Homélie du 4e dimanche de Pâques

14 mai 2019

« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. »

Il n’y a pas d’enregistrement pour cette homélie, veuillez nous en excuser…

Texte de l’homélie :

Dans la deuxième lecture que nous avons entendue, saint Jean voit une foule immense, innombrable, de toutes nations, tribus, peuples et langues. C’est la foule de ceux qui sont au Ciel. C’est – j’espère – vous, moi, lorsque nous serons arrivés dans l’au-delà. D’où vient cette foule immense ? De la grande épreuve.
Qu’est-ce que cette grande épreuve ? Il ne faut pas s’imaginer forcément le martyre. Mais certainement la fidélité à Dieu dans toutes les tentations. On peut si facilement se détourner de Dieu lorsqu’on est plongé dans une société de matérialisme et de bien-être, un monde où l’on choisit plus aisément la facilité à la fidélité, l’amour de soi à l’amour des autres et de Dieu…

Chers frères et sœurs, le Seigneur nous invite à une vie qui soit belle mais pas forcément facile. Et pour cela, nous avons besoin d’un coach. Comme le dit encore le passage de l’Apocalypse que nous avons entendu :

« l’Agneau sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. »

Dans le domaine du sport, on parle aussi d’épreuve : des épreuves sportives. Pour un sportif de haut niveau, c’est une évidence d’avoir un coach. Et pour notre vie spirituelle, nous nous passerions d’un coach !

En ce 4e dimanche de Pâques, le dimanche du bon pasteur, l’Église a coutume de nous faire prier pour les vocations sacerdotales et à la vie consacrée.
À ce sujet, j’aimerais vous dire trois choses : d’une part, ces vocations sont très importantes pour toute l’Église. D’autre part, il ne faut jamais oublier que le pasteur par excellence, c’est Jésus. Et enfin être appelé par Dieu c’est un don très grand et en même temps une responsabilité.

Il y a besoin de pasteurs

Dans la Bible, l’image du berger revient fréquemment pour dire l’importance d’avoir quelqu’un qui assume la responsabilité du peuple. Vous vous rappelez sans doute de ce passage de l’évangile de saint Matthieu. Jésus parcourt le pays en enseignant et en faisant des guérisons.
À un certain moment saint Matthieu nous dit :

« Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Il dit alors à ses disciples : ’La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.’ » (Mt 9, 36-38)

Le berger doit veiller notamment à ce que ses brebis ne se dispersent pas. Quand une petite brebis s’est séparée du troupeau, elle est très vulnérable. Elle peut facilement être la proie d’une bête féroce. Elle ne sait pas non plus où sont les meilleurs pâturages. Les pasteurs sont là à la fois pour nous protéger et pour nourrir notre foi, notre espérance, notre charité.
Sans pasteur, les brebis sont plus facilement abattues : elles se découragent plus facilement devant les difficultés. Le pasteur les aide à regarder au-delà des difficultés, les éclaire sur le sens de la vie et leur apporte le soutien nécessaire.

À l’époque du Christ, le troupeau était exposé aux bêtes féroces. Si le ’mercenaire’ avait plutôt tendance à s’enfuir devant les dangers (cf. Jn 10, 12), le ’Berger’ digne de ce nom, était amené à exposer sa vie pour assurer la protection de son troupeau contre les prédateurs en tous genres. De leur côté, les brebis avaient tout intérêt à demeurer proches du Pasteur, attentives au moindre son de sa voix, qui les prévenait des périls éventuels, (et ne pas être individualistes et indépendantes, n’en faisant qu’à leur tête).
Quelquefois, nous n’aimons pas trop cette image du berger et des brebis car nous ne voulons pas être des moutons de Panurge. Rassurez-vous, Jésus ne nous demande pas d’être des moutons de Panurge. Il ne nous demande pas de ne pas réfléchir : s’il nous a donné une intelligence, c’est pour nous en servir. Cependant, il nous faut aussi avoir l’humilité de nous laisser guider.

En ce dimanche, nous prions particulièrement pour les vocations de prêtres car nous savons bien combien est précieux un bon prêtre pour une paroisse. Nous prions aussi pour les personnes consacrées car l’exemple de leur vie donnée à Dieu nous aide aussi à avancer vers le Royaume. Les personnes consacrées nous montrent bien que la foi n’est pas seulement une activité de loisir mais que Jésus vaut la peine qu’on lui donne toute notre vie.
On attend des prêtres et des femmes consacrées qu’ils soient vraiment des hommes et des femmes de Dieu qui peuvent parler de lui parce qu’ils le fréquentent assidûment dans la prière et par toute leur vie. Le curé d’Ars a de belles images pour nous dire l’importance du sacerdoce :

« À quoi servirait une maison remplie d’or, si vous n’aviez personne pour ouvrir la porte ? Le prêtre a la clef des trésors célestes : c’est lui qui ouvre la porte ; il est l’économe du bon Dieu, l’administrateur de ses biens. » (Curé d’Ars, p. 101)

Si par impossible, il n’y avait plus un jeune qui accepte d’être prêtre, les trésors de grâce acquis par Jésus pendant sa passion seraient comme un coffre-fort dont on aurait perdu la clé et la combinaison. Plus personne pour remettre les péchés au nom de Dieu. Plus personne pour renouveler sacramentellement le sacrifice du Christ.
Les prêtres mettent à la disposition de Jésus leur humanité afin qu’Il puisse rejoindre les gens personnellement. Jésus choisit des hommes pour poursuivre son ministère, pour lui être comme une humanité de surcroît. S’Il l’avait voulu, Dieu aurait pu se passer de prêtres. Mais au contraire, il a voulu se choisir des prêtres pour comme prolonger son incarnation.

Jésus n’a pas voulu d’une religion de masse, impersonnelle. Le bon berger connaît ses brebis et il sait qu’elles ont besoin de contacts personnels. Le Bon Berger connaît chacune de ses brebis dans son individualité, dans ce qui lui est propre. Chacune de ses brebis a une histoire. Cette histoire est faite de joies et de peines, d’événements joyeux et douloureux, de belles actions et de péchés.

Le pasteur par excellence, c’est le Christ

Ceci dit, il ne faut jamais perdre de vue que c’est Jésus le pasteur par excellence. Comme Jean-Baptiste, nous sommes appelés à conduire les gens à Dieu, pas à nous. Nous savons bien qu’un ambassadeur qui se représenterait lui-même serait complètement stupide. Il est là pour un autre pas pour lui.

Tout d’abord, qui mieux que Lui connaît le Père ! C’est Lui qui nous révèle le cœur de Dieu. Le Père et lui sont UN. Dans les lectures de ce jour, il est beaucoup question de la vie éternelle :

« Jésus nous appelle à participer à sa relation avec le Père, et c’est cela la vie éternelle. » (Pape François, Regina Coeli du 21 avril 2013)
« L’expression ’vie éternelle’ voudrait donner un nom à cette attente qu’on ne peut supprimer : non pas une succession sans fin, mais une immersion dans l’océan de l’Amour infini, dans lequel le temps, avant et après n’existe plus. Une plénitude de vie et de joie : c’est cela que nous espérons et attendons par la foi, par notre être avec le Christ (cfr. Ibid, 12). » (Benoît XVI, 2 novembre 2008)

Et ensuite, Jésus a donné Sa vie pour nous ; Il a traversé les ravins de la mort. C’est la raison pour laquelle les premiers chrétiens aimaient représenter le Christ par un pasteur. Ils s’appuyaient pour cela notamment sur le psaume 22 :

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien…
Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » (Ps 22, 1.4)

En effet, le Christ bon Pasteur a traversé les ravins de la mort pour nous permettre d’atteindre les rives de la Résurrection. Le vrai pasteur est Celui qui marche avec moi sur la voie de la solitude ultime, où personne ne peut m’accompagner, me guidant pour la traverser : Il a parcouru lui-même cette voie, Il est descendu dans le royaume de la mort, Il l’a vaincu et Il est maintenant revenu pour nous accompagner et pour nous donner la certitude que, avec Lui, on trouve un passage.
Comme le disait Benoît XVI dans son encyclique sur l’espérance :

« La conscience qu’existe Celui qui m’accompagne aussi dans la mort et qui, ’avec son bâton, me guide et me rassure’, de sorte que ’je ne crains aucun mal’ (Ps 22 (23), 4), telle était la nouvelle ’espérance’ qui apparaissait dans la vie des croyants. »
(Spe salvi n° 6)

Le Christ bon pasteur est celui qui nous donne d’accéder à un ciel nouveau et à une terre nouvelle, un lieu où « ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera. »

« Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Jésus ose affirmer : « Je leur donne la vie éternelle, jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main »… Cette formule est très audacieuse car qui peut donner la vie éternelle sinon Dieu lui-même ? L’expression « être dans la main de Dieu » était habituelle dans l’Ancien Testament. Dans le Livre du Deutéronome par exemple :

« C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre, quand j’ai brisé, c’est moi qui guéris, personne ne sauve de ma main. » (Dt 32, 39)

Et un peu plus loin :

« Tous les saints sont dans ta main. » (Dt 33, 3)

Jésus met donc clairement sur le même pied les deux formules « ma main » et « la main du Père ». Il ne s’arrête pas là ; Il ajoute :

« Le Père et moi, nous sommes UN. »

Il prétend être l’égal de Dieu, être Dieu lui-même.

Appelés au service du pasteur

C’est une vraie chance d’être appelé. C’est un honneur et une grâce. Le curé d’Ars en avait bien conscience :

« Oh ! quand on pense que notre grand Dieu a daigné confier cela à des misérables comme nous ! » (Nodet 104).
« Quand je pense au soin que le bon Dieu a pris de moi, quand je repasse ses bienfaits, la reconnaissance et la joie de mon cœur débordent de tout côté. Je ne sais plus que devenir ; je ne découvre de toutes parts qu’un abîme d’amour dans lequel je voudrais pouvoir me noyer. » (Nodet 62)

Ou encore :

« Que Dieu a été bon pour moi ! » (Nodet 62)

Comme le dit très bien le pape François :

« À un moment, Jésus dit, à propos de ses brebis : “C’est mon Père qui me les a données” (Jn 10, 29). C’est très important, c’est un mystère profond, qui n’est pas facile à comprendre : si je me sens attiré par Jésus, si Sa voix réchauffe mon cœur, c’est grâce à Dieu le Père, qui a mis en moi le désir de l’amour, de la vérité, de la vie, de la beauté… et Jésus est tout cela en plénitude !
Cela nous aide à comprendre le mystère de la vocation, spécialement des appels à une consécration spéciale. » (Pape François, Regina Coeli du 21 avril 2013)

L’allégresse du psaume 100 (99) peut dire aussi quelque chose de la joie de celui qui sait appartenir d’une manière particulière au Seigneur, qui sait être l’objet d’un amour particulier. On parle aussi de cette joie dans l’Esprit Saint dans la première lecture. Cette joie contraste avec la fureur de ceux qui sont empêtrés dans leurs calculs humains.
Cette semaine, une religieuse de 94 ans est venue se préparer à fêter ses 70 ans de vie consacrée. Elle disait à qui voulait l’entendre que Jésus ne l’avait déçue et que si c’était à refaire, elle n’hésiterait pas une seconde.

En nous confiant le ministère, en nous appelant à la vie consacrée, le bon Dieu nous fait une confiance immense. Saint Paul n’hésite pas à en rendre grâce :

« Je suis plein de gratitude envers Celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car Il m’a estimé digne de confiance lorsqu’Il m’a chargé du ministère. »
(1 Tm 1, 12)

Dans sa lettre aux Éphésiens, saint Paul dit ceci :

« Moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte donc à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour. » (Ep 4, 1-2)

Comme le disait très bien le curé d’Ars :

« Le prêtre n’est pas prêtre pour lui mais pour vous. »

Il doit être un serviteur. Le prêtre est appelé à se donner et non pas à posséder égoïstement Jésus, à vouloir avoir un pouvoir sur les autres.
Nous restons des hommes limités ; nous ne sommes pas des surhommes. C’est pourquoi il est important de raviver régulièrement ce don de Dieu qu’est la vocation :

« Ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. » (2 Tm 1, 6-7)

Cette vocation comporte aussi une grave responsabilité. C’est pourquoi les abus d’autorité, de conscience, sexuels des prêtres et des personnes consacrées n’en sont que plus graves. Alors qu’ils devraient être là pour conduire à Dieu, voilà qu’ils font juste le contraire.
Qu’il est terrible de décevoir cette confiance de Dieu et des hommes !
C’est pourquoi aussi nous avons besoin d’être soutenus par la prière des fidèles. Elle s’exprime d’une manière particulière pendant la messe chrismale mais ne doit pas s’arrêter de jour-là.

En conclusion, je vous invite donc à prier pour vos prêtres et les personnes consacrées.
Je vous invite également à prier pour que le Seigneur suscite de nombreuses vocations et que surtout, les jeunes n’aient pas peur de répondre à cet appel. Jean-Paul II nous disait bien que :

« La vocation au service exclusif du Christ dans son Église est un don inestimable de la bonté divine, un don qu’il faut implorer avec insistance et une humilité confiante . »

Confions-nous à Marie qui n’a jamais regretté de se remettre avec confiance entre les mains de Dieu. Qu’Elle vienne nous guérir de nos peurs et nous prendre par la main sur ce chemin exigeant mais qui peut vraiment combler un cœur humain,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 13,14.43-52.
  • Psaume 100(99),1-2.3.5.
  • Livre de l’Apocalypse 7,9.14b-17.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10,27-30 :

En ce temps-là, Jésus déclara :
« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.

Le Père et moi, nous sommes UN. »