Texte de l’homélie :
Aujourd’hui Jésus rencontre cette femme du Liban, une « cananéenne ». La C’est une païenne. Le Liban une terre qui a participé certes à l’édification du temple avec Iram de Tyr, qui a fourni les cèdres. Et en même c’est un territoire marqué par le paganisme : la reine Jézabel, fille du roi de Tyr, épouse d’Achab, importe toutes ses idoles… du coup le Liban pour les juifs, ce sont des païens, des chiens. Mais un lieu que n’hésite pas à parcourir Jésus, il est passé par là. Il s’y est arrêté.
La femme donc implore Jésus. Et Jésus lui oppose un refus« :
« Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens. »
Que veut rappeler Jésus ? La priorité donnée au peuple d’Israël dans l’annonce du salut. Il dira à ses apôtres :
« Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël »
Elle ne conteste pas le propos de Jésus, ne se révolte pas, ne lui dit pas : « tu fais du favoritisme, on dirait aujourd’hui de la discrimination ». Elle accepte ce que lui dit Jésus, mais elle poursuit la métaphore : d’accord le pain est pour les enfants c’est-à-dire Israël, mais les miettes sont pour les enfants (les païens).
Que veut Jésus dans cet échange avec la Cananéenne ?
En lui disant cela, Jésus veut lui faire comprendre la pédagogie de Dieu. Jésus n’a été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. Parce que Dieu choisit, c’est ainsi qu’il aime, et choisir c’est aussi préférer. Oui Dieu a préféré Abraham, l’a choisi, Dieu a choisi une nation et il l’a libérée quand elle était opprimée… Et ce ramassis de pauvres gens que Moïse a fait sortir d’Égypte, est devenu un peuple, avec sa loi, son identité, ses pratiques. Ce peuple a veillé avec un soin extrême à ne pas se diluer dans le paganisme ambiant : Jébuséens, Philistins…
Et pour cela la loi est devenue un mur, comme le dit Paul parlant des prescriptions juridiques de Moïse.
Le peuple juif risquait de se noyer dans la perversité qui l’entourait. Mais nous ne sommes-nous pas dans la même situation ? comment nous protéger des délires de notre époque qui nous entourent, délires qui n’ont plus de freins ? l’union entre l’homme et la femme n’est présentée que comme une option parmi bien d’autres, la production de bébés peut se faire indépendamment de l’union du couple, l’on peut créer des embryons chimères mi-homme mi- animal… nos mentalités, celles de nos jeunes surtout sont contaminées pas la culture ambiante : les sondages auprès des 18 – 30 ans les donnaient largement favorables à toutes ces évolutions.
N’est-il pas opportun aujourd’hui de bâtir des murs ? et ces murs ne sont -elles pas des digues nécessaires ? Les abbayes n’avaient elles pas des murs de clôture ? N’est-ce pas une donnée indispensable à qui veut rester fidèle à l’évangile ? on peut rapprocher les temps actuels de la chute de l’Empire romain d’Occident. Le paganisme des barbares leur violence risquaient de tout détruire. Mais de solides communautés chrétiennes permirent de recréer un ordre après ce chaos : les communautés monastiques de Benoît de Nursie. Pourquoi ne pas reprendre cette intuition ? C’est la thèse intéressante d’un penseur des États Unis. Il propose de bâtir de telles initiatives, dans le contexte spécifique de notre temps. Il détaille tout cela dans son livre The bénedict option, le pari bénédictin. Avec des solutions concrètes pour ne pas se dissoudre.
Protéger :
Il faut d’abord protéger. Le formatage des cerveaux passe par les réseaux sociaux. Ils misent bien souvent sur l’émotivité… Nous vivons dans le sentimentalisme qui justifie tout,… plus grave : l’usage abusif des écrans affecte profondément l’intelligence : perte de l’imagination, de l’attention, de la mémoire. Les enquêtes les plus sérieuses manifestent une baisse inquiétante et relativement rapide du QI ces dernières décennies. Et les mentors des nouvelles technologies aux États-Unis, conscients de ceci ont soin de mettre leurs enfants dans des écoles qui en sont dépourvues, le fondateur emblématique d’Apple Steve Jobs refuse par exemple que ses enfants aient un smart phone… La conscience que nous avons de tout cela est trop légère…
Éclairer :
Comment faire pour que nos enfants restent fidèles à leur foi ? Bien souvent il y a une méconnaissance profonde de la religion. Elle est vite méprisée car ignorée. Une maman profondément chrétienne rencontrée il y a quelques années était désespérée : « mon fils veut se faire musulman : il m’a dit que les chrétiens avaient 3 Dieux. Je n’ai pas su lui expliquer ce qu’était la Trinité… Je lui ai dit : ‘va voir un prêtre…’ Mais sur le chemin il a rencontré un imam. » Or la foi nécessite un travail : une étude. Chez les juifs, il y eut la dispersion, la diaspora, mais l’étude a permis de maintenir la foi au milieu de contextes différents voire hostiles. Car il faut donner des raisons de croire. Nicky Gumbel fondateur d’Alpha insistait sur le fait que le témoignage ne suffit pas.
Aujourd’hui nombre de formations par internet existent : Mooq, le site des bernardins. Plus le monde sera hostile et délirant, plus l’intelligence aura besoin d’être éclairée, la foi argumentée !
Dans la Préface du Youcat B XVI nous dit :
Prier :
Nous n’avons plus le choix que d’opter pour une vie spirituelle intense. A l’époque communiste, en Russie la était foi menacée ! plus de référence, plus d’enseignements, plus de célébrations. Alors quoi ? un mouvement est né fondée sur une vie spirituelle intense, semblable à celle des moines. On visait la prière perpétuelle puisant, on puisait aux meilleures sources : l’Écriture et les Pères. Ce qu’on a appelé le monachisme blanc (par opposition au monachisme noir – les moines en Orient sont vêtus de noir), un monachisme intériorisé. C’est cela qui permet d’édifier le mur véritable édifié en nos cœurs.
Mais tout cela suffit-il pour être fidèle au Christ ?
Sans doute pour conserver une identité, mais les bretons maintiennent leur identité, en apprenant leur langue et en faisant vivre la musique celtique… mais s’agit-il de cela ? faut-il vraiment créer un catholand ? Quelle était la destinée du peuple élu ? « Je t’ai fait lumière des nations » dit le Seigneur à son Peuple Israël en Isaïe .
C’est pour toi d’abord qu’est la bonne nouvelle du salut. « les dons de Dieu sont repentance » dit Saint Paul. Mais pour que tu la transmettes ! le plan de Dieu c’était que les juifs accueillent le salut par le Christ puis qu’ils deviennent ce peuple missionnaire. Mais « ils ont désobéi à ce plan » dit Saint Paul ils n’ont pas accepté le Christ, ils n’ont pas accepté cette responsabilité, cette universalité du salut.
Il peut fort bien nous arriver la même chose ; oublier notre responsabilité de transmettre. Être chrétien c’est aussi être élu, choisi ! mais pour annoncer. Le Christ passe par certains pour arriver à tous. Et que faut il pour perpétuer cette annonce ? pour faire en sorte que se continue la propagation de l’évangile ? Antoine, Père des moines vivant au désert s’entend dire par son ange : « Je connais un homme plus saint que toi. Le cordonnier de la place du marché d’Alexandrie : il entend tout le jour les jurons, les conversations des femmes de mauvaise vie, mais il intercède pour eux tous, à chaque fois qu’il entend blasphémer… »
Qu’est ce qui habitait le cœur du cordonnier ? Un amour profond : il aime ce monde. La tentation est grande aujourd’hui de haïr le monde et sa folie. Mais le moyen d’être fidèle au Christ, Le moyen c’est vraiment la charité. La charité, c’est notre identité la plus profonde Et cette charité qui nous fait échapper au progressisme, avec cette dilution de l’identité, le manque de courage. C’est la charité aussi qui nous fait échapper à l’intégrisme, aux fermetures violentes et idéologiques, aux exclusions et aux réflexes de survie.
Invoquons Marie : elle nous donnera ce réflexe de nous laisser conduire par l’Esprit Saint, cet équilibre de la grâce pour que nous demeurerions ces témoins fidèles et joyeux.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 56,1.6-7.
- Psaume 67(66),2b-3.5abd.7b-8.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 11,13-15.29-32.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 15,21-28 :
En ce temps-là, partant de Génésareth, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.
Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »
Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »
Jésus répondit :
— « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »
Mais elle vint se prosterner devant lui en disant :
— « Seigneur, viens à mon secours ! »
Il répondit :
— « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »
Elle reprit :
— « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »
Jésus répondit :
— « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »
Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.