Homélie du 20e dimanche du Temps Ordinaire

21 août 2019

« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »

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Texte de l’homélie :

La liturgie de ce jour nous fait méditer un certain nombre de textes qui peuvent nous apparaître bien abrupts, bien sévères, au moment où nous nous préparons pour la plupart à reprendre nos activités professionnelles, familiales, scolaires, universitaires ou pastorales.
Nous souhaitons tous que cette année se passe dans la paix, l’harmonie, la bonne entente, un esprit coopératif et constructif. Nous travaillons tous à la paix dans le monde, à la préservation de la nature et de la biodiversité, au commerce équitable… et voici que la Parole de Dieu nous parle de persécutions, de divisions, de bruits et de fureurs, de dissensions et d’incompréhensions. Et pour couronner le tout, si je puis dire, l’épître aux Hébreux nous rappelle :

« Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché ! »

Mais voilà, la révélation, la vérité de l’Évangile, la lumière du Saint-Esprit nous ramène à ce qu’est vraiment notre condition humaine. La Bible, comme l’histoire de l’Église, n’est pas un conte de fée, un rêve : c’est une histoire de sang, de meurtres, de violence, et c’est dans une condition marquée par le péché et par la mort que Dieu intervient comme Rédempteur et comme Sauveur. Vouloir construire ou rétablir une cité harmonieuse sans tenir compte du mal qui habite le cœur de l’homme, et en ignorant que Dieu seul peut nous sauver et qu’Il nous sauve effectivement en Jésus-Christ, est le chemin le plus sûr qui mène à l’échec et, pour les chrétiens, à l’apostasie.

Tous les totalitarismes, hier comme aujourd’hui, ont à leur source ce désir de sauver l’homme, de promouvoir un homme nouveau ou un surhomme, sans Dieu voire contre Dieu. Ils peuvent lutter frontalement contre les chrétiens, mais ils peuvent aussi, ce qui est beaucoup plus subtil, les intégrer dans ce combat, les associer, comptant bien que la construction d’un monde meilleur leur fasse très vite oublier leur spécificité et leur originalité.
Les chrétiens deviennent alors, selon l’expression même de Lénine, les idiots utiles de l’histoire. Au regard justement de l’histoire de ces cinquante dernières années, on ne peut dire qu’il se soit trompé…

Les prophètes sont dans l’Ancienne Alliance, les témoins et les champions des droits de Dieu. À un peuple tenté par le paganisme et les mœurs de ses voisins, à un peuple tenté de faire alliance avec les puissants du moment pour se préserver une petite place au soleil, ils rappellent avec force, avec violence, l’irréductible originalité d’Israël au milieu des nations païennes.
L’audace et la liberté du prophète Jérémie lui attirent la haine et le ressentiment de ses propres frères. Sa parole leur est insupportable et ils cherchent à le faire mourir. Ils peuvent compter sur la faiblesse du roi qui, dans un premier temps, leur livre le prophète pour qu’il soit mis à mort.
Le roi Sédécias se comporte comme plus tard le fera le roi Hérode qui fera mourir saint Jean-Baptiste. L’un et l’autre ne sont pas des hommes mauvais, le premier se laissera convaincre d’épargner pour finir la vie de Jérémie, et la parole du Baptiste avait quelque effet sur l’âme du second. Mais ils ne sont pas guidés par le souci du bien et de la justice, parfaite illustration du propos si vrai de Saint Pie X :

« La plus grande force des méchants est la lâcheté des bons. »

Jésus lui-même annonce que sa personne et son message ne seront pas accueillis par tous dans l’enthousiasme. Tant qu’il s’agit de guérir les malades, expulser les démons, nourrir les foules et ressusciter les morts, les foules applaudissent.
En revanche, lorsque Jésus annonce les exigences du Royaume, lorsqu’Il révèle le mal qui habite le cœur de l’homme, lorsqu’Il parle de combat spirituel, de lutte contre l’orgueil, la soif de domination et l’impureté, lorsqu’Il se présente de façon crédible et convaincante comme l’Unique sauveur, celui qui sauve le monde par son sacrifice rédempteur sur la Croix, alors ils ne sont plus guère nombreux à Le suivre et Ses propres apôtres vont tous le trahir.

Cependant Sa Résurrection et le don du Saint-Esprit ouvrent de nouveau à l’humanité le chemin du pardon et de la communion véritables. Par la grâce, dont les sacrements sont la source, Il nous offre les moyens de notre salut et de notre sanctification. Nous sommes arrachés au pouvoir des ténèbres et de la mort et nous vivons de la vie même du Christ. N’attendons pas l’adhésion unanime des foules mais ayons à cœur de rester fidèles, les yeux fixés sur Jésus-Christ, qui est à l’origine et au terme de notre foi, comme nous le dit encore la lettre aux Hébreux.

Voilà qui constitue pour nous un excellent programme de vie et d’année : garder les yeux fixés sur Jésus-Christ, dans la prière, et cherchant toujours à Le servir dans l’action, dans l’accomplissement de notre devoir d’état, à chaque instant de notre vie.
Nous vivrons ainsi du feu que Jésus est venu apporter sur cette terre, c’est-à-dire du Saint Esprit que nous avons reçu au jour de notre baptême et de notre Confirmation. Pierre de Blois écrit dans un commentaire biblique sur les noms du Saint-Esprit :

« L’Esprit est feu, car Il embrase toujours pour faire aimer, car, une fois embrasé par l’Esprit, on ne cesse plus de brûler, c’est-à-dire d’aimer avec ardeur. »

C’est l’amour véritable, celui qui vient de Dieu, celui qui est Dieu, qui est à l’origine de la conversion véritable et qui nous conduit au Ciel. C’est Lui qui nous fait croire en Jésus-Christ et qui fait de nous ses disciples, ses serviteurs et ses missionnaires.
C’est lui qui nous purifie, nous illumine et nous unit au sacrifice de Jésus qui est rendu présent à chaque Eucharistie. C’est Lui qui prépare nos cœurs à la rencontre de l’éternité, c’est Lui qui a réalisé en Marie la merveille du salut en plénitude, c’est Lui qui nous fait renoncer au mensonge, au rêve et à l’illusion pour accueillir vraiment la réalité du salut,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 38,4-6.8-10.
  • Psaume 40(39),2.3.4.18.
  • Lettre aux Hébreux 12,1-4.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 12,32-48 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »