Homélie du 19e dimanche du Temps Ordinaire

11 août 2020

« Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! »

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Texte de l’homélie :

« Fais-nous voir ton amour Seigneur,
Donne-nous Ton salut… »

C’est notre désir, mais quel chemin emprunter pour voir l’amour du Seigneur et recevoir le Salut ?
Deux personnages nous sont présentés aujourd’hui pour nous introduire dans ce chemin : Élie d’un côté et Saint Pierre de l’autre. Deux chemins pour nous aider à reconnaître le Seigneur et à l’accueillir.

Élie, le prophète des prophètes

Il est un peu différent de tous les autres prophètes qui reçoivent une vocation, qui dialoguent avec le Seigneur. Pour Élie, c’est plus soudain : il se leva, il décréta la sécheresse, il lutte contre les faux cultes – notamment dans le royaume d’Israël, puisque le roi avait épousé une reine du Liban (du territoire de Tyr et de Sidon) et elle avait introduit le culte du Baal, du vent, de l’orage et des éclairs.
Élie est un des seuls à rester fidèle, et il mène une action tonitruante, sûr qu’il est de sa foi – pour montrer que Dieu est bien plus fort que Baal, le dieu de l’orage. Et comme simple prophète, Élie proclame la sécheresse. Il va lancer une sorte de défi aux prêtres de Baal et le remporter avec le sacrifice du Mont Carmel puis va exterminer les 400 prêtres de Baal…
Ensuite, il s’étonne que la reine soit mécontente, qu’elle lui en veuille à mort pour ce massacre. Il fait alors une sorte de dépression et il invoque le Seigneur :

« Seigneur, Je ne suis pas meilleur que mes pères. »

Il rompt avec la vie courante et s’en va en pèlerinage au Mont Horeb pour aller à la rencontre du Seigneur. Et là, à travers cette phase de quarante jours, il fait l’expérience que le Seigneur le nourrit au quotidien, avec le corbeau qui lui apporte du pain le matin et de la viande le soir : juste ce qu’il faut pour aller jusqu’au bout.
Et dans ce passage, avec cette manifestation du Seigneur, il s’attend à recharger les batteries, à rencontrer le Seigneur, et il s’attend à ce que le Seigneur Se montre sous ses attributs habituels, si j’ose dire, comme Il s’était révélé à Moïse, mais, les signes qu’il pensait être ceux de Dieu ne portent pas Sa présence, rien de tout cela :

« Ni l’ouragan, ni le tremblement de terre, ni le feu… »

Mais après, simplement, passe une petite brise légère.
Un autre prophète dira plus tard :

« Ce n’est pas dans la force et la violence que l’on rencontre le Seigneur, mais dans l’Esprit, dans ce souffle de Dieu… »

Ce souffle est parfois quasi imperceptible, mais il est là pour nous accompagner.

Et cette rencontre avec le Dieu vivant va être un chamboulement pour Élie : il va passer du prophète qui affirme sa foi et qui lutte pour réfuter à une écoute plus profonde. Et le Seigneur va le transformer, l’adoucir.

Relève-nous, guéris-nous de notre humanité prise dans ces ouragans – comme commente Saint Augustin sur l’Évangile de ce jour :

« Apaise tout ce qui est tempête en nous. »

Pierre, l’apôtre qui nous ressemble

Dans l’Évangile de ce jour, il y a en effet aussi une histoire d’orage. Mais rappelons avant tout que ce texte est situé juste après la multiplication des pains.
Vous savez bien que la multiplication des pains est un geste incroyable : tout le monde a mangé à satiété à partir de cinq pains et deux poissons, mais il y a aussi cette image, cette révélation du Dieu de l’exode qui a nourri Son peuple au désert. C’est ce Pain de Vie dont nous parle Saint Jean.
Et devant ce signe de la multiplication des pains, on voit bien que certains se méprennent et veulent faire de Jésus le roi, celui qui va tout arranger, qui va faire qu’il n’y a pas d’obstacle, que l’on va vivre sans difficulté et qui va pourvoir à nos besoins.

Et donc, comme Jésus a déjà vécu ce genre de tentation, Il repart dans la montagne pour retrouver le Seigneur, pour retrouver la sève, cette brise légère, ces moments de prière profonde. C’est nécessaire pour pouvoir affronter les ouragans de la vie.
Jésus assume donc cette tentation qu’Il connaît et qu’Il a déjà dépassée, mais Il veut surtout protéger Ses disciples. Et c’est pour cela qu’après, Il les oblige à partir, à traverser le lac, afin qu’ils ne soient pas éblouis et fascinés devant le succès de leur action apostolique – Pierre ayant distribué les pains qu’Il a multipliés – mais qu’ils puissent revenir profondément à la source.

Et le texte qui relate ces vents contraintes, ces vents pluvieux et cette houle qui se déchaîne sur le lac, donne l’image que le tentation : comment se déroule notre confrontation à la tentation ? On peut se laisser prendre par cette force, ce succès, cet élan – Pierre est celui qui a cet élan qui fait penser à Élie – mais, le vent nous pousse au combat pour s’enraciner dans la vraie foi.

Et il faut qu’ils affrontent les vents contraires. Le Seigneur ne nous met pas dans une vie sans épreuves sous prétexte que nous l’aimons, elles sont là pour les croyants comme pour les non croyants. Mais, le Seigneur va aider à sortir de la peur : cette peur du vent, cette peur de voir quelque chose qu’ils prennent pour un fantôme. C’est d’ailleurs intéressant : c’est la même réaction qu’on les disciples quand Il apparaît ressuscité. Ils sont effrayés et pensent que c’est un esprit, Jésus leur dit les même paroles :

« Confiance, c’est moi. N’ayez pas peur. »

Cette parole porte une grande force. Cela fait écho à l’exode : Jésus, nouveau Moïse, enseigne puis nourrit le peule. Là, Il révèle Sa présence.
Cela semble tout simple : Pierre, sans réfléchir, marche facilement, tout comme dans l’Évangile du semeur, quand on accueille la parole avec joie puis on se rend compte qu’il y a des vents contraires et des paroles que l’on ne comprend pas, et l’on commence à couler…
Et le Seigneur invite Pierre, Il attend son cri, et Il le relève. Puis Il lui dit :

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

En Grec, c’est très beau : « oligo pistis", il n’y a pratiquement pas de foi…

On aurait beaucoup de raisons de douter, mais nous avons à avancer avec Lui sur le chemin. Si nous l’accueillons, si nous apprenons à vivre l’Évangile avec toute sa dimension que nous avons entendue dans le sermon sur la montagne, cette dimension de pardon, de liberté, d’ouverture au pauvre, de vivre dans cet amour du Seigneur, comme enfant de Dieu qui reçoit du Père Sa manière d’aimer, alors Il nous ouvrira le cœur, Il nous ouvrira le chemin.

Alors, que nous soyons dominés par la force, la combativité comme Élie, que nous soyons plus dans la peur de la difficulté comme Pierre, que l’on soit fort mais cassant ou comme un roseau balançant, demandons alors au Seigneur de nous laisser enraciner dans cette foi, et de pouvoir, comme l’a dit le Centurion au moment de l’épreuve la plus totale, dire :

« Vraiment, tu es le fils de Dieu… »

Que nous puissions vraiment nous prosterner, nous engager, mettre nos pas dans les pas du Seigneur, afin de porter Son Évangile, apporter la Paix, le Salut, comme le dit bien le texte :

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 19,9a.11-13a.
  • Psaume 85(84),9ab-10.11-12.13-14.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 9,1-5.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 14,22-33 :

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyées, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier.
Le soir venu, il était là, seul. La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire. Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés.
Ils dirent : « C’est un fantôme. »
Pris de peur, ils se mirent à crier. Mais aussitôt Jésus leur parla :
— « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! »
Pierre prit alors la parole :
— « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. »
Jésus lui dit :
— « Viens ! »
Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.
Mais, voyant la force du vent, il eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria :
— « Seigneur, sauve-moi ! »
Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit :
— « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba.
Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent :
— « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »