Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien-aimés, une première bonne nouvelle : le confinement n’empêche pas Jésus ressuscité de vous rejoindre ! Les apôtres étaient confinés au Cénacle. Ce n’était pas par la peur du coronavirus mais la peur des Juifs. Jésus ressuscité s’est rendu présent au milieu d’eux pour leur faire le don de la paix. Ainsi Jésus veut-il vous rejoindre en ce beau jour de Pâques.
Frères et sœurs bien-aimés, la bonne nouvelle de la résurrection nous rejoint cette année dans une situation tout à fait particulière. J’aimerais méditer avec vous sur ce qui fait que la résurrection est-elle une bonne nouvelle en cette fête de Pâques 2020.
D’abord, que veut dire saint Paul lorsqu’il parle de la puissance de la résurrection ?
Ensuite, quelles sont ces réalités d’en-haut qui nous sont offertes par la résurrection ?
Et enfin, quelle est la nouveauté de la résurrection de Jésus ?
La puissance de la résurrection qu’est-ce à dire ?
À diverses reprises dans ses lettres, saint Paul nous invite à « connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection. » (Ph 3, 10). Que veut-il dire ? Car la résurrection de Jésus n’empêche pas des gens de continuer à mourir ; elle ne nous dispense pas de règles de prudence pour ne pas être contaminés ; elle ne risque pas de mettre au chômage le corps médical mobilisé avec un grand dévouement aujourd’hui ; la résurrection ne va pas relancer pas l’économie. À un certain niveau la résurrection de Jésus ne changera pas grand-chose.
Par sa résurrection, Jésus ne nous donne pas tout de suite un corps glorieux qui échappe aux virus ! Ceux qui attendraient un coup de baguette magique en seront pour leurs frais.
La résurrection de Jésus nous promet-elle une vie épargnée par la souffrance ? Évidemment non. Sinon nos églises seraient certainement pleines (du moins dès la fin du confinement !). Nous aimerions tellement que la résurrection nous rende invulnérables. Nous aimerions échapper à cette vulnérabilité qui n’est pas confortable : la vulnérabilité au virus, la vulnérabilité à la souffrance et à la mort, la vulnérabilité à l’infidélité et aux trahisons, la vulnérabilité aux aléas de la vie de toute sorte. Le grand saint Paul est comme nous. Il aurait bien voulu que Dieu lui retire cette écharde qui le faisait souffrir. Voilà ce qu’il nous dit :
« Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : ’Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.’
C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. » (2 Co 12)
La puissance de la résurrection de Jésus ne supprime donc pas nos faiblesses mais elle vient agir dans nos faiblesses. Il nous est donné d’y vivre une communion particulière avec le Christ :
« Si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne. (…)
Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » (Rm 6, 5.8)
C’est ce que saint Paul dit aux Philippiens :
« Il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l’espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3, 10-11)
Dans le mur de la souffrance contre lequel on se butte, Jésus nous ouvre une brèche. Une fois qu’ils ont la foi en la résurrection de Jésus chevillée au corps, les apôtres ne réagissent plus de la même manière. On le voit dans les Actes des Apôtres, après qu’ils aient été fouettés :
« Ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. » (Ac 5, 41)
L’image qui me venait à l’esprit pour décrire le monde actuel est celle de quelqu’un sur un vélo. Il allait très vite ; il était très sûr de lui. Et d’un seul coup, le vélo s’arrête. Il se trouve tout bête et ne sait plus comment garder son équilibre. Jésus ne nous invite pas à trouver notre équilibre dans une fuite en avant mais dans la communion avec lui.
Les réalités d’en-haut
Avec la résurrection, si nous vivons en communion avec le Christ ressuscité, notre référentiel change : comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture, notre attention se porte sur les réalités d’en haut et non plus celles de la terre.
