Texte de l’homélie :
Il n’y a pas plus tard qu’avant hier soir, une personne traversant une période de désert assez profond me demandait : « Peut-on être dans la joie, toujours ? »
En ce dimanche du gaudete, où est notre joie ? suffit-il d’appuyer sur un bouton pour être joyeux ?
A cette question, le Pape répond que oui, en toute circonstance, nous pouvons être porteurs de la joie. Certes, il y a des moments, des événements, qui font que ce n’est pas une joie débordante et exubérante, mais plutôt une joie profonde qui habite le cœur. Pourquoi ? Le prophète Isaïe nous en donne la clef que nous avons pu entendre dans ce texte :
« Qu’ils se réjouissent le désert et la terre assoiffée ! »
Mais pourquoi donc ? parce que voici votre Dieu ! voici la vengeance qui vient, la revanche de Dieu : Il vient Lui-même vous sauver. Il vous sauvera. Et nous avons là le fondement de notre joie qui est le signe de notre espérance chrétienne. C’est toute la méditation que nous traversons dans ce temps de Noël jusqu’à l’Épiphanie qui est le premier thème de l’année : Le Seigneur vient !
C’est maintenant ! Ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui. Cette revanche peut nous paraître un peu bizarre. Un autre psaume dit : « C’est le Dieu des vengeances qui paraît. Vengeance, manifeste-toi »
Mais, il ne s’agit pas là de la vengeance des hommes : c’est la vengeance de Dieu.
Là où je l’ai peut-être le mieux compris c’est dans une petite communauté de volontaires dans un bidonville. La secrétaire du curé avait beaucoup dénigré notre communauté auprès de lui et des paroissiens. Puis, un jour, elle tombe malade et fait une sorte d’infarctus, et le curé demande aux filles de cette petite communauté de prendre soin de cette dame le soir et la nuit. Pour ces sœurs, c’était difficile de répondre à cette demande, mais pourtant, c’était l’heure de la vengeance de Dieu.
La personne qui leur avait fait du mal par les rumeurs répandues, par les jugements et autres paroles malfaisantes, nous étions à son service, non pas en répondant du tac-au-tac, mais en prenant un soin d’elle tout particulier ; voici la vengeance de Dieu : Il vient et Il n’agit pas selon nos offenses, selon nos péchés, mais selon Son amour pour toucher nos cœurs.
Au sujet du texte d’Isaïe, regardons comment cette vengeance de Dieu, cette espérance, cette joie chrétienne vient s’enraciner dans notre cœur. Pour cela, regardons les verbes du texte :
- « La gloire nous est donnée ». Nous qui rêvons d’obtenir des honneurs, d’avoir aura, gloire et renommée, nous découvrons que ce n’est pas celles que l’on se donne, mais plutôt celles qui nous sont données : c’est de l’ordre du don. Il faut apprendre à le découvrir, il faut savoir observer.
- « On verra la gloire de Dieu, la splendeur de Dieu ». Qu’est-ce qui nous empêche de voir ?
« Les aveugles verront, les sourds entendrons, les boiteux marcheront, les muets parleront… »
Cela ne vous rappelle rien ? Qui sont-ils : aveugles, muets, sourds et boiteux ? cela ne vous rappelle pas le psaume :
« Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas,
des mains et ne peuvent toucher… »
Ce sont les idoles auxquelles il est fait ici référence. Apprendre à voir. Pas seulement suivant nos idées, nos désirs et nos sentiments, mais à voir ce qui est donné : le don que le Seigneur a mis dans le cœur de chacun. Voilà d’où peut venir la joie. Si je garde toujours comme écran mes références - aussi importantes qu’elles soient - que je n’oublie pas qu’elles sont une porte pour aller plus loin. Mais si je mets toujours mon désir et ma frustration en premier, je serai triste et malheureux…
Si j’apprends à voir, je pourrai faire se réaliser la revanche de Dieu. C’est ça la revanche d’aimer ses ennemis. Et Saint Pierre le dit bien :
« C’est comme amasser des charbons sur la tête de vos ennemis ! »
Je peux vous dire que la brave secrétaire acariâtre qui nous avait fait tant de tord avait été très remuée et finalement adoucie par cette expérience. Malheureusement, une fois la santé revenue, elle semblait ne pas tellement se souvenir de cette période…
Il faut toujours rester dans ce temps présent pour ne pas être rattrapés par le ressentiment.
