l’homélie de mariage :
Lorsque Florian et Sixtine ont choisi leurs lectures pour cette célébration, je leur ai donné un critère : « Que voulez-vous dire à l’assemblée qui vous entourera ce jour-là ? ». Pour vous-même aussi, qui avez ce désir de vivre : en quoi cette parole de Dieu que vous écouterez le jour de vos noces va pouvoir aussi résonner cinq ans, dix ans, vingt ou trente ans après ?
Et nos chers fiancés on choisi la parabole du semeur, et c’est vraiment un choix excellent.
Dans cette parabole, le Seigneur sort sous les traits du semeur et Il jette du grain. C’est la Parole de Dieu. Le grain tombe sur le bord du chemin, parmi les ronces, parmi le sol peu profond, et enfin, dans la bonne terre. Je trouve que cette parabole exprime bien ce qu’est la vie matrimoniale.
Je vous propose de méditer sur trois terrains que l’Évangile met en lumière :
Les ronces
Nous voyons que tout d’abord, le Seigneur jette du grain dans un lieu où il y a des ronces. Il s’agit d’une terre qui n’est pas fertile, qui assèche la puissance de vie du grain. Cela représente le perfectionnisme qui privilégie la qualité de l’œuvre sur la qualité de la relation.
Dans le perfectionnisme, il y a quelque chose du roncier : il y a quelque chose qui fait mal, qui pique dès que ce n’est pas à la manière que j’ai prévu…
Le perfectionnisme stérilise les terres les plus prometteuses, les humanités les plus belles, parce que c’est une idole. Vous connaissez la définition d’une idole : c’est ce qui se met à la place de Dieu, c’est ce que l’on met soi-même à la place de Dieu. Et nous, comme être humain, dans un désir de contrôle, nous mettons parfois la perfection de notre œuvre à la place de Dieu. Or pourtant, le nous savons, en ce bas monde, rien n’est parfait.
Et il est intéressant de dire qu’il y a là un piège pour la vie matrimoniale, car elle va avec l’acceptation de la fragilité de l’autre. Nous le savons, le mariage c’est l’union de deux pauvres. Ils se présentent comme des pauvres devant l’autel et deviennent mari et femme par le sacrement, parce qu’ils savent très bien qu’ils ne pourront rien faire sans le Seigneur :
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire… »
Et parce que l’on a conscience de cela, on se met aux pieds du Seigneur, à genoux, suppliant Sa grâce. Voilà ce qu’est le mariage : on supplie la grâce de Dieu.
Le terrain peu profond
Je voudrais parler avec vous de ce deuxième terrain : la Parole est semée, elle prend un peu racine, elle lève, mais parce qu’il n’y a pas beaucoup de profondeur, elle est desséchée aussitôt par l’ardeur du soleil. Pour moi, cette deuxième terre, c’est l’activisme. L’activisme consiste à mettre dans 24 heures plus que 24 heures. L’activisme vise plus la quantité des actions que la qualité de la présence.
Oui, frères et sœurs bien-aimés, ces deux terres stériles –perfectionnisme et activisme – sont ne chacun de nous. Et nous devons être attentifs, car cela nous indique un lieu pour le combat spirituel. C’est le lieu où nous pouvons lutter contre ces deux idoles.
A quoi reconnaît-on une idole ? c’est lorsqu’il n’y a pas de repos : je peux toujours en faire plus dans une journée, je peux toujours augmenter le degré de perfection… voilà un signe d’idolâtrie. Et à ce sujet, le grand Saint Augustin nous dit :
« Mon cœur n’a de repos tant qu’il ne repose en toi. »
Nous sommes la religion du repos parce que notre Dieu est humble et nous appelle à la confiance. Nous sommes la religion qui accueille la fragilité
Alors, la question est : « Est-il une autre terre que ces deux terres stériles ? »
La terre qui porte du fruit
C’est la terre du centuple. Mais, comment fait-on pour y accéder ?
Mes amis, nos chers fiancés nous donnent la clef de façon admirable. Et je vous invite à prendre vos livrets et à reprendre la première, avec la lettre de Saint Paul Apôtre aux Philippiens :
« Soyez dans la joie ! Laissez-moi vous redire : Soyez dans la joie ! »
La joie est la clef de la terre des centuples, car la joie est le fruit de l’humilité. Vous le savez, humilité vient de humus, de la terre et qui a formé le mot homme. L’humilité est cette terre qui rend fécond les terrains les plus arides. L’humilité est ce qui permet à nos vies d’être fécondes, qu’elles portent du fruit et du fruit en abondance.
Il nous faut accueillir sa juste place face à Dieu et face aux hommes. C’est se reconnaître limités, c’est accueillir le manque, accueillir l’imperfection.
Frères et sœurs bien-aimés, à travers l’engagement de Sixtine et de Florian, nous avons de l’humilité comme un lieu de fécondité de nos vies.
Alors, c’est une clef pour la fécondité, et c’est une clef pour la vie matrimoniale, évidemment. Comme il est important que les époux, l’un face à l’autre, renoncent à une forme de toute puissance, à une maîtrise, à un contrôle, car ce sont des ennemis du couple. Ce sont aussi les ennemis de la vie spirituelle, car, à travers ces terres stériles, nous ne pouvons pas grandir dans l’amour.
Or, si Sixtine et Florian sont là devant l’autel du Seigneur aujourd’hui, c’est bien pour grandir dans l’amour. Ce n’est pas le sommet de leur vie matrimoniale, de leur amour et ensuite ils feront comme ils pourront… non ! Ils sont à la base, sur la terre, et peu à peu, ils s’élèvent, peu à peu, ils rejoignent le Ciel.
Nous le croyons, le mariage, c’est rentrer dans une dynamique de l’amour, c’est rentrer dans une capacité d’aimer chaque fois plus grande. C’est ce que nous demandons au Seigneur avec humilité, car nous avons conscience nous aussi de l’orgueil et de l’égoïsme qui nous habitent, de ces lieux de stérilité en nous.
Alors, demandons au Seigneur qu’Il vienne visiter ces lieux de stérilité, qu’Il vienne répandre Sa vie en abondance, parce que nous croyons en un Dieu de la vie, de la vie qui demeure.
C’est vraiment un très bon de lectures, car il décrit la vie matrimoniale de façon plus large, la vie chrétienne dans son ensemble. Nous sommes tous touchés par le thème des terres stériles et nous sommes tous attirés par la terre du centuple.
Frères et sœurs bien-aimés, demandons pour Sixtine et pour Florian et pour nous mêmes que nous choisissions ce chemin d’humilité, ce chemin de la joie, ce chemin qui n’aura de plénitude qu’en Dieu, et que nous puissions vivre ici bas avec confiance cette voie à laquelle le Seigneur nous appelle. Comme nous l’avons chanté au début de cette célébration, nous en sommes certains :
« Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je crainte ? »
Amen !