Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien-aimés,
voulez-vous connaître (l’expression est du pape François, Homélie du 9 juin 2014) le plan de navigation pour aller vers le Royaume ? Il nous est donné dans l’évangile de ce jour : les béatitudes.
Jésus vient de commencer à proclamer :
« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 4, 17)
« Après avoir appelé ses premiers apôtres, Il proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. (…) On lui amena tous ceux qui souffraient, atteints de maladies et de tourments de toutes sortes : possédés, épileptiques, paralysés. Et il les guérit. » (Mt 4, 23-24)
Lorsque Jésus dit que le Royaume des Cieux est tout proche, Il nous dit aussi que ce Royaume n’est pas seulement dans l’avenir. Il commence aussi là où Jésus est présent, là où l’on vit les béatitudes. Comme le disait Guerric d’Igny :
Il est clair que cela contraste avec les manières de faire du monde. Il y a un aspect paradoxal dont parlait Saint Paul aux Corinthiens dans la deuxième lecture de ce dimanche : le paradoxe de la sagesse de Dieu si contraire à la sagesse humaine…
Normalement, on aime bien bien gagner sa vie ; on a tendance à s’imposer ou à se faire respecter quand on n’est pas du même avis que nous ; on essaie plutôt d’éviter la souffrance sous toutes ses formes et en particulier la persécution.
Comme le disait Benoît XVI :
Avec vous, je désire reparcourir brièvement les béatitudes pour nous aider à entrer dans une manière de vivre qui nous ouvre le Royaume (cf. Pape François).
Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Jésus ne magnifie pas la pauvreté en tant que telle. Comme le dit très bien Madeleine Delbrêl :
Dans cette béatitude, Jésus veut substituer la logique de l’être à celle de l’avoir plus ! La grandeur d’un homme n’est pas dans sa richesse, dans sa réputation, dans sa réussite sociale ou humaine mais dans son cœur. Les qualités de cœur sont bien au-dessus de l’avoir matériel.
La pauvreté de cœur va à l’encontre d’une certaine suffisance qui nous enferme en nous-mêmes. La richesse fait que nous pouvons devenir des satisfaits et ne plus rien attendre de Dieu. Le pauvre, c’est celui qui doit “demander” pour vivre. Le pauvre, c’est celui qui a besoin de Dieu, qui ne peut en faire l’économie, si j’ose dire.
Heureux êtes-vous, vous pour qui Dieu n’est pas une option, un accessoire mais une nécessité vitale à chaque instant de vos journées.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Comme le dit le pape François :
Et il ignore, il regarde ailleurs, lorsqu’il y a des problèmes de maladie, des problèmes douloureux dans la famille. Le monde ne veut pas pleurer, il préfère ignorer les situations douloureuses, les recouvrir. Seule la personne qui voit les choses telles qu’elles sont et qui pleure dans son cœur, est heureuse et sera consolée. »
Dans cette béatitude, Jésus nous exhorte à ne pas fuir toute souffrance, éviter tout combat. La recherche constante de la facilité induit en nous une certaine superficialité. La vie chrétienne est exigeante. Il est des jours où la fidélité au Christ, à votre époux ou à votre épouse, à vos engagements… est source de larmes.
Le fruit de cette béatitude est davantage au futur lorsque Dieu demeurera avec eux, et ils seront son peuple, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » (Ap 21, 3-4)
Les Béatitudes sont la transposition de la croix et de la résurrection dans l’existence des disciples » (Benoît XVI, Jésus de Nazareth p. 97).
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Jésus ne dit pas : “heureux les mous” mais “heureux les doux”. Être doux, ce n’est pas s’écraser ; ce n’est pas un manque de caractère, d’énergie. Il faut au contraire une grande force pour réprimer une colère, une envie…
« Mieux vaut un homme patient qu’un héros, un homme maître de soi qu’un preneur de villes. » (Pr 16,32)
Comme le disait Saint Jean-Paul II (Angelus du 2 septembre 2001) :
« Il s’agit d’une parole qui va clairement à contre-courant. En effet, la mentalité du monde incite à se mettre en avant, à tracer son chemin, entre la ruse et l’absence de scrupule, pour s’affirmer soi-même et défendre ses intérêts.