Voilà ce que c’est que d’apprendre et la lecture de ce jour nous y aide : le vrai de don de Dieu pour chacun de nous est fragile. C’est pour cela qu’il faut suivre cette injonction : « fortifiez les cœurs stressés et inquiets, les genoux chancelants, et la capacité profonde de chacun. »
Les genoux représentent la capacité d’aller et de venir, de faire ce qu’il faut pour grandir dans ces différents domaines au lieu de rester dans la critique : « Donne ! Va au secours ! »
Et vous voyez ici toute cette pédagogie de Dieu. C’est justement dans ce petit passage : « Vous découvrirez une source ».
« Alors, du rocher jaillira une source . »
Cela fait référence à l’exode, à l’expérience des Hébreux dans le désert, lorsqu’ils frappent le rocher et qu’en jaillit de l’eau. Alors, ce qui paraît impossible : qu’un rocher donne de l’eau, qu’un désert devienne un étang. Ainsi, le cœur qui nous semblait fermé pourra s’ouvrir et une vraie fraternité, une vraie rencontre pourra naître, voilà l’espérance chrétienne : porter un regard neuf, accueillir ce regard d’espérance du Seigneur sur nous.
Il nous voit à la lumière du don qu’Il nous a fait. Voilà la lumière du Seigneur que nous sommes appelés à porter sur les autres, pour que le don du Seigneur puisse se répandre et que la joie soit complète.
Avec Jean-Baptiste, on a aussi cette allusion au désert quand Jésus dit :
« Qu’êtes-vous allés voir au désert ? un roseau qui s’agite ? »
Dans ce que Jésus veut transmettre à Jean-Baptiste, il y a aussi une invitation à dépasser les difficultés qu’Il a traversées au désert : ce sont les mêmes tentations qui nous assaillent. Sont-ils allés voir un homme finement habillé, au discours souple et démagogique ?
Et Jésus a cette parole :
« Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute… »
Nous sommes enfermés dans le quotidien : pour nous, Jésus est souvent objet de scandale et nous nous demandons ce qu’Il fait, que nous n’entendons pas, que nous ne voyons pas le Royaume. Et Jésus dit : « Heureux celui qui n’achoppe pas… »
Et Jean-Baptiste, parce qu’il est dans un moment de tristesse, d’angoisse, et de difficulté – il est en prison et va être décapité sous peu – précédent Jésus dans la mort, il est pris de questionnement :
« Es-tu celui qui doit venir ? »
Et Jésus répond avec cette citation indirecte qui vient de plusieurs textes :
« Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ! »
C’est aussi ce moment important dans notre chrétienne où il faut que craquent nos images de Dieu. Jean-Baptiste sait que Jésus est le Messie, mais il a des interrogations car Sa manière de faire ne correspond pas vraiment aux images, aux idées qu’il se faisait du Messie, à la représentation qu’il s’en fait. Et il faut encore accueillir ce don, cette œuvre de Dieu qui nous apprend à guérir, qui nous apprend à voir, à « rece-voir » ce don de Dieu en nous et dans les autres.
Comme je vous le disais, ce rôle est d’affermir les genoux chancelants et flageolants, les cœurs oppressés. Et c’est ce à quoi Saint Jacques nous invite : ce n’est pas l’œuvre d’un jour, mais c’est un chemin dans lequel on rentre. Il nous dit : « Tenez bon, tenez ferme ! courage ! Patience ! c’est l’œuvre du Seigneur… »
« Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. »
Et si nous sommes dans l’Avent, dans ce temps de préparation à la naissance du Sauveur, à l’accueil aujourd’hui du Seigneur qui vient – c’est vraiment le centre du mystère chrétien : Il vient à nous, Il vient pour nous sauver et Il peut agir en nous, en ouvrant notre cœur.
Ayez patience, cela se fait dans le temps : Il ouvre un chemin.
Et vous entendez ce que Jésus disait : « C’est bien plus qu’un prophète qui est venu. C’est mon messager qui ouvre un chemin. »
Que l’œuvre du Seigneur puisse se faire dans chacun de nos cœurs, qu’elle puisse se faire dans nos communautés afin que vivions de cet amour du Seigneur et que notre joie soit complète, comme le demande Jésus.
La joie n’est pas pour demain : elle est bien là, peut-être avec des nuances et des couleurs différentes. Elle est puisque notre vie est toujours une aventure à vivre avec et dans le Seigneur,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 35,1-6a.10.
- Psaume 146(145),7.8.9ab.10a.
- Lettre de saint Jacques 5,7-10.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 11,2-11 :
En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda :
— « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus leur répondit :
— « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : "Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle."
Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean :
« Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ?
Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : ‘Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.’
Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »