Texte de l’homélie :
L’Église se trouve dans un situation inextricable. Le Seigneur, messie d’Israël est venu libérer Son peuple, vivifier l’Esprit-Saint, mais, tout le monde ne peut pas en faire partie, n’a pas les conditions requises : il faut être Juif, satisfaire à la bonne conduite que Dieu nous a confiées. Ainsi, l’Esprit-Saint pourra agir. Mais voilà que l’Esprit-Saint déborde et qu’Il se répand de manière improbable dès le début, sur des païens et des étrangers. Ce sont « les autres » qui reçoivent l’Esprit-Saint.
Et que va faire l’Église ? elle va prendre les moyens en ouvrant un débat, en donnant la parole à chacun. Ce n’est pas dans le texte que nous avons lu mais, il y a les disciples d’Antioche jusque Jérusalem en racontant les merveilles de Dieu, ce que le Seigneur a accompli dans leur vie et dans celle de ceux qu’ils ont rencontré.
Puis, on leur donne les moyens financiers pour aller plus loin. Et c’est une grande discussion, longue, difficile et laborieuse où on s’affronte. Et finalement, l’Église décide des recommandations, précisant comment l’Esprit-Saint la fait sortir de ses habitudes et de son confort de pensée et de vivre, et la fait aller de l’avant. Et le texte finit de cette manière :
« Si vous faites ainsi, si vous gardez tout cela, vous agirez bien. Bon courage !"
Cette dernière exhortation est très juste : il faudra du courage. Car l’unité ne se fait pas par décret, et même si l’on a pris les bons moyens, il faut du temps pour que les uns les autres intègrent, s’ouvrent, apprennent à garder la Parole.
Dans l’Évangile aussi, Jésus nous invite aussi à garder la Parole. Il est également dans une situation inextricable, impossible. Il s’avance vers la mort et Il le sait. Les apôtres aussi : toutes les condamnations ont été faites si bien qu’ils se cachaient dans le village d’Éphraïm et ils ne montaient pas à Jérusalem.
Et voici que Jésus monte à Jérusalem. Chacun réagit comme il le peut : certains disent qu’ils vont aller mourir avec Lui, avec la bravoure et l’enthousiasme qui ne vont pas durer longtemps… mais tous les rêves de libération que l’on avait mis dans le Seigneur s’éloignent et s’effondrent. Et comme Jésus en parle ici, les apôtres sont bouleversés, effrayés. Et, d’une manière incroyable, Jésus, Lui, est serein. Il est le gardien de la Parole, Il est
Et ce matin, puis toute la semaine, si nous pouvions nous interroger sur la manière dont nous gardons la Parole ?
J’ai l’impression que, même si bien souvent nous faisons l’effort de garder la Parole, c’est un peu comme ce grand panier qui est là, dans un coin de l’Abbaye, rempli de noix et qui reste là un an, mais on n’en profite pas. On n’utilise pas les vertus contenues dans les noix, elles restent là, dans un coin.
Très souvent, c’est le sort que nous réservons à la Parole de Dieu : c’est une connaissance, je le sais, nous l’avons près de nous. Je peux avoir accès à ces choses concernant le Seigneur dans mes livres de théologie. Mais, va-t-on casser les noix ? va-t-on ouvrir les pages de l’Évangile pour qu’il ne soit pas simplement des idées, des idéaux, mais qu’elle s’incarne dans des petits actes concrets.
Ainsi, il nous est promis que notre demeure, notre être profond sera changée. Et nous pourrons affronter la vie et le monde, le drame du monde et les difficultés de notre vie comme notre Jésus l’affronte : dans la paix, avec l’Esprit-Saint.
Comme on le redit à la messe :
« Je vous donne la paix, je vous donne ma paix… »
Jésus précise bien qu’il s’agit de Sa paix. Tous, nous recherchons la paix. Mais, de quelle paix s’agit-il ? Est-ce la paix du monde, l’absence de conflit, est-ce la paix aux frontières, quand je protège mon territoire, la recherche d’une certaine forme de solitude comme la fuite dans son jardin secret, et l’on va construire des murs, des protections.
Mais, la paix que Jésus propose, la paix de Dieu est celle qui se bâtit. C’est celle que l’on va construire entre les hommes, entre les peuples, en se nourrissant et des richesses, et de la pauvreté de l’autre. Elle va nous permettre de partager et de mettre ensemble les richesses et la misère, en étant respectueux des défauts de l’autre, en ne le mettant pas de force dans « mon jardin à moi » ; il faut adopter un esprit d’ouverture. La paix, ce n’est pas faire des murs, mais c’est faire des ponts et des passerelles.
Cette paix, c’est celle que donne Jésus. Elle permet de faire ce passage, cette Pâque. Il la donne à Ses disciples. Jésus leur donne l’Esprit-Saint.
En ce temps de Pentecôte qui arrive et qui nous donne toute l’intelligence du mystère de la passion et de la résurrection qui Christ, nous sommes appelés à faire une démarche d’appropriation pour que nous soyons la demeure de Dieu, pour qu’Il puisse habiter notre cœur, que l’amour qu’il y a entre le Père et le Fils, cette circulation, cette communion – qui n’est pas une confusion – puisse remplir notre cœur et que nous puissions être la parole, le geste, le sourire, l’accueil du Père qui donne cette assurance à l’Église - après cette grande réunion synodale de Jérusalem, puis Jésus devant les difficultés, ce rejet de Dieu et de son message, la mort qu’Il va affronter – pour que nous puissions vivre pleinement cette passion.
Et l’Esprit-Saint, qui est-Il ? c’est cet avocat, ce paraclet, celui qui va souffler et nous inspirer les paroles, les gestes de paix qu’il faut faire. C’est le défenseur qui va nous donner la force pour affronter toute adversité. C’est aussi celui qui nous enseignera. Il va nous aider à discerner au-delà des apparences, au delà de nos zones de confort. Il ouvre le cœur à la compréhension des écritures. Elle nous offre de pouvoir voir notre cœur tel qu’il est avec toutes ses richesses mais aussi ses lâchetés, ses impuissances, ses cruautés, mais en montrant cette pédagogie de Dieu qui ne désarme pas car elle sait que le bien se fera.
Pour diriger notre congrégation, le Père Lamy a donné comme mot :
Il nous faut rester dans cette bénédiction de Dieu, d’en être les ouvriers, les transmetteurs, avec cette assurance qu’il y a un chemin. On ne l’a peut-être pas encore trouvé, il faudra sans doutes passer par une Pâque, un passage, mais nous savons que le bien se fera.
Dans le Notre-Père, nous disons :
« Que ta volonté soit faite… »
Nous parlons de cette volonté de Dieu qui est le salut, le bonheur, qui est la paix et la plénitude pour chaque créature du Seigneur.
Jésus parle souvent de « porter du fruit », Il veut par dessus tout que nous puissions donner toute notre mesure. Alors, ouvrons-nous à l’Esprit-Saint, apprenons à garder Sa parole, apprenons à la garder dans notre cœur, à nous interroger les uns les autres sur la manière de la vivre et de la mettre en place. Ainsi, nous pourrons nous entraîner à vivre ce don de l’Esprit-Saint et être la demeure de Dieu.
On a ce très beau texte de l’Apocalypse :
« Nous sommes appelés à être la maison de Dieu. »
Sa demeure, c’est le lieu où Dieu habite, où Il se révèle.
Que nos communautés, nos groupes, nos familles puissent être ces lieux où l’on découvre cette paix que donne le Seigneur, cette plénitude de laquelle nous rêvons mais de laquelle Dieu rêve encore plus,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 15,1-2.22-29.
- Psaume 67(66),2-3.5.7-8.
- Livre de l’Apocalypse 21,10-14.22-23.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 14,23-29 :
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »