Homélie du septième dimanche de Pâques

29 mai 2017

« Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. »

Il n’y a pas d’enregistrement pour cette homélie, veuillez nous en excuser…

Texte de l’homélie :

Au jour de l’Ascension, Jésus est monté vers le Ciel. Une page s’est tournée. Ce jour-là, ils l’interrogeaient encore en lui demandant : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » On ne les sent vraiment pas prêts pour leur mission.

Chers frères et sœurs, vous sentez-vous prêts pour être les témoins du Seigneur Jésus ?
Toutes ces dernières semaines, nous avons médité sur la mort et la résurrection de Jésus. Cette nouvelle a bouleversé la vie de millions de chrétiens. D’un certain point de vue, nous nous trouvons dans la même situation que les apôtres : que faire de cette bonne nouvelle de la résurrection de Jésus ?

L’attitude des apôtres et des disciples au Cénacle est un enseignement pour nous aussi. Que font-ils après l’Ascension ? La première lecture décrit l’attitude des disciples après l’Ascension. Nous pourrions nous en inspirer pour nous-mêmes.

J’en retiendrai trois points :

  • premièrement, qu’avant d’entreprendre quoi que ce soit et de se lancer sur les routes du monde les disciples ont besoin de recevoir l’Esprit Saint ;
  • deuxièmement, que ce don se demande dans une prière persévérante ;
  • troisièmement, que cette prière se fait dans un climat de communion fraternelle.

La nécessité de l’Esprit Saint pour l’Église

Après l’Ascension, les disciples mettent immédiatement en œuvre les recommandations que Jésus leur a faites.
En effet :

« Jésus donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. » (Ac 1, 4)

Cette promesse, la voici :

« Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1, 8)

Nous retrouvons cette même recommandation à la fin de l’Évangile de Luc :

« Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez, d’en haut, revêtus de puissance. » (Lc 24, 49)

Comme les apôtres, nous devons avoir bien conscience que sans lui nous ne pouvons rien faire. On ne peut aller prêcher avec fruit sur les places sans passer par le Cénacle, sans être d’abord revêtu de la puissance d’en-haut. Le protagoniste principal de la naissance et du développement de l’Église, c’est l’Esprit Saint. C’est ce qu’a expérimenté saint Paul :

« Ma parole et mon message n’ont rien des discours persuasifs de la sagesse, mais ils sont une manifestation de l’Esprit et de sa puissance. » (cf. 1 Co 2, 4)

Il est bon que les apôtres fassent l’expérience de leur incapacité à évangéliser. Lors de la Pentecôte, l’Esprit Saint est donné avant tout pour l’évangélisation. Les disciples n’attendent pas cette force pour leur bien-être personnel, de façon un peu individualiste. Ils l’attendent pour annoncer la nouvelle de la résurrection.
Il n’y eut pas qu’une seule Pentecôte. Au commencement la prière assidue des apôtres avec Marie (cf. Ac 1, 14) est suivie de la descente de l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 1). Mais, peu après, face à de graves difficultés, l’Église doit se remettre en prière et obtenir une nouvelle effusion de l’Esprit pour pouvoir continuer à proclamer en toute liberté la Parole (cf. Ac 4, 23-31). Sortie du Cénacle, l’Église doit y retourner périodiquement pour y être sans cesse et de nouveau « revêtue de la puissance d’en-haut ».

Prière persévérante

La prière

Dans les Actes des Apôtres, la venue de l’Esprit Saint est toujours mise en relation avec la prière. Saul « était en prière » quand le Seigneur lui envoya Ananie lui rendre la vue et lui communiquer l’Esprit Saint (cf. Ac 9, 9-11).
Après l’arrestation et la libération de Pierre et de Jean, la communauté était en prière :

« À la fin de leur prière, le local où ils se trouvaient réunis fut ébranlé ; ils furent tous remplis du Saint Esprit. » (Ac 4, 31)

Quand les apôtres apprirent que la Samarie avait accueilli la Parole, ils envoyèrent Pierre et Jean ; eux « une fois arrivés prièrent pour qu’ils reçoivent l’Esprit Saint » (Ac 8, 15). C’est déjà ce qui était advenu dans la vie de Jésus.
Lors de son baptême, Jésus priait :

« Alors le ciel s’ouvrit ; l’Esprit Saint descendit sur Jésus. » (Lc 3, 21-22)

De fait Jésus avait lié le don de l’Esprit Saint à la prière :

« Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 13)

Il avait lié ce don non seulement à notre prière, mais aussi et surtout à la sienne, en disant :

« Moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet. » (Jn 14, 16)

C’est le sens aussi de la prière sacerdotale de Jésus que nous avons entendue aujourd’hui.

Persévérante

Un élément essentiel de cette prière est l’assiduité.
Il ne s’agit pas d’une brume du matin qui se dissipe dès les premiers rayons du soleil. C’est bien plus qu’un élan sensible et affectif qui est souvent très passager. Il y a une dimension de persévérance qui va de pair avec la volonté.

Le terme grec original exprimant cet aspect de la prière chrétienne (proskarterountes) souligne la ténacité de l’action. Le fait de s’y appliquer avec assiduité et constance. On pourrait traduire « agrippés avec ténacité » à la prière.
Saint Paul recommande d’être « persévérants dans la prière » (Rm 12, 12 ; Col 4, 2). Jésus l’avait déjà enseigné par exemple dans la parabole de la veuve importune donne pour conclusion qu’il faut « prier constamment et ne pas se décourager » (cf. Lc 18, 1).

Pourquoi donc la persévérance dans la prière ? Notamment parce que le temps fait émerger peu à peu en nous les vrais besoins, besoin de Dieu, de la foi, de la patience, de la charité, de l’humilité, bien plus que les valeurs matérielles.
L’Esprit Saint ne nous est pas donné comme un souffle de vie qui ranime agréablement notre prière et notre ferveur, rend efficace notre ministère et nous fait porter la croix moins lourdement. Ce n’est pas une sorte de potion magique. Il n’est pas donné pour renforcer notre égoïsme. Saint Paul, pourtant accompagné dans sa prédication de la manifestation de l’Esprit et de sa puissance, demanda par trois fois d’être délivré d’une écharde dans sa chair. Il ne fut pas écouté et il dut se résigner à vivre avec, pour que se manifeste davantage la puissance de Dieu (cf. 2 Co 12, 8).

Le don de l’Esprit Saint est appelé également par la communion fraternelle

La première lecture nous dit : « Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères. »

Tous, d’un même cœur

Unanime (homothymadon) signifie, à la lettre, faite d’une seule âme. Jésus avait dit que pour présenter devant Dieu son offrande, il fallait être réconcilié avec son frère (cf. Mt 5, 23). Saint Paul exhorte les chrétiens à être bien d’accord les uns avec les autres « pour rendre gloire à Dieu d’un même cœur » (la même expression que celle d’Actes 1, 14 !) et « d’une seule voix » (Rm 15, 5-6).

Cette unité est bien présente dans la prière sacerdotale de Jésus :

« Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné en partage, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. »

L’Esprit Saint est communion ; il est le lien même de l’unité dans la Trinité et dans l’Église. Qui se met hors de l’unité ne peut le recevoir. Quand on prie d’un seul cœur, personne ne prie exclusivement pour soi, mais chacun prie pour tous et c’est du corps tout entier que la prière monte vers Dieu. Et puisque chacun prie pour tous, tous prient pour chacun : c’est le miracle de la charité qui multiplie la force de la prière.

Dans le cénacle, nous voyons qu’il y a des personnes diverses : des hommes et des femmes, des apôtres et la Mère de Jésus, la parenté de Jésus, … L’unité ne veut pas dire uniformité. Cette unanimité ne signifie pas que tous ont le même rôle. Une bonne image de ceci est le chant polyphonique : tous ne chantent pas la même voix. Cependant, ils cherchent une harmonie. Il serait dommage que l’une des voix écrase toutes les autres. La beauté de ce chant vient de l’accord qu’il y a entre les différentes voix.

Cette unanimité signifie que tous sont attachés à servir l’œuvre d’un autre, l’œuvre du Christ. Ils ne sont pas centrés sur eux-mêmes mais sur le Christ. De ce fait, il ne travaillent pas pour leur ego et tout ce qui peut le flatter. Les questions de personnes passent au deuxième plan.

Dans ce contexte, les jalousies, les rivalités, les jugements les uns sur les autres n’ont pas leur place. Nous voyons qu’il y a du travail. Pour reprendre l’image du grain, il n’est pas étouffé par les ronces qui viennent lui faire concurrence. Périodiquement, l’Église doit retourner au Cénacle et retravailler à cette unité.

Sous la conduite des apôtres

Les onze apôtres sont non seulement évoqués, mais nommés chacun personnellement. Notons que, dans les Actes comme dans les évangiles, C’est Pierre qui est nommé le premier parmi les apôtres, indice de sa primauté. Cependant il doit attendre comme les autres pour recevoir l’Esprit Saint. Lui qui tremblait devant une petite servante n’aura plus peur d’être frappé pour le nom de Jésus.

Dans les versets qui suivent, ce sera le choix de Mathias pour remplacer Judas (Ac 1, 15-26). Cela nous montre l’importance de la hiérarchie dans l’Église de Jésus. Le 15 mai 2016, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié une lettre « Iuvenescit Ecclesia » à propos de la relation entre les dons hiérarchiques et charismatiques pour la vie et la mission de l’Église. Dieu a établi deux voies distinctes pour sanctifier l’Église, qui sont comme deux directions différentes par où souffle le même Esprit. Il y a, pour ainsi dire, l’Esprit qui vient d’en-haut et qui se transmet par le pape, les évêques, les prêtres, qui agit dans le Magistère de l’Église, dans la hiérarchie, dans l’autorité et surtout dans les sacrements. Une autre direction se présente en un certain sens opposée, par où souffle l’Esprit, qui vient d’en-bas, à partir de la base, de chaque cellule du corps qui forme l’Église. C’est là ce vent qui souffle où il veut (cf. Jn 3, 8) ; cet Esprit qui distribue ses dons à chacun « comme il l’entend » (cf. 1 Co 12, 11).

Les charismes vivifient l’institution et l’institution protège les charismes puisque les deux proviennent du seul et même Esprit.

Avec Marie, Mère de Jésus

Marie n’est pas souvent mentionnée explicitement dans l’Écriture.
Et pourtant, elle est mentionnée à des moments tout-à-fait déterminants : la naissance de Jésus bien sûr, à Cana au début de sa vie apostolique, le terme de sa vie apostolique lorsqu’il meurt sur la Croix, et dans le Cénacle dans l’attente de l’Esprit Saint.

Si Dieu a voulu réaliser l’incarnation par Marie, il a voulu aussi qu’elle soit présente à la naissance de l’Église. Sa présence au Cénacle n’est pas anecdotique. Marie est là, discrètement - elle n’est pas au centre - mais elle attire l’Esprit Saint sur l’Église naissante.

Que la Vierge Marie nous aide nous aussi à nous disposer à accueillir l’Esprit Saint.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,12-14.
  • Psaume 27(26),1.4.7-8a.
  • Première lettre de saint Pierre Apôtre 4,13-16.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 17,1b-11a :

En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit :
« Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner.
Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »