Homélie du 8e dimanche du Temps Ordinaire

4 mars 2025

« Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

Des pommes d’or du jardin des Hespérides dans la mythologie grecque jusqu’à Sylvebarbe, pour celles et ceux qui se réfèrent au Seigneur des Anneaux le gardien de la forêt de Fangorn… les arbres portent un mystère dont les mythes et les légendes ne cessent de se déployer à travers le temps, jusqu’à chez nous, à l’Abbaye d’Ourscamp, tels de sentinelles silencieuses, bien enracinées dans le sol, avec les troncs bien solides, couronnés de branches qui semblent relier les profondeurs de la Terre et les hauteurs de Cieux.

Et lorsqu’elles sont agitées par le vent – cela arrive souvent ici – la Bible y voit un hommage rendu au Créateur :

« Les arbres de forêts dansent de joie ! »

Aussi, pendant trente ans, à Nazareth, les figuiers, les amandiers et oliviers offrirent sûrement une joie immense à Jésus qui gouttait certainement souvent à leurs fruits juteux. Et il voyait ainsi à l’œuvre ce qu’il savait déjà éternellement.

Ce qui nous est dit dans la première lecture et rappelé à travers l’évangile, c’est que c’est bien le fruit qui détermine la qualité de l’arbre. Il y aurait beaucoup à dire, mais voilà un constat naturel pour un enseignement non seulement moral que nous faisons bien souvent - qui est bon, mais limité – mais un enseignement surnaturel.

Bien sûr, frères et sœurs, il nous faut entendre dans ces paroles qu’il est bon de porter de bons fruits de façon morale. Et cela nous rappelle bien sûr l’aspect du jugement, qu’il ne faut pas trop faire, ou le fait qu’il nous faut adapter nos paroles à nos actes pour être de vrais Chrétiens, ne pas seulement parler mais agir, c’est vrai.

Mais rappelez-vous, cet évangile qui se situe après Pâques, va évoquer un arbre avec ses fruits, selon les paroles de Jésus transmises par Saint Luc. Bien plus que les arbres des forêts, il parle évoque surtout le mystère de la Croix. Nous le savons et c’est important de se le rappeler.

L’arbre de la Croix, c’est un arbre qui a jailli du sol et puisqu’il portait le fils Divin Éternel, Jésus lui-même, c’est le fruit - c’est bon de le rappeler - qui a donné la sève à l’arbre pour une fécondité qui nous sauve chacun définitivement du mal et de la mort, du premier Adam jusqu’au dernier Adam

Ainsi, c’est bon de contempler le bois de la Croix qui n’était qu’en apparence un arbre mort, une poutre, c’est ce que nous ferons particulièrement le Vendredi Saint. Tiens ! il s’agit de poutres aussi dans l’Évangile…. Et pourtant cet arbre mort porte cette grande guérison pour toujours : la vie éternelle !

Je ne sais pas si ici parmi vous, il y a des adeptes de sylvothérapie. Si de nos jours cette thérapie encourage à embrasser les arbres pour soit-disant recevoir des énergies d’une façon un peu druidique (allez voir sur Internet, c’est intéressant). C’est tout à fait possible, les arbres dégagent des énergies. Faites attention de pas trop exagérer quand même…
Mais il est bien plus sûr, frères et sœurs, et plus salvateur d’embrasser l’arbre de la Croix. J’espère que vous avez au moins une croix, un crucifix dans votre maison pour justement pouvoir l’embrasser ou pour signer vos enfants, votre conjoint, par la croix, en l’embrassant.

Et c’est ce que nous faisons, frères et sœurs à chaque messe. Manger le fruit eucharistique, fruit de la Croix, c’est embrasser la Croix en vue de participer jour après jour à la résurrection du Christ. C’est ce à quoi nous nous entraînons chaque dimanche, chacun selon sa foi et sa confiance en Dieu.

Et c’est intéressant de reprendre le psaume en ce sens, ce très beau psaume :

« Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban, il grandira dans la maison de notre seigneur. Vieillissant, il fructifie encore, et il garde sa sève et sa verdeur. »

Quel bel encouragement pour les anciens parmi nous : ils peuvent garder la fraîcheur et la verdeur de la vie éternelle !

Voilà le fondement, l’appel qui nous est lancé aujourd’hui en ce dimanche, même s’il y a beaucoup de choses à dire : être des arbres qui portent de bon fruits !

Certes, c’est vite dit : on peut se tromper de fruit, il y a des fruits apparemment bons, qui ne sont pas vraiment, etc… Mais le bon fruit est celui qui est vraiment uni à Jésus, comme le rappelle le psaume, et dont les fruits de la croix deviennent en quelque sorte sa nourriture, pour soi-même et pour les autres, pour faire resplendir à travers sa vie imparfaite, la grandeur et la beauté de Dieu qui nous est donné.

Ainsi, à trois jours de l’entrée en carême, j’en suis personnellement ravi ! C’est une belle occasion pour reprendre cet entraînement à devenir un bel arbre qui porte encore plus de bons fruits : redonner vigueur à nos arbres fatigués et tourmentés, ou élaguer ceux qui sont encombrés…

Voici cinq critères très simples que vous pouvez reprendre et approfondir. C’est une sagesse qui vient des anciens ou de ceux qui savent tailler les arbres, comme on le fait dans notre verger.

  • Premier critère : pour être un bon arbre, il faut avoir de bonnes racines. Il s’agit des racines du réel, c’est un grand sujet ! C’est la racine de notre vie, de notre corps, de notre histoire, de nos relations humaines, ce qui est le plus humain en nous. Le Carême qui approche peut être un temps favorable pour bien soigner - ou mieux soigner - et mieux accepter notre humanité telle qu’elle est.
    Elle n’est pas très belle quelquefois, dans le sens où elle est abîmée, mais elle est belle, parce que Dieu nous voit comme étant Ses créatures belles, jusqu’à travers notre humanité, avec mon corps comme je suis mes péchés, etc… Et éviter de chercher ailleurs son bonheur. L’arbre reste bien planté là où il est, et il ne bouge pas.
    Rendre grâce aussi pour tout ce qui dans notre humanité, nous nourrit et nous permet de rendre grâce à Dieu, la nourriture et tous les plaisirs, toutes les belles choses, que le ciel nous nous offre à travers notre humanité. Enracinés ! Profiter dans le bon sens, ce n’est pas chercher ailleurs car Dieu a pris notre chair.
  • Deuxième critère : avoir un tronc bien solide, évidemment. Celui-ci tient le rôle de colonne vertébrale. Nous en avons tous une et cette colonne vertébrale est pour nous la vie spirituelle évidemment. Elle passe par notre recherche de Dieu avec notre intelligence du cœur, avec une bonne curiosité à chercher et à connaître les mystères de Dieu et être vigilant - ça j’y tiens beaucoup – à veiller à ne pas suivre aveuglément n’importe qui et surtout pas l’esprit du monde, cela rappelle le début de l’Évangile de ce jour.
    Cela implique d’avoir vraiment une colonne vertébrale, c’est à dire un temps de communion avec Dieu dans la vie spirituelle.
  • Troisième critère : laisser nos branches s’élever vers le ciel. Voilà comment on reconnaît un arbre en bonne santé. Hauts les cœurs ! Par l’amour, la prière, les sacrements, la messe que nous chantons chaque dimanche, la parole de Dieu, grandir en Sainteté ! On reconnaît les Saints car ils sont heureux, même dans les situations les plus compliquées. Haut les cœurs ! Élevez vos cœurs vers le Ciel ! Nous avons de quoi nous y entraîner, frères et sœurs…
  • Quatrième critère : laisser s’opérer en nous comme une photosynthèse. C’est un peu drôle de faire ce rapprochement, mais les arbres absorbent le CO2, vous le savez bien, on en parle beaucoup avec l’écologie. Ils rejettent l’oxygène dans l’atmosphère, tout cela est très symbolique, frères et sœurs. C’est ce que vous faites lorsque vous bénissez les autres au lieu de les maudire, enfin j’espère si vous en prenez conscience, rappelez vous de l’Évangile. A ce moment là, vous injectez de la vie et vous absorbez ce qui va pas, en répondant au mal par le bien. Alors là, c’est excellent ! Vous permettez la grâce de transformer les gaz toxiques du malin, qui évidemment toujours nous tente à nous déprécier et à voir tout ce qui ne va pas, en les transformant avec Jésus, en ce bon oxygène de Sainteté que nous recevons à chaque messe.
    De quoi s’y entraîner, frères et sœurs pour rafraîchir la Sainteté dans nos vies.
  • Cinquième et dernier critère : offrir aux autres de bons fruits. Ce ne sont pas les œuvres, ce sont les bons fruits du Saint Esprit. Allez voir dans Saint Paul :

    « Humilité, générosité, offrande de soi aux autres, altruisme, charité, etc… »


    Avez-vous vu un arbre se nourrir de ses propres fruits ? Bien sûr, il y a un lien indirect, mais l’arbre donne habituellement ses fruits aux autres pour que les autres en profitent, pour que les autres viennent cueillir ses fruits sous ses branches. Très beau comme point de discernement pour savoir si vous êtes en face d’un arbre bon ou d’un arbre mauvais : est ce qu’il se donne vraiment aux autres, ou est ce qu’ils se regarde lui-même ? Bien entendu, nous sommes tous un petit peu entre les deux… De quoi discerner.

Voyez, frères et sœurs, je termine : dans la pépinière de notre vie ou dans le jardin d’Ourscamp ou ailleurs, avec Marie, on peut se laisser inspirer par ces cinq critères, ces cinq pistes. Voyez, laissons Jésus nous nourrir du fruit mûr par excellence tombé de la Croix, c’est Lui-même.
Laissons-nous nourrir de Sa parole jusque dans l’éternité, en espérant que beaucoup, dans ce monde, puissent entendre ce grand appel que vous entendez à chaque messe :

« Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Ecclésiastique 27,4-7.
  • Psaume 92(91),2-3.13-14.15-16.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,54-58.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 6,39-45 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?
Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?
Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces.
L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. »