Homélie du 12e dimanche du temps ordinaire

20 juin 2016

« Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Pas plus tard qu’hier, je parlais avec une jeune fille de la question de la foi et de la religion. Elle avait été éduquée dans la foi catholique, avait passé sa scolarité dans les établissements de l’enseignement catholique, et elle me disait :
« Mais au fond est-ce qu’on a raison de croire en Jésus ? Il existe plusieurs religions, plusieurs sagesses, qu’est-ce qui fait qu’on va croire en Jésus, qu’est-ce qui fait que Jésus est la bonne personne dans laquelle on peut mettre sa confiance ? »

Pas facile comme question, parce qu’on le sait bien, la foi est une grâce, et on peut traverser sa scolarité dans les établissements d’enseignement catholique tout en restant comme "indemne" et ne pas avoir cette foi que nous avons reçue au baptême, comme nous le rappelle la deuxième lecture.

Qu’est-ce qui fait que je vais plus m’attacher à la personne de Jésus ?

C’est Jean-Paul II qui nous donne une partie de la réponse.
On lui pose la question : « Comment connaître Jésus, comment le découvrir ? »
Nous le savons, il y a plusieurs manières de le découvrir : dans sa Parole, dans la prière, dans la célébration des sacrements. Dans la communauté des croyants il est là aussi présent :

Je suis là présent quand deux ou trois sont réunis en mon nom. »

Jean-Paul II nous dit qu’il est une manière sûre et éminente de découvrir le Christ, c’est de partager sa Passion.

Aujourd’hui Jésus nous parle de sa vie : « Comment voulez-vous découvrir qui je suis ? »
Bien sûr Saint-Pierre dit, avec sa fougue que l’on connaît bien, « Tu es le Messie, le Christ, le Messie de Dieu ! ». Et Jésus lui dit :
« Si tu veux vraiment découvrir qui Je suis, il faut me contempler dans la Passion, avoir contact avec le Christ crucifié. »

N’ayons pas peur de proposer ce langage exigeant. Le Christ lui-même dit :

« Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »

.

C’est vrai qu’on est loin du culte de l’épanouissement personnel, du développement personnel dont on parle aujourd’hui, qui n’est pas une mauvaise chose en tant que tel, mais qui n’est pas l’Évangile.

Je suis aussi très perplexe, en tout cas partagé, face à ce qu’on appelle les valeurs chrétiennes. On ne peut pas être contre les valeurs chrétiennes de pardon, de partage, de soutien aux démunis, c’est quand même très difficile d’être contre, mais est-ce que ces valeurs chrétiennes ne préparent pas d’une certaine manière à un manque de foi et ne justifieraient pas un manque de foi ? Ainsi, nous ne croyons pas en des valeurs chrétiennes, nous croyons en la personne de Jésus.
Et pourquoi je crois en cette personne de Jésus ? Parce qu’Il est allé au jusqu’au bout de l’amour.

Il faut donc avoir contact avec le Christ crucifié : on a contact avec le Christ crucifié dans la liturgie, mais aussi dans les plus pauvres, qui font partie du Trésor de l’Église depuis toujours. Le pape François ne se prive pas de mettre le curseur sur cet aspect du Trésor de l’Église depuis toujours.
Vous connaissez le diacre Laurent qui était chargé de la bourse commune dans l’Église naissante, à qui on avait demandé de donner les trésors de l’Église ; il était venu avec les lépreux, les boiteux et tout ce que la ville comptait de personnes rejetées, et s’était exclamé : « Voilà le Trésor de l’Église ! »

C’est une manière particulière de voir, parce que la contemplation du Crucifié change notre regard :

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ».

Ce n’est plus un regard à la manière du monde, attiré par ce qui brille, qui n’a de cesse de s’auto-célébrer, c’est un regard différent.
Jésus veux conduire ses Apôtres vers cette logique de don. : « Vous contemplez ma croix, vous contemplez l’amour et vous contemplez l’amour parce que vous-même vous entrez dans cette capacité de vous donner que vous avez reçu au baptême ».

Comme le dit l’apôtre Paul :

Vous appartenez au Christ vous êtes des héritiers ».

Nous sommes héritiers de cet amour-là, nous recevons au baptême et dans chaque communion cette capacité d’aimer à la manière de Dieu, d’aimer jusqu’au bout. Si ce n’était que par nos forces, on le sait bien, ou notre simple générosité, ou la foi en des valeurs, ce serait impossible. Il suffit de nous marcher sur les doigts de pieds pour avoir tout de suite un monde de violence qui se réveille en nous !

C’est beau qu’aujourd’hui la liturgie nous donne de méditer sur la croix de Jésus.
Dans la première lecture on voit cette croix :

« Ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé et ce sera une source qui jaillira. »

La Croix de Jésus n’est pas mortifère

Il y a pu avoir dans l’Église ce dolorisme de se complaire, de se repaître de souffrance, mais la croix de Jésus, et nous avons commencé cette célébration en en faisant le signe, reste le cœur de notre cœur, le cœur de notre foi. La croix est la résurrection.

On voit bien qu’il y a une découverte, une source qui jaillit en nous, dès qu’on est en contact avec le Crucifié.
Je vois beaucoup de jeunes par exemple qui partent dans des œuvres humanitaires, qui partent à la rencontre de personnes plus pauvres, que ce soit en France ou à l’étranger, parce qu’il y a quelque chose qu’ils découvrent dans la personne du Crucifié. Ils découvrent quelque chose de différent en faisant l’expérience de la croix dans cette fréquentation des plus pauvres.

C’est quelque chose qui demande la foi. C’est seulement dans la foi que l’on peut découvrir la croix de Jésus comme une beauté.
J’aime bien cette comparaison de la croix et de la nuée, cette nuit qui accompagnaient le peuple hébreux dans sa fuite de l’Égypte, dans son trajet dans le désert. Cette nuée était ténèbres d’un côté puis lumière de l’autre. Elle était ténèbres pour les Égyptiens et elle était lumière pour les Hébreux.
Dans la croix de Jésus il y a quelque chose comme cela : à la fois la croix de Jésus peut scandaliser, mais à la fois elle est lumineuse.
Elle a quelque chose d’une source qui fait jaillir en nous un amour plus fort, quelque chose qui va au-delà de la simple générosité humaine.

Dieu tout puissant qui se laisse toucher par les épreuves humaines

J’ai été très marqué par une conférence de Monseigneur Léonard, ancien archevêque de Bruxelles, qui disait que face au mal, l’existence de Dieu rend le mal encore plus scandaleux, à moins que ce Dieu là se laisse atteindre en lui-même, se laisse toucher en lui-même.

Comme le disait la petite Thérèse :

« Car il me faut un Dieu qui prennent ma nature, qui devienne mon frère, et qui puisse souffrir. »

Un Dieu qui se laisse toucher par ce qui fait notre condition humaine et les conséquences du péché en nous…
C’est beau de dire que seul le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui se laisse blesser. Nous croyons en un Dieu blessé.

C’est très beau de voir qu’à la Résurrection, Il ressuscite avec ses plaies, et c’est très important. Nous croyons que de ces plaies-là peuvent jaillir une source. Le psaume le dit :

« Deux rayons se tiennent dans ses mains, là se trouve cachée sa puissance. »

Ce Dieu blessé, d’une manière ou d’une autre, rejoint chacune de nos blessures, parce que l’humanité soit est sur la croix, soit est au pied de la croix.
Certains sont plus préservés, c’est vrai, au niveau santé, au niveau famille, au niveau travail, mais ce n’est pas parce qu’ils sont préservés qu’ils doivent se dispenser l’expérience du Crucifié, parce qu’il y a quelque chose dans la maturité de la foi qui ne sera pas au rendez-vous, leur foi ne sera pas forte, belle.

Tant qu’on n’a pas fait cette expérience, on ne sait pas qui est Jésus, et on ne sait pas si on est vraiment chrétien.
On est très touché, à juste titre, de voir la souffrance de beaucoup de personnes persécutées de par le monde de par leur religion, mais nous comme chrétiens nous avons quelque chose à leur dire : dans ces persécutions, il y a quelque chose du royaume de Dieu que vous pouvez aussi expérimenter.
C’est folie de dire cela, c’est presque scandaleux, c’est presque révoltant, et pourtant c’est une Béatitude. La Béatitude des persécutés, avec la Béatitude des pauvres, est celle qui est au présent :

« Le royaume des cieux est à eux. »

Alors que les autres Béatitudes sont au futur, il y a là quelque chose qui se vit déjà dans le présent.

Cela nous fait du bien dans ce temps ordinaire de l’Église, en ce temps de l’Esprit, de méditer encore sur la Passion de Jésus. Cela donne comme une sorte de gravité à nos vies, une forme de beauté à nos vies.
On imagine les disciples et les apôtres démunis et Jésus qui leur dit avec autorité : « Si vous croyez en moi, il faut que vous soyez là au rendez-vous, d’une manière ou d’une autre vous aurez à faire l’expérience de ma passion, de ma mort, de ma résurrection, sinon vous n’êtes pas vraiment mes disciples ».

Nous allons demander au Seigneur qu’Il nous ouvre le cœur.
Quand on fait l’expérience du Christ crucifié, il y a une ouverture du cœur, il y a quelque chose qui s’ouvre à la manière d’une source, il y a quelque chose de l’ordre de la fécondité de nos vies, qui n’est pas une fécondité humaine, qui n’est pas une fécondité à la manière du monde, mais une fécondité à la manière de Dieu, qui sait reconnaître dans les plus petits cette présence de Dieu lui-même, une force.

Demandons la grâce au Seigneur aujourd’hui et tournons-nous vers la Vierge Marie, présente au pied de la Croix.
Qu’elle nous aide dans ce chemin intérieur, et quand nous serons peut-être à certaines heures crucifiés par tel ou telle épreuve, ou que nous serons auprès de personnes qui sont à l’épreuve, que nous puissions invoquer la Vierge Marie pour qu’elle nous aide à avoir ce regard de foi, déjà tourné vers la résurrection.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Zacharie 12,10-11a.13,1.
  • Psaume 63(62),2.3-4.5-6.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 3,26-29.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9,18-24 :

Un jour, Jésus priait à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea :
— « Pour la foule, qui suis-je ? »
Ils répondirent :
— « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. »
Jésus leur dit :
— « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Pierre prit la parole et répondit :
— « Le Messie de Dieu. »
Et Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne, en expliquant :
— « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »

Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. »