Homélie des vœux perpétuels de Frère Gustavo

9 mars 2021

Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »

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Texte de l’homélie :

Cher frère Gustavo,

J’aimerais te laisser trois mots pour ce grand jour de tes vœux perpétuels : s’émerveiller toujours, avancer toujours, élargir ton cœur toujours.

S’émerveiller

Et plus précisément, s’émerveiller de l’appel de Dieu.

La première chose à laquelle nous sommes appelés, c’est certainement de nous émerveiller de l’appel de Dieu. Cela rejoint un peu la scène du baptême que nous venons de contempler dans l’Evangile : Jésus arrive de Galilée jusqu’au Jourdain pour être baptisé par Jean-Baptiste.

« Jean voulait l’en empêcher et disait : ’C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi !’ »

Jean-Baptiste a bien conscience qu’il y a quelque chose qui ne « colle » pas selon la logique humaine : qui suis-je pour que tu viennes jusqu’à moi et que tu me demandes de te baptiser ?

Cette surprise est aussi celle de saint Matthieu sur le tableau du Caravage qui représente l’instant de son appel : saint Matthieu est tout surpris. Il y a d’autres personnages autour de lui, mais c’est bien lui qui est choisi. Avec lui nous pourrions nous dire : « pourquoi moi ? »

Nous savons bien que Dieu ne nous a pas choisis parce que nous sommes meilleurs que les autres. Cet appel de Dieu a quelque chose d’inexplicable. La raison de ce choix ne se trouve pas en nous mais en Dieu qui a eu l’initiative dans cet appel.

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. » (Jn 15, 16)

Nous sommes appelés parce que Dieu l’a voulu ainsi.

Le psaume 138 que tu as choisi avait résonné d’une manière particulière en toi il y a plus de 15 ans (tu avais 18 ans) lors d’une journée vocationnelle à Villaguay :

« Tu me devances et me poursuis, tu m’enserres, tu as mis la main sur moi. »

Le fait que le Seigneur appelle les petits et les humbles t’avait rempli d’émerveillement. La vocation est vraiment un don.

Avant toute autre chose, il est important d’entretenir cet émerveillement. Un appel est avant tout une grâce et il faut le recevoir comme tel. Quelle grâce que faire l’expérience d’un choix particulier de Dieu !
Les paroles que nous avons entendues dans l’évangile peuvent nous aider à entretenir cet émerveillement. La Parole que le Père adresse à Jésus, il nous l’adresse à nous aussi :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie. »

Oui, frère Gustavo, tu es le fils bien-aimé de Dieu. Le Père du Ciel trouve sa joie en toi.

Pour donner un peu d’épaisseur à cet émerveillement, il ne faut pas en rester à un niveau purement cérébral mais il faut le prendre de le goûter dans la prière et la contemplation en appréciant tous les bienfaits de l’appel du Seigneur.
Pour cela, nous avons besoin d’exercer notre mémoire un peu comme le fait la Vierge Marie dans son cœur immaculé :

« Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » (Lc 2, 19)

Sinon nous nous comportons comme quelqu’un qui avale tout rond un bon plat préparé avec soin et amour : il faut prendre le temps de le déguster.

Avancer

C’est-à-dire, ne jamais se mettre sur une place de parking !

L’appel initial ne fait pas tout. Il faut continuer à avancer dans la fidélité. C’est ce que tu fais depuis déjà un certain nombre d’années et que tu es appelé à poursuivre pendant de nombreuses années.

Nous sommes appelés à ne jamais cesser ce travail sur nous-mêmes avec la grâce de Dieu, à reprendre chaque matin notre désir de mieux correspondre à l’appel de Dieu. Nous ne pouvons jamais cesser de tendre à la perfection ; le ressort ne doit jamais se détendre.

Que c’est triste une vie où – selon l’expression du pape François – on se met sur une place de parking ! Le stationnement, ce n’est pas pour maintenant, c’est lorsque nous arriverons au paradis. Tant que nous sommes sur terre, nous nous engageons à travailler la pâte humaine que nous sommes.

Il y a au moins trois tentations qui nous incitent à nous garer et à ne plus bouger :

Le découragement sur nous-mêmes

La première tentation est le découragement sur nous-mêmes. Vous vous rappelez du prophète Elie, qui pourtant n’était pas une mauviette ? Poursuivi par la reine Jézabel, il « vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : ’Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères.’ » Les illusions sur nous-mêmes et notre héroïsme finissent tôt ou tard par tomber. C’est un moment salutaire pour s’appuyer plus sur la grâce que sur nous-mêmes. Cela suppose d’accepter que l’échec, la faiblesse, … fassent partie de notre vie. Nous ne sommes pas superman. Ce n’est pas plus mal que notre amour propre en prenne un petit coup. Mais le risque, ce serait de baisser les bras, de ne plus voir que Dieu n’est pas du tout insensible à nos efforts de progrès.

Le repli sur soi-même du fait de la souffrance

Face aux choses difficiles de la vie, nous sommes appelés à avancer. Le risque, c’est de tomber dans l’amertume ou la critique, de tourner en rond un peu comme les Hébreux dans le désert. Nous sommes alors appelés à nous tourner vers Jésus un peu comme saint Pierre. Il avait demandé à Jésus de venir vers lui sur les eaux mais à un certain moment, « voyant la force du vent, il eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi !’ » (Mt 14, 28-30)

C’est vrai qu’il y a des choses difficiles. La tentation est alors de vouloir régler ses comptes et de pointer un doigt accusateur. Jésus nous inviter à poursuivre la route avec une perspective constructive. Pour cela il nous offre la grâce du pardon. C’est un thème qui t’est cher, frère Gustavo.

Perdre de vue la finalité

Comme le dit le Père Lamy notre fondateur, « L’existence des serviteurs de Jésus et de Marie a pour but le salut des âmes ». La faiblesse humaine et les nombreuses occupations peuvent quelquefois nous détourner de notre vocation à travailler au bien des âmes. Quel bonheur pour Dieu de voir que nous épousons son désir de sauver tous les hommes.

Élargir son cœur

Cher frère Gustavo, tu aimes particulièrement cette prière où nous demandons à Marie de donner à notre cœur les dimensions du sien. Tu aimes lui demander de dilater ton cœur. Selon l’invitation du prophète Isaïe :

« Elargis l’espace de ta tente. » (Is 54, 2)

Tu ne souhaites pas donner ta vie à Jésus de manière intimiste. Jésus te choisit pour toi-même et en même temps, Il te choisit pour les autres. Quand Dieu appelle, ce n’est pas contre les autres mais pour les autres. Jésus veut donner à ta vie une fécondité apostolique.

Se donner sans mesure

Cela suppose d’enlever certaines barrières. C’est ce qui te touche en particulier dans le passage des Actes des Apôtres :

« En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. » (Ac 10)

Tu as à cœur de demander à la Vierge Marie de ne pas faire acception des personnes.

« Ô Marie, viens régner dans ma vie avec la grâce de l’Esprit Saint qui vient de ton cœur. Seul, je ne peux pas. »

Patience et miséricorde

Cela suppose d’exercer la patience et la miséricorde selon le portrait du Serviteur de la première lecture :

« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. (…) Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton (…). Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit. »

Le Seigneur est miséricordieux. Marie est un refuge. Nous sommes le 13 juin, c’est la deuxième apparition de Fatima où Marie apparaît comme le refuge des pécheurs.

Respect et délicatesse

Cela suppose enfin de faire preuve de délicatesse. Notre fondateur nous a donné cette consigne pour approcher les âmes :

« Il ne faut rien ajouter à leur croix, il ne faut pas les mener à la boucherie. »

Cela demande d’être habités par l’Esprit-Saint qui est présent dans toutes les lectures de ce jour : si le Serviteur a ce cœur large, c’est bien parce que le Seigneur « a fait reposer sur lui son Esprit ».
A la suite de Jésus, tu pries le Seigneur de te donner l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Car cela dépasse bien souvent nos forces humaines.

« Ni par puissance ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur. » (Za 4,6)

En conclusion, tournons-nous vers celle que tu aimes appeler « Maman Marie ». Prenons-la comme Mère et éducatrice de sorte qu’elle nous aide à rester toujours dans l’émerveillement de son Magnificat, à toujours avancer sans nous arrêter en cours de route, à élargir notre cœur afin que personne n’en soit exclu et que tous puissent être sauvés.

Amen !


Références des lectures de la cérémonie :

  • Livre d’Isaïe 42, 1-7.
  • Psaume 138.
  • Livre des Actes des Apôtres 10, 34-38.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 3, 13-17 :

Alors paraît Jésus. Il était venu de Galilée jusqu’au Jourdain auprès de Jean, pour être baptisé par lui.
Jean voulait l’en empêcher et disait :
— « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! »
Mais Jésus lui répondit :
— « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » Alors Jean le laisse faire.

Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.
Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »