Texte de l’homélie
Mais cela est éclairé par la première lecture, celle qui nous est toujours donnée pour comprendre et approfondir ce que veut nous dire l’évangile, pour nous donner les clefs. On se trouve donc dans le chapitre 19 de l’Exode, en présence d’un petit texte d’introduction, à cette constitution comme peuple de Dieu au pied du Sinaï qui cite les éléments qui vont être donnés.
Je me propose de voir avec vous ces divers éléments en regardant ce chapitre 19 de l’Exode et en s’inspirant de ce que dit la tradition – juive comprise avec le Rachi – qui donne une manière approfondie de lire le texte.
Ainsi, la première chose qui nous est dite c’est qu’ils arrivèrent dans le Sinaï. Et une petite chose que la traduction française ne fait pas – car le Français n’aime pas les répétitions, alors que l’Hébreu n’a aucun difficulté à répéter quand il veut nous faire comprendre quelque chose, mais avec des nuances…
« Il arrivèrent dans le désert du Sinaï et là, ils campèrent dans le désert. Israël campa en face de la montagne. »
Et l’on peut s’interroger sur ce qu’il s’est passé : « ils arrivèrent, ils campèrent… face à la montagne, à la présence du Seigneur qui se met à parler et à interpeller son peule… et « Israël campa » est mis au singulier.
Et une chose qui est très importante c’est que pour recevoir la Parole, les Hébreux qui ont traversé la Mer Rouge ont été témoins de l’action du Seigneur, tout comme nous avons entendu dans la Parole du Seigneur le discours sur la montage, puis ensuite par des actes, dix miracles qui nous sont donnés pour confirmer cet enseignement. Mais quand ils arrivent, ils sont encore dispersés, ils sont encore sous ce poids, harassés qu’ils étaient de cet esclavage d’Égypte, un peu comme cette foule dispersée, ces brebis sans berger, comme nous avec toutes ces valeurs qui se mélangent et qui font qu’on ne sait plus très bien où on en est, avec ces institutions qui ne sont pas fiables et qui s’écroulent…
Et les Hébreux arrivent dans cette dispersion. Mais, quand le Seigneur va parler, à partir de Son enseignement et de cette parole, ils vont camper à la montagne, en cette présence, ils vont faire l’unité.
Et c’est une chose importante pour nous : il nous faut bien comprendre que si nous restons à défendre notre opinion, nous opposant les uns aux autres, nous ne pourrons pas recevoir, nous ne pourrons pas entendre un peuple comme un corps uni, et nous serons chacun avec nos valeurs à défendre, nos goûts personnels (que ce soit au sujet de la politique ou de la liturgie), et à les défendre chacun.
Il nous faut retrouver cette capacité à écouter et à recevoir…
Dans le texte de la montagne, le Seigneur dit :
« Tu diras à la maison de Jacob, et tu annonceras aux fils d’Israël… »
On a les mêmes mots plus loin : « Vous êtes envoyés aux brebis perdues de la maison d’Israël… », n’allez pas chez les Samaritains ; ce n’est pas qu’une dimension géographique mais dans le sens d’une unité dans laquelle il faut rentrer.
Et le commentaire de Rachi pose la question de ces expressions « maison de Jacob » et « fils d’Israël », et expliquant que l’expression "maison" de Jacob s’adresse aux femmes, "les fils d’Israël" étant les hommes.
Et les commentateurs se demandent pourquoi il s’adresse d’abord aux femmes ? La réponse est que quand Dieu s’adresse à Adam, Il lui a donné Son commandement pour qu’il puisse vivre selon Sa loi, notamment avec les arbres du jardin - plus particulièrement celui de la connaissance du Bien et du Mal -, Il s’est adressé à Lui et ce commandement semble ne pas avoir été relayé, et Eve n’a pas entendu. Dans ce cas, si Dieu s’adresse aux femmes, Il est sûr d’être entendu, selon l’adage : « ce que femme veut, Dieu le veut » !
Voyez, dans cet appel apostolique, il y a cette constitution à opérer. Il ne s’agit pas seulement d’accomplir des œuvres, mais d’accueillir ce don de la miséricorde du Christ au peuple. Il faut orienter cette manière d’être.
