Texte de l’homélie :
Chers frères et sœurs, nous poursuivons la lecture des paraboles de Jésus. Le Royaume apparaît aujourd’hui comme un trésor, une perle précieuse.
À ce sujet, je voudrais dire trois choses :
- ce n’est pas un hasard que ce don est découvert pendant le travail du paysan ou du commerçant ;
- en même temps, ce don dépasse toutes les espérances ; il est totalement gratuit ;
- et enfin, ce don appelle un choix décisif ; on ne peut pas simplement l’ajouter au reste.
Un don découvert pendant le travail
Ce n’est pas un hasard que c’est à l’occasion de leur travail que le paysan et le commerçant trouvent le trésor ou la perle fine. Dans le domaine de la foi, Dieu peut se découvrir de façon inattendue à quelqu’un qui ne le cherche pas ; mais le plus souvent, Dieu se découvre à celui qui le cherche car “qui cherche trouve” (cf. Mt 7,7-8).
Pour trouver le trésor, il faut creuser. Aller au-delà des apparences, dans la terre, enlever des cailloux… La découverte du Royaume s’accommode mal avec une forme de paresse. Ce n’est pas pour rien que l’acédie est l’un des 7 péchés capitaux.
Dieu ne se laisse pas découvrir si facilement. Il faut s’y employer. La parabole du trésor caché dans le champ et de la perle précieuse, nous disent que le Royaume, c’est-à-dire le Seigneur, ne peut vraiment « être trouvé » si on ne le cherche pas sérieusement !
Si le Royaume de Dieu était un trésor si facile à découvrir, il y a bien longtemps que toute l’humanité serait chrétienne. Mais il faut bien reconnaître que ce trésor ne brille pas comme l’or de la terre. Jésus nous parle souvent du Royaume comme quelque chose de caché.
On peut très facilement passer à côté sans le voir ou sans se rendre compte de sa valeur (il suffit de penser à des œuvres d’art comme le portrait du Dr Rey par Vincent Van Gogh) : c’est le mystère caché aux sages et aux intelligents (Mt 11, 25) ; le levain enfoui dans la pâte (Mt 13, 33) ; la parole de Jésus sur Sa passion et Sa résurrection demeure cachée aux apôtres et ils n’en saisissent pas le sens (Lc 18, 34).
La sagesse de Dieu est demeurée cachée (1 Co 2, 7). Le mystère caché depuis les siècles en Dieu nous a été révélé (Ep 3, 9). Notre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu (Col 3, 3).
« Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas. »
Les paraboles du trésor et de la perle caractérisent aussi des chemins différents pour découvrir le Royaume. Il y a ceux qui s’appliquent fidèlement à leur devoir d’état et ceux qui sont toujours en recherche. Cela correspond à des aptitudes différentes. Il y a un chemin qui convient à chacun.
Le Royaume, c’est un peu comme une montagne : il y a plusieurs chemins pour arriver au sommet mais dans tous les cas, cela requiert un effort. Dieu ne nous sauve pas sans nous.
Un don qui dépasse les efforts
Dans les deux cas, la découverte du trésor ou de la perle n’est pas directement le fruit des efforts. Ce n’est pas automatique. Cela les dépasse. C’est une grâce car notre recherche n’aboutirait jamais si Dieu ne se découvrait pas à nous. Que l’on découvre le trésor sans l’avoir du tout voulu, ou la perle parce que l’on est déjà en quête de vérité, il s’agit toujours d’un don gratuit et inattendu, une découverte de grande valeur qui change toute la vie car il va au-delà de ce que nous espérions.
Ce don peut être une rencontre vraiment personnelle avec Jésus qui change notre vie : il y a un avant et un après. C’est ce qu’exprime très bien le pape François :
Chercher Jésus, rencontrer Jésus voilà le grand trésor. Combien de personnes, de saints et de saintes, en lisant l’Évangile avec un cœur ouvert, ont tellement été frappés par Jésus qu’ils se sont convertis à Lui. Pensons à saint François d’Assise : il était déjà chrétien, mais « à l’eau de rose ». Quand il a lu l’Évangile, à un moment décisif de sa jeunesse, il a rencontré Jésus et découvert le Royaume de Dieu, et alors tous ses rêves de gloire terrestre se sont évanouis. » (Pape François, 27 juillet 2014)
« L’Évangile te fait connaître le vrai Jésus, te fait connaître Jésus vivant ; il parle à ton cœur et change ta vie. Et alors, oui, tu quittes tout. Tu peux effectivement changer de genre de vie, ou bien continuer à faire ce que tu faisais auparavant, mais tu es un autre, tu es né à nouveau. Tu as trouvé ce qui donne un sens, ce qui donne de la saveur, ce qui donne de la lumière à toute chose, même aux fatigues, même aux souffrances, à la mort même. » (Pape François, 27 juillet 2014)
« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par Lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus-Christ la joie naît et renaît toujours (cfr Evangelii Gaudium, n. 1). » (id.)
Ce don peut être aussi la révélation de la présence de Jésus dans les petits et les pauvres.
Cela peut être la présence de Dieu dans la souffrance : nous faisons l’expérience mystérieuse de la proximité de Dieu qui nous aime. C’est un trésor que saint Paul a découvert et nous partage dans la deuxième lecture :
« Frères, nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien. »
Une telle affirmation est une lumière incomparable lorsque nous traversons des moments d’épreuve. Si nous nous en remettons à Dieu, il peut tirer du bien de tout ce qui nous arrive ; c’est par exemple l’histoire de Joseph dans la Genèse.
Saint Augustin ajoute même que :
« Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu même le péché »
Bien sûr, ce n’est pas un encouragement à pécher ; c’est une parole d’espérance qui nous montre que Dieu peut nous sortir des situations les plus inextricables ou plus exactement qu’il peut, de tout mal, tirer un plus grand bien.
Ce don, c’est la grâce de devenir enfant de Dieu. Le Royaume est quelque chose de nouveau car avant Jésus il semblait impensable d’entrer dans une relation si intime avec Dieu. Qu’est-ce que le royaume sinon entrer en relation avec Dieu, le connaître et l’aimer, entrer dans la famille de Dieu.
Jésus nous offre le soutien d’une communauté fraternelle.
Cela nous conduit à l’émerveillement et la louange. Comment pouvons-nous nous permettre d’être si blasés alors que Dieu est si beau, si grand, si admirable !
La Bible ne cesse de s’émerveiller devant Dieu :
« Béni sois-tu Seigneur, tu es si grand » (Ps 104,1)
« O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu. » (Rm 11)
Ce trésor, nous le porterons toujours dans des vases d’argile.
Un don qui requiert un détachement
Une fois découvert, le Royaume ne souffre pas de concurrence. On ne peut simplement l’ajouter au reste. Notre appartenance chrétienne n’est pas seulement un « plus », c’est un « tout ». Il faut lui donner notre préférence, manifester que c’est le cœur de notre vie. Le Royaume a quelque chose d’exclusif (“Nul ne peut servir deux maîtres…”). Notre foi ne peut pas faire partie de ces options qui – au baccalauréat – nous permettent de gagner des points pour avoir une meilleure moyenne et de meilleurs résultats.
On ne peut pratiquer notre foi comme une activité de loisirs.
Mais nous sommes un peu comme les enfants qui vont faire des courses : ils voudraient acheter quelque chose tout en gardant l’argent. Or “on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre”. Nous ne serons jamais assez riches pour obtenir le Royaume.
L’important, c’est de vider tout son porte-monnaie, c’est de donner tout ce que l’on possède comme l’homme qui a trouvé le trésor dans le champ ou le négociant en perles fines. Peu importe qu’on ait beaucoup ou peu dans son porte-monnaie, l’important, c’est de tout donner.
Comme le dit la parabole : un homme trouva un trésor et, pour cette raison, vendit tout ce qu’il possédait pour l’acheter. C’est parce qu’il a trouvé le trésor qu’il a eu la force et la joie de tout vendre. Il faut avoir d’abord rencontré Jésus, l’avoir rencontré de manière personnelle, convaincue. L’avoir découvert comme un ami et un sauveur. Après, ce sera facile de tout vendre. On le fera « rempli de joie » comme le paysan dont parle l’évangile.
Le Royaume est quelque chose d’éminemment positif et désirable : un trésor, une perle fine. Il faut en quelque sorte succomber à cet attrait. C’est le désir de quelque chose de beau qui nous permet de renoncer au reste ; ce n’est pas le renoncement pour le renoncement.
Il en est ainsi du Royaume de Dieu : celui qui le trouve n’a pas de doutes, il sent que c’est ce qu’il cherchait, qu’il attendait, et qui répond à ses aspirations les plus authentiques. Et il en est vraiment ainsi : qui connaît Jésus, qui le rencontre personnellement, est fasciné, attiré par tant de bonté, tant de vérité, tant de beauté, et le tout dans une grande humilité et simplicité.
Chercher Jésus, rencontrer Jésus : voilà le grand trésor. » [Pape François angélus 27 juillet 2014]
Ce trésor est de l’ordre de l’amour. Et l’amour de Dieu est un amour jaloux dans le sens où il ne supporte pas les cœurs partagés. Il y a un choix à faire. Il faut savoir se détacher du secondaire et pour cela prendre des décisions fortes.
« Oui, je considère tout comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d’un seul avantage, le Christ » (Ph 3, 8)
Hélas le jeune homme riche n’a pas eu le courage de tout donner en échange du Royaume (cf. Mc 10, 17).
À un certain moment, dans notre vie spirituelle, il faut accepter de faire un pas décisif. Comme le dit saint Jacques, nous ne devons pas être comme les vagues de la mer :
« Celui qui hésite ressemble au flot de la mer que le vent soulève et agite. » (Jc 1, 6)
Ou encore, comme l’exprime Élie au peuple d’Israël qui suit les Baals :
« Jusqu’à quand clocherez-vous des deux jarrets ? Si Yahvé est Dieu, suivez-le ; si c’est Baal, suivez-le. » (1 R 18, 21)
Conclusion : Dans la mesure où nous l’avons trouvé, nous ne devons pas garder ce trésor pour nous tout seuls. On ne le perd pas quand on le partage aux autres, bien au contraire.
N’est-ce pas aussi une invitation à prier pour tous ceux qui recherchent loyalement ce trésor sans toutefois le trouver encore et aussi pour tous ceux qui ne cherchent même pas afin qu’il n’aient pas cette triste désillusion au moment de leur mort en se disant : « si on avait su ! ».
Et enfin, ne savez-vous pas que vous êtes des trésors du Dieu qui dit : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime ». C’est précisément parce que nous avons du prix à ses yeux qu’il s’est dépouillé de tout (Ph 2).
Combien il est essentiel d’avoir cette conscience vivante que Jésus me considère tellement comme un trésor qu’il s’est dépouillé de tout pour me racheter !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Premier livre des Rois 3,5.7-12.
- Psaume 119(118),57.72.76-77.127-128.129-130.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,28-30
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 13,44-52 :
En ce temps-là, Jésus disait aux foules :
« Le royaume des Cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ.
Ou encore : Le royaume des Cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle.
Le royaume des Cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien.
Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
« Avez-vous compris tout cela ? »
Ils lui répondent : « Oui ».
Jésus ajouta : « C’est pourquoi tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »