Texte de l’homélie :
Dimanche dernier, les lectures bibliques nous invitaient à ne pas nous endormir. Il est si facile en effet de se reposer sur d’apparentes sécurités en oubliant que notre vie dépend de Dieu entièrement.
Aujourd’hui la liturgie nous donne un enseignement très proche en nous transmettant la consigne spirituelle du Seigneur que nous pourrions résumer en une formule :
« Veillez dans la foi ! »
Veiller, être attentif, se tenir prêt : voilà l’attitude du chrétien.
Chaque événement que Dieu permet doit nous trouver disponible, prêt à lâcher ce que nous faisons pour accomplir la volonté de Dieu au moment même où elle nous est manifestée.
Quel esprit de foi cela demande. Quelle générosité cela réclame ! Au lieu, face à l’imprévu, de nous plaindre, de récriminer, de laisser nos esprits être envahis par la hargne, la grogne et la rogne, nous sommes invités à reconnaître dans ce qui nous arrive de façon impromptue et inattendue la volonté de Dieu, ce que Saint François de Sales appelle « la volonté de bon plaisir ».
Dans un réflexe de foi, nous sommes invités à choisir ce qui advient dans notre vie. « Ne pas subir ! », c’est la devise d’un magnifique régiment d’infanterie qui réside en Alsace.
Ce devrait être aussi celle de tout Chrétien. C’est ainsi que nos âmes restent dans la paix, que nos esprits goûtent la présence de Dieu. C’est aussi le plus sûr moyen de ne jamais manquer à la charité, puisque notre entourage n’aura pas à supporter nos sautes d’humeur et nos mouvements d’impatience.
Mais cette attitude morale se fonde, vous l’aurez bien compris, sur un grand esprit de foi : rien de ce qui m’arrive n’échappe à la toute puissance et à la bienveillance de Dieu.
Saint Jean de la Croix, en butte à la persécution, écrivait à une des personnes qu’il dirigeait :
« Les hommes se trompent parfois. Dieu jamais, Il nous aime. »
Autrement dit, je puis toujours compter sur Sa grâce pour affronter telle difficulté, pour assumer telle responsabilité, pour accueillir telle souffrance.
Je suis sûr que le Seigneur permet cela pour me faire grandir, pour me faire avancer sur le chemin de la sainteté, pour me conformer un peu plus à son Fils, le Christ Jésus, mon sauveur et mon frère.
C’est là le chemin de la Paix véritable, c’est là la voie de la liberté authentique.
La lettre aux Hébreux nous présente tous les justes de l’Ancien Testament, ceux qui se sont tenus prêts en veillant dans la foi.
Ainsi notre père Abraham à qui Dieu s’est adressé. Laissant tout, il a abandonné sa patrie et sa famille, tout un ensemble de personnes et de choses qu’il connaissait et qu’il aimait. Il était arrivé à un âge avancé. Il avait atteint une période de la vie où les changements brusques ne disent plus rien. Et pourtant il a laissé une existence sans doute bien réglée et bien organisée sur un simple mot de Dieu :
« Pars vers le pays que je te montrerai. Marche en ma présence. »
C’est cela, la foi : marcher en présence de Dieu pour atteindre la terre promise, la patrie céleste. Et nous avons reçu beaucoup plus qu’Abraham, que Sarah, Isaac ou Jacob. Nous sommes les héritiers d’une longue histoire ; nous sommes – surtout - les témoins de l’accomplissement de la promesse faite jadis aux patriarches et aux prophètes.
Notre foi peut s’appuyer sur le témoignage des saints et sur la plénitude de la révélation. Oui, Dieu nous a déjà introduits dans son royaume. Nous sommes les héritiers de la vie éternelle depuis le jour de notre baptême.
En venant au monde, le Christ nous a appris notre vocation. il nous a révélé notre dignité. Que demande-t-il en retour sinon une attitude de foi et d’espérance ?
Tout son enseignement nous presse de rechercher l’essentiel. Notre joie, notre sécurité, c’est de savoir qu’Il nous a donné le royaume. C’est là notre trésor. Ce royaume, nous en sommes les serviteurs et les gardiens. Le Christ nous le confie. Quelle confiance et quelle responsabilité !
Nous comprenons mieux pourquoi le grand danger qui menace les chrétiens est l’assoupissement, la médiocrité, la perte du sens spirituel. Le monde meurt de ne pas connaître Jésus-Christ et les disciples dorment parfois d’un sommeil profond.
Les loups voraces sont à la porte, pire encore, ils se sont déjà rendus maîtres de la place en bien des endroits. Duels sont les vrais coupables ? Ceux qui n’ont jamais entendu la parole de Dieu ou ceux qui, l’ayant entendue, n’en font aucun cas ?
Bien chers frères, pardonnez la brusquerie de mon propos. Mais je n’ai fait que gloser l’évangile de ce jour. Nous sommes de ceux qui ont beaucoup reçu. Nous devons donc nous attendre à ce que Dieu nous réclame davantage encore.
Le temps nous est accordé pour nous tenir éveillés dans la nuit du monde, priant et intercédant pour tous nos frères, les hommes.
Le temps nous est donné pour travailler au royaume de Dieu.
Le temps nous est donné pour aimer et pour témoigner.
Le temps nous est donné pour construire et pour transmettre ce que nous avons nous-mêmes reçus.
Le temps nous est donné pour servir et pour lutter. Il ne nous est pas donné, ce temps, pour dormir ou pour bailler aux corneilles, pour perdre notre temps en de futiles activités.
C’est exactement ce que le pape François a rappelé aux jeunes réunis il y a une semaine à Cracovie.
Le mois d’août est le grand mois des saints. Il suffit de reprendre notre calendrier liturgique. Avec la solennité de l’Assomption que nous fêterons dans huit jours, quel exemple nous est proposé, quel encouragement nous est donné, quelle espérance nous est prodiguée.
La Vierge Marie est le modèle de la foi, elle qui a cru à la Parole qui lui a été dite de la part de Dieu. Elle est celle qui a veillé, dans la foi et dans l’espérance, dans les moments les plus douloureux et les plus déconcertants même dans les moments les plus douloureux et les plus déconcertants. Elle a été la fidèle servante du Seigneur, l’intendante remplie de zèle et de confiance, à qui Dieu a confié la charge de tous ses biens, selon la promesse même du Seigneur que nous venons d’entendre.
Et si maintenant, nous reprenons la vie de chacun des saints que compte le mois d’août nous reconnaîtrons les mêmes traits, malgré la grande diversité de vocations. Tous ont en commun d’avoir travaillé au royaume en veillant dans la foi.
Nous sommes ici pour faire mémoire des merveilles du Seigneur. Aujourd’hui, encore une fois, nous bénéficions de la grâce du Salut. Le don de Dieu se renouvelle en nos cœurs, en nos vies.
Au moment où nous nous apprêtons à commencer une nouvelle année d’activités, prenons donc la résolution d’être plus attentifs à la Parole de Dieu, plus prompts à répondre présent chaque fois que nous serons sollicités pour une aide ou un service, plus dévoués, enfin, à la cause de l’Évangile.
Que Notre-Dame et tous les saints nous obtiennent la grâce d’une grande fidélité à toutes nos bonnes résolutions.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de la Sagesse 18,6-9.
- Psaume 33(32),1.12.18-19.20.22.
- Lettre aux Hébreux 11,1-2.8-19.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 12,32-48 :
Jésus disait à ses disciples : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.
Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône. Faites-vous une bourse qui ne s’use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne ronge pas.
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.
Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour. S’il revient vers minuit ou plus tard encore et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !
Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l’heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison.
Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »Pierre dit alors :
— « Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? »
Le Seigneur répond :
— « Quel est donc l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ?
Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail.
Vraiment, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens.Mais si le même serviteur se dit : ’Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, son maître viendra le jour où il ne l’attend pas et à l’heure qu’il n’a pas prévue ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles.
Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.
Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre. A qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.