Dans le Royaume de Dieu, la modestie et l’humilité sont récompensées.
En revanche, dans les affaires terrestres, ce sont souvent l’arrivisme et l’abus de pouvoir qui ont le dessus ; les conséquences se trouvent sous les yeux de tous : rivalités, injustices, frustrations. »
Vous connaissez sans doute cette citation du Patriarche Athénagoras :
J’ai mené ce combat depuis des années, c’est terrible. Mais maintenant je suis désarmé. Je n’ai plus peur de rien, parce que l’Amour dépasse les peurs.
Je suis désarmé du désir d’avoir raison, de me justifier en discréditant les autres en même temps. Je ne suis plus sur la défensive, gardant jalousement mes richesses. Je peux accueillir et je peux partager.
Je ne suis pas particulièrement attaché à mes idées, à mes projets. Si quelqu’un m’en offre de meilleurs ou même pas de meilleurs mais seulement de bons, je les accepte sans regret. _ J’abandonne la comparaison. Tout ce qui est bon, réel, est toujours le mieux pour moi. C’est pour cela que je n’ai plus peur : lorsqu’il ne nous reste plus rien, on ne craint plus. »
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
C’est si facile de se taire devant l’injustice, de rester les bras croisés alors que nous sommes témoins d’injustices pas seulement au niveau international mais au sein même de nos familles, de nos communautés, de nos paroisses. Car cela implique de prendre des risques et de ne pas être forcément bien perçus.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Saint Paul déclare :
« Revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. » (Col 3,12)
Jésus nous apprend à lui ressembler, Lui qui n’est pas venu pour condamner mais pour sauver, Lui qui sait être compréhensif et qui pardonne même à ses bourreaux.
Comme je le disais au début de cette homélie, le Royaume n’est pas seulement dans l’avenir. Voulez-vous que votre vie de famille, de communauté, de paroisse ressemble plus à celle du Ciel ou au purgatoire, ou – pire encore – à l’enfer ? La manière dont nous vivons de la miséricorde fait ressembler notre lieu de vie au Ciel ou au purgatoire !
Ce thème de la miséricorde, nous l’avons développé davantage l’an dernier, aussi je n’insiste pas davantage dessus.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Bienheureux les cœurs purs, ceux qui ont un cœur simple, pur, sans saleté, un cœur qui sait aimer avec cette pureté qui est si belle. (…) En ce qui concerne la définition de « pur », le mot grec utilisée par l’Évangéliste Matthieu estkatharos, et signifie fondamentalement propre, limpide, libre de substance contaminante. (…)
« C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure » (Mc 7, 15.21-22)
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Voulons-nous être de ceux qui apaisent les tensions entre les personnes ou ceux qui les attisent, les exacerbent ?
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
« Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »
Combien de personnes sont persécutées, ont été persécutées simplement pour avoir lutté pour la justice.
Heureux êtes-vous quand à l’école on se moque de vous parce que vous dîtes que vous allez à la messe le dimanche, votre récompense est grande dans le Ciel parce que vous ne rougissez pas de Jésus.
Heureux êtes-vous, vous qui risquez votre place dans les hôpitaux en refusant de collaborer à des œuvres de mort, votre récompense est grande dans les cieux.
Heureux êtes-vous, vous qui prenez le parti des plus faibles, de ceux que personne ne veut défendre.
Heureux êtes-vous, vous qui osez encore défendre la morale de l’Église si souvent tournée en ridicule par les médias.
Chers frères et sœurs, peut-être y a-t-il une béatitude qui a davantage résonné dans votre cœur au cours de cette homélie ? C’est sans doute le signe que le Seigneur désire que vous approfondissiez cela cette semaine.
Alors votre vie de famille ou de communauté ressemblera davantage à la vie du Ciel et moins à celle du purgatoire !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de Sophonie 2,3.3,12-13.
- Psaume 146(145),7.8.9ab.10b.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,26-31.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,1-12a :
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !