Texte de l’homélie
Chers frères et sœurs, cher Père Hubert-Marie,
Nous venons d’entendre des passages de la Parole de Dieu. Cette Parole de Dieu est lumière sur notre chemin, particulièrement dans les moments plus difficiles tels que nous pouvons le vivre aujourd’hui.
Cette Parole de Dieu est semée sur des terrains divers et variés. J’aimerais voir avec vous comment elle est tombée sur le terrain de l’humanité de notre frère. Je me limiterai à 3 facettes : d’abord, cette Parole de Dieu est tombée sur un terrain plutôt volcanique ; ensuite, cette Parole est un lieu privilégié où Dieu exprime sa volonté, ce qu’il attend de nous ; enfin, cette Parole a porté divers fruits dans l’humanité de notre frère.
Parole de Dieu tombée sur un terrain plutôt volcanique
Par ce premier point, je ne voudrais pas enjoliver les choses, ce qui au bout du compte nous empêcherait de voir le vrai mérite de notre frère. Si notre frère savait se montrer très affable, son premier mouvement n’était pas toujours ainsi ! Comme le faisait remarquer quelqu’un : malgré sa rondeur, il ne manquait pas d’aspérités. Son écorce nous paraissait quelquefois un peu rugueuse ! Il n’avait rien d’une statue de plâtre sulpicienne. Il ne faisait pas partie de la catégorie des volcans endormis ou éteints ! D’ailleurs, il avait conscience d’avoir par moments des réactions trop brusques qui blessaient son entourage. Cela l’humiliait et il savait en demander pardon.
Doté d’une grande sensibilité, notre frère n’était pas du genre à rester impassible devant ce qu’il voyait ou entendait. Il réagissait vivement quand il percevait que quelque chose n’était pas juste ou défiait le bon sens, quand il avait l’impression d’être jugé ou utilisé.
Dans sa vie, il y avait un véritable combat. Il se trouvait quelquefois submergé par ses angoisses et ses émotions. C’est sans doute pourquoi il affectionnait le psaume 129 :
« Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! »
La Parole de Dieu ne tombe pas sur un terrain idéalisé mais sur le terrain concret de nos humanités. C’est justement là qu’elle déploie sa vitalité. Cela rejoint une expérience chrétienne fondamentale que saint Paul a si bien exprimée lorsqu’il parle de l’écharde plantée dans sa chair :
« Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : ‘Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.’ C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. 10 … Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Co 12)
C’est un premier encouragement que j’aimerais retenir de la vie de notre frère : rester déterminé à avancer dans la vie chrétienne sans se laisser décourager par les failles que nous pouvons avoir.
Dieu veut notre conversion mais Il n’attend pas que nous soyons parfaits pour nous aimer. Heureusement !
Parole par laquelle Dieu nous exprime sa volonté
La volonté de Dieu était un véritable repère pour notre frère. C’est pourquoi il avait une appétence particulière pour la spiritualité ignatienne. À plusieurs reprises, il s’est formé auprès des Jésuites pour mieux discerner cette volonté et accompagner ceux qui s’adressaient à lui. En mai dernier il a fait sa retraite chez les Jésuites de Penboch.
Le passage d’Evangile qui a été choisi exprime bien le combat qu’il peut y avoir pour accueillir la volonté de Dieu. Il avait besoin de temps et de silence pour discerner cette volonté. Passer du temps gratuit dans la prière était essentiel pour lui. Il ne pouvait pas discerner sous pression. Il aimait se lever tôt pour se nourrir de la Parole de Dieu.
Accueillir la volonté de Dieu se fait quelquefois dans la joie et l’allégresse. Par exemple, il a été vraiment heureux qu’on lui propose d’aller à Notre-Dame de France. Dans d’autres situations, c’était plus difficile. Par exemple, cela lui a beaucoup coûté de quitter Ottmarsheim où il s’était tellement investi et où il avait noué de belles amitiés.
En tout cas, quand il avait discerné la volonté de Dieu, il avançait avec détermination et courage. Il n’en restait pas à de belles paroles ; c’était un travailleur, un homme du concret. En cela, il suivait bien l’exemple de saint Joseph qu’il aimait beaucoup.
Dans les deux premiers chapitres de saint Matthieu, on ne trouve pas de paroles de Joseph. En revanche, il y a une sorte de refrain qui revient :
« Quand Joseph se réveilla (car Dieu lui parlait par des songes), il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit. » (Mt 1, 24 ; 2, 14 ; 2, 21)
Il n’était pas homme à se tâter le pouls. Il était animé par une foi profonde. J’ai pu apprécier sa loyauté et sa droiture. Il avait à cœur de vivre dans l’instant présent et de ne pas rester prisonnier du passé.
Voici le deuxième encouragement que j’aimerais retenir de la vie de notre frère : cultiver un grand désir de faire la volonté de Dieu !
Parole de Dieu qui porte du fruit
Je retiendrais quatre fruits parmi d’autres.
Amitiés
Notre frère savait nouer de belles amitiés. Plusieurs personnes ont témoigné de la manière dont il a été proche dans toutes les vicissitudes qu’elles ont traversées. Dans ses amitiés, il était très fidèle et parfaitement loyal. Si d’un côté, ces amitiés étaient très humaines et très désintéressées, la destinée éternelle de ses amis lui tenait très à cœur.
Emerveillement devant la création
Très curieux et doté d’un don d’observation hors du commun, il entretenait une très belle relation avec la création que le Seigneur nous a donnée. Ce n’est pas un hasard s’il a planté beaucoup d’arbres tout au long de sa vie consacrée, s’il est intéressé aux abeilles et à beaucoup d’autres créatures.
Son amour pour la création rejaillissait en louange. C’est ce qui nous a fait choisir le cantique de l’Apocalypse en guise de Psaume responsorial :
« Tu es digne, Seigneur notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance. C’est toi qui créas l’univers ; tu as voulu qu’il soit : il fut créé. » (Ap 4, 11)
Conseils avisés et délicats
S’il pouvait être brusque dans la vie quotidienne, c’était un autre homme lorsqu’il était dans la posture du confesseur ou du conseiller. Il savait aussi faire preuve d’une grande délicatesse et discrétion.
C’est ce qui nous a fait choisir le premier cantique du Serviteur en guise de première lecture, ce cantique que Père André Stoecklin, qu’il a beaucoup admiré, avait placé au début de notre Règle de Vie :
« Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité. »
Très observateur, Père Hubert-Marie savait donner des conseils ajustés bien marqués par le bon sens. Il avait un bon maître dans l’art de l’accompagnement en la personne de saint François de Sales. Certains ont expérimenté en lui une vraie paternité, tout à fait ajustée.
Homélies et enseignements
Ayant été dyslexique dans son enfance, ce n’est pas quelque chose qui allait de soi pour lui. Cependant, nombreux sont ceux qui appréciaient ses homélies et enseignements où il savait s’adapter à son auditoire. Il a aimé en particulier toutes les années où il a donné des enseignements aux enfants de mission thérésienne.
Voici le troisième encouragement que j’aimerais retenir de la vie de notre frère : savoir que Dieu nous fera porter du fruit là où il nous a plantés.
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » (Jn 15, 16)
Conclusion :
En guise de conclusion, je ne peux pas ne pas évoquer la Vierge Marie. Elle a toujours eu une grande place dans sa vie. Ce n’est pas par hasard qu’il est entré dans une congrégation mariale. Très concrètement, il avait volontiers le chapelet à la main que ce soit dans sa chambre ou sa voiture.
Il aimait faire sien le Magnificat de la Vierge Marie. Puisse-t-il exulter en Dieu dans l’éternité :
« Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. » (Lc 1, 49-50)
Textes choisis pour la cérémonie :
- Isaïe 42, 1-4
« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit ; aux nations, il proclamera le droit. Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors. Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité. Il ne faiblira pas, il ne fléchira pas, jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et que les îles lointaines aspirent à recevoir ses lois. »
- Cantique de l’Apocalypse 4-5
Tu es digne, Seigneur notre Dieu, de recevoir l’honneur, la gloire et la puissance. C’est toi qui créas l’univers ; tu as voulu qu’il soit : il fut créé. Tu es digne, Christ et Seigneur, de prendre le Livre et d’en ouvrir les sceaux. Car tu fus immolé, rachetant pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute tribu, langue, peuple et nation.Tu as fait de nous, pour notre Dieu, un royaume et des prêtres, et nous régnerons sur la terre. Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange.
- Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu 21, 28-30 - (27e dimanche du Temps Ordinaire de l’année A) :
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ?
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.” Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? »
Ils lui répondent : « Le premier. ». »