Est-ce que cela signifie que nous devenons indifférents à ce qui se passe sur la terre ? Que nous sommes un peu éthérés ? Non, nous restons la religion de l’incarnation. Lorsque saint Paul parle des « réalités d’en-haut » (Col 3), il ne parle pas de quelque chose d’abstrait. Il ne s’agit pas de choses (qu’elles soient d’en-haut ou d’en-bas). Il le dit dans les versets suivants. Ce sont plutôt des conduites, des manières de vivre, des comportements : c’est la bienveillance, l’humilité, la douceur, la patience, le pardon mutuel… qui sont comme des avant-goûts du ciel. Ce qu’il appelle les réalités terrestres, c’est la débauche, l’impureté, la passion, la cupidité, la convoitise…
De fait, lorsque notre cycliste était lancé à toute vitesse, il était beaucoup moins attentif à ces attitudes très humaines. Il était grisé par la vitesse. Son attention était davantage retenue par ses succès, la variété des paysages toujours nouveaux qu’il découvrait… Il a hélas fallu ce coup de frein brutal pour découvrir et apprécier de superbes élans de solidarité, des démarches héroïques…
Le confort a tendance à anesthésier le meilleur de nous-mêmes. Notre vie s’en trouve comme réduite à un univers matérialiste, hédoniste, …
Dans la vie nouvelle à laquelle nous appelle Jésus, nous sommes appelés à ne plus vivre pour nous-mêmes mais pour celui qui est mort et ressuscité pour nous (cf. 2 Co 5, 15).
La nouveauté de la résurrection de Jésus
Frères et sœurs, revenons encore un instant à l’évangile du jour : pourquoi une telle surprise de la part de Marie-Madeleine, de Pierre et de Jean ? Jésus avait pourtant parlé de sa résurrection.
Mais je pense que jusque là, ils comprenaient la résurrection comme une sorte de réanimation, un peu comme celle de Lazare. C’était beaucoup plus simple à comprendre : on efface d’un revers de main l’épisode de la passion et de la mort pour revenir à la période où Jésus avait du succès auprès des foules. On fait un petit retour en arrière, comme une machine à remonter le temps.
Les jours qui suivent la résurrection, les disciples sont déstabilisés : ils ne reconnaissent pas Jésus ; le voilà qui apparaît sans passer par la porte. Et cela ne se passe pas seulement dans leur tête : Jésus a vraiment mangé le poisson qu’ils lui ont proposé !
La résurrection telle qu’elle se présente à leur expérience est beaucoup moins confortable qu’une réanimation car ils ne maîtrisent pas ; ils découvrent ; ils doivent se laisser guider jour après jour. C’est un saut en avant vers une nouvelle manière d’être homme qui leur est inconnue.
Comme le dit Benoît XVI dans le deuxième volume de son livre sur Jésus de Nazareth, avec la résurrection de Jésus s’opère une mutation fondamentale. Il nous donne accès à une communion avec Dieu inouïe :
Dans l’histoire des êtres vivants, on voit un certain nombre de sauts qualitatifs vers des espèces plus évoluées. Cette comparaison peut nous aider à voir le saut immense que représente la résurrection de Jésus pour toute l’humanité. La Résurrection est une sorte de saut qualitatif radical, un saut ontologique, par lequel s’ouvre une nouvelle dimension de la vie humaine.
Conclusion :
En ce beau jour de Pâques, je ne peux que vous encourager à entrer davantage dans cette communion avec Jésus ressuscité. Cela n’enlève pas nos faiblesses ; cela ne répond pas immédiatement à toutes nos questions sur l’avenir. Mais c’est à ce prix que nous pourrons recevoir la paix du Seigneur ressuscité.
Pour cela, prenons exemple et appui sur la Vierge Marie. Elle n’était pas madame soleil ! Elle se laissait guider avec confiance par son Fils, car – comme le disent les Pères de l’Eglise – avant d’être mère, elle était disciple. Que Marie nous aide à vivre d’une communion plus profonde avec le Seigneur ressuscité !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 10,34a.37-43.
- Psaume 118(117),1.2.16-17.22-23.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 3,1-4.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,1-9 :
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres.
Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit :
— « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.