« Je vous ai portés sur comme sur les ailes d’un aigle, et je vous ai amenés jusqu’à moi. »
On peut voir ici le sens de l’épître aux Romains, ils sont rattachés. Cette comparaison avec l’aigle est choisie car c’est le père qui prend les petits sur ses ailes. Il ne les prend pas par dessous, mais il vole au dessus de tous et il mets ses petits sur ses ailes.
Comme un bon père ou une bonne mère, l’aigle assure la protection de ses petits pour leur sauver la vie.
Les commentateurs y voient aussi une allusion avec la sortie d’Égypte lorsque les flèches envoyées par les chasseurs égyptiens ne peuvent pas atteindre les Hébreux à cause de la nuée qui s’était interposée. Cette présence de Dieu, Shekhina, s’étaient interposée et avait reçu les flèches.
Et ici, on le voit dans le Nouveau Testament, alors que nous étions pécheurs, incapables de nous dégager du péché, Jésus S’est livré Lui-même. Dans les semaines à venir, la liturgie va nous donner de développer ce sujet de la vie apostolique de l’appel. Et ce qui est étonnant, c’est que Jésus ne parle pratiquement que de Son échec et de la persécution qu’Il va subir, ainsi que les disciples à Sa suite.
Et c’est cette image de la Passion du Christ qui nous est donnée, Lui qui vient prendre notre place, nous protéger par le don qu’Il fait de Lui-même pour que nous puissions vivre d’une manière libre, avancer et recevoir Sa parole.
Jésus envoie. Il envoie soigner, guérir, libérer et faire du bien. Comme on le voit au début du texte, Il est pris de compassion, d’un amour extrême qui n’est pas indifférent au mal dans lequel les uns et les autres vivent. C’est la caractéristique de Dieu en tant que père, comme Jésus l’enseigne. Un père, une mère ne peuvent être indifférents au mal que subit son enfant, mais il se mobilise.
Et ici, il va nous être donné ce qui fait le nœud de la Loi, le nœud de l’identité du peuple de Dieu, avec une traduction plus proche de l’Hébreu :
« Je vais faire de vous mon bien particulier. »
C’est un mot qui revient assez peu dans la Bible mais qu’on le peut comprendre : c’est la relation entre Dieu et ceux qu’Il choisit et qui forment l’Église, cette communauté du Seigneur, nommée Am segula.
On l’a vu dans les lectures, le peuple était divisé car sont sortis d’Égypte les fils de Jacob en même temps qu’une grande foule que l’on appelle le ramassis du peuple… Mais tous ces gens harassés, ces gens perdus, le Seigneur va en faire Son bien particulier.
Le mot est explicité car, quand David va commencer à bâtir le Temple, le livre des chroniques dit qu’il donne de ses biens personnels pour le construire. Et également dans le livre de Qohelet, le roi qui parle dit :
« J’ai accumulé or et argent, j’ai accumulé des trésors des rois et des états. J’ai fait de mon peuple mon trésor. »
Et l’on voit dans cette attention de Jésus aux foules et aux personnes qu’il les considère comme des trésors. Toutes les nations appartiennent au Seigneur, et il nous est donné de révéler à chacun, d’appeler chacun à vivre, à découvrir cette beauté, de faire du bien, et donc de libérer selon cette action du Seigneur tout au long de la Bible, Lui qui est sauveur.
« Et je ferai d’eux un peuple de prêtres. »
Être un peuple de prêtres n’est pas un privilège ni une distinction qui est donnée, comme lorsque les apôtres sont choisis puis les soixante-douze qui sont envoyés. Ils sont choisis pour être Ses représentants, Ses intermédiaires, ceux qui révèlent la présence du Seigneur à tous ceux qui sont perdus dans leur vie, dans le monde.
Demandons alors au Seigneur d’apprendre et de recevoir déjà ces éléments qu’Il nous donne dans le texte. On voit ici :
« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. »
Apprenons à recevoir ce don, à recevoir cet amour, à nous laisser former par lui, à nous laisser rassembler dans l’unité pour pouvoir porter au monde cette parole de Jésus pour la réconciliation et le Salut,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de l’Exode 19,2-6.
- Psaume 100(99),2.3.5.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,6-11.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 9,36-38.10,1-8 :
Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Il dit alors à ses disciples :
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux.
Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité.
Voici les noms des douze Apôtres : le premier, Simon, nommé Pierre ; André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ; Simon le Zélote et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra.Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes :
« Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.
Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons.
Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. »