Homélie du 31e dimanche du temps ordinaire

31 octobre 2016

« Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu »

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Texte de l’homélie :

Je suis toujours surpris, interrogatif, lorsque des personnes chrétiennes se convertissent au bouddhisme. Bien sûr il y a une liberté de religion et chaque tradition spirituelle est digne de respect. Mais il y a dans les deux religions, et de façon générale dans la religion chrétienne, et le bouddhisme, des manières très différentes d’entrevoir le désir qui habite le cœur de l’homme.

Dans la religion bouddhiste, vous savez qu’au fond le désir est la cause de nos souffrances, ce qui n’est pas forcément faux, on désire réussir un examen et on ne l’a pas, on désire la santé et on a la maladie, etc…
Cette frustration est la cause de nos souffrances et donc la réponse spirituelle qu’offre cette religion, c’est de ne plus avoir de désir, tout faire pour éliminer le désir de notre cœur, parce qu’on éliminera ainsi la souffrance et on arrivera au bonheur.

Jésus réveille notre désir spirituel

Pour Jésus, c’est exactement l’inverse. Zachée est un homme dans lequel Jésus a suscité un désir. Jésus réveille le désir dans le cœur des hommes et des femmes qu’Il rencontre, c’est vrai avec Zachée, c’est vrai avec la Samaritaine, elle allait puiser de l’eau puis a le désir de puiser de l’eau sans se fatiguer, Jésus l’amène progressivement du désir de l’eau matérielle avec laquelle on lave le linge et avec laquelle on s’abreuve, au désir de l’eau vive.

Avec Zachée, il en va de même. Jésus réveille le désir qu’il y avait dans le cœur de cet homme qui était collecteur d’impôts, un « collabo » qui travaillait pour l’Empire Romain.
Le fisc n’est déjà pas très bien vu de notre temps, mais en ce temps-là c’est en plus celui qui collecte l’impôt pour maintenir l’armée romaine, une armée d’occupation.

Mais chez cet homme il y avait quelque chose, il y avait une attente.
Dans beaucoup de cœurs de nos citoyens, beaucoup plus qu’on ne le croit, il y a une attente. Il y a comme une constatation que cette société de consommation, qui semble s’essouffler, qui gave plus qu’elle ne nourrit, ne répond pas à un désir profond, à un désir spirituel.
Mais faut-il aussi, comme le sourcier qui désensable la source pour qu’elle soit une source d’eau vive, que les uns et les autres prennent conscience qu’il y a en eux un désir qu’ils essayent de satisfaire par le matériel, alors que ce désir est d’abord spirituel.

Alors, oui c’est vrai, que Jésus a cette grâce particulière de réveiller en nous quelque chose. Et si nous sommes ici, c’est que nous avons été touchés par l’évangile, nous avons été touchés par le Seigneur. Il y a quelque chose que le Seigneur a rejoint en nous, un désir de vie éternelle, un désir d’amour pur, un désir de pardon, un désir de grandeur et de magnanimité, d’une âme grande, un désir d’être proche de ceux qui sont dans la souffrance. Jésus vient réveiller tout cela en nous.

C’est très important que nous soyons des hommes et de femmes de désir, comme Zachée le publicain, Zachée le collecteur d’impôts, que nous soyons dans cette quête.
Quelque part vous avez vécu les travaux pratiques avant l’homélie puisque le retard que j’ai pu avoir a fait grandir en vous le désir de la sainte communion !

Nous-mêmes, ne demandons pas à l’avoir de combler l’être, ne demandons pas à l’avoir de répondre à cette soif de spiritualité, de transcendance, d’intimité avec le Seigneur.

L’idolâtrie, ennemi du repos qui conduit à Dieu

« Notre cœur n’a de repos tant qu’il ne repose en toi Seigneur. »

C’est le grand saint Augustin qui nous le dit.

L’idolâtrie c’est chercher en dehors de Dieu un repos à travers les créatures humaines, à travers ce que nous proposent les sociétés : idolâtrie de l’argent, du pouvoir, du plaisir désordonné, c’est toujours la même chose, ce sont les tentations que Christ a affronté.

À quoi reconnaît-on l’idolâtrie ? On reconnaît l’idolâtrie dans le fait qu’il n’y a pas de repos.
On demande toujours plus : gagner plus d’argent, travailler plus. D’où la remise en cause du repos dominical dans nos sociétés, par exemple en Angleterre on ne voit plus la différence entre un dimanche et les jours de semaine.
Comme pays chrétien, ce temps de repos est un temps où nous nous reconnaissons comme créatures, c’est un temps où la terre repose, se repose, et le Pape François en parle dans son Encyclique sur l’écologie, il nous dit que cette course à l’argent tôt ou tard se retourne contre la terre et contre environnement. On ne la laisse pas reposer, comme le disait le Deutéronome :

« Le jour du sabbat tu laisseras reposer ton âne et ton bœuf. »

Toute la création se repose comme une anticipation du grand repos vers lequel nous allons.

En attendant nous sommes des âmes de désir et c’est intéressant de débusquer en nous les endroits que Dieu seul peut combler, que le Saint Esprit seul peut combler.
Le Saint Esprit peut parler au cœur de chacun avec la manière dont chacun peut être rejoint.
Comme prêtre on se sent bien souvent démuni par rapport au chemin spirituel des uns et des autres, on demande donc au Saint Esprit de rejoindre ces personnes, nos paroles peuvent correspondre à certains, à d’autres pas car nous sommes juste humains. Le Saint Esprit a cette faculté de rejoindre le cœur de chacun à la manière dont il a besoin d’être rejoint.

Que ce repos que chacun attend face à une société hyperactive puisse être aussi un repos qui vient du cœur et qui comme une source refasse nos forces, refasse notre désir, nous remette face à l’essentiel de la vie.

« Dis-moi ton désir, je te dirai qui tu es »

Notre désir, réponse à l’appel de Dieu

Pour nous, c’est une invitation que nous lance l’évangile aujourd’hui et dont se fait l’écho aussi la première lecture dans le livre de la Sagesse :

« Tu n’as de dégoût pour aucune de tes œuvres, tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent. Tu aimes en effet tout ce qui existe ».

Tout est appelé, toutes les personnes humaines, quels que soient les actes qu’elles aient pu commettre, sont appelées à répondre à cet amour premier, parce que Dieu nous a aimé le premier.
Notre désir est la réponse à un geste que Dieu a fait en premier, nous répondons à un appel. C’est ce que nous dit saint Paul :

« Nous prions pour vous à tout moment afin que notre Dieu vous trouve digne de l’appel qu’Il vous a adressé. »

Et comment ! Si nous sommes ici c’est que nous avons répondu à un appel, sinon nous ne serions pas ici, ce n’est pas juste la force de l’habitude.

Demandons au Seigneur de voir où nous en sommes de la part contemplative de nos vies, de la part de repos, de la part où on arrête, peut être juste en contemplant la nature si belle en ce moment.
Il y a un vrai danger avec les nouvelles technologies, qui ne sont pas mauvaises en tant que telles, par ce qu’on peut tout le temps s’occuper, il n’y a plus de temps où on contemple juste et on rend grâce pour les merveilles du Seigneur. Cette contemplation-là nourrit, réveille notre désir de Dieu en nous. Ce monde hyperactif, ouvert 7 jours sur 7 alors que ce n’est pas une nécessité, est une idolâtrie.

Le curé d’Ars, même si c’était d’autre temps, d’autres mœurs, disait aux paysans de prier si un orage menaçait, même s’ils étaient en train de faire les foins, de ne pas aller travailler mais de prier. C’était un temps où les personnes étaient très enracinées dans la terre, les personnes plus enracinées dans la terre ont une faculté de contemplation plus importante aussi.

Dans nos cités hyper techniques, bétonnées, on perd de vue l’importance de la contemplation, du coup il y a de tellement grandes solitudes, des questionnements : « à quoi je sers ? », « à quoi cela sert de courir à droite et à gauche ? ».

Demandons à Zachée, à saint Zachée, parce que quelque part s’il a reconnu le Christ et qu’il l’a accueilli c’est qu’il s’est aussi converti : son cœur a été touché :

« Je rendrais quatre fois plus à ceux à qui j’ai fait du tort »

Demandons-Lui qu’Il nous donne une âme de désir.
Demandons à la Vierge Marie, s’il en est une qui attendait avec une force extraordinaire le salut d’Israël, c’est bien elle, de nous donner cette grâce d’être des contemplatifs pour reconnaître dans la fragilité de l’hostie un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 11,22-26.12,1-2.
  • Psaume 145(144),1-2.8-9.10-11.13cd-14.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 1,11-12.2,1-2.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 19,1-10 :

    En ce temps-là, entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait.
    Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche.
    Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
    Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là.
    Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
    Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie.
    Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. »
    Zachée, debout, s’adressa au Seigneur : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
    Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.
    En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »