L’engagement pour toute la vie fait grandir la liberté

23 septembre 2020

« Nous avons péché toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, nous jetons les filets…. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie de mariage :

Frères et sœurs bien-aimés,

Lorsque nous avons préparé cette célébration avec Marie-Anne et Jean-Baptiste, je leur ai donné un critère pour choisir les textes de la liturgie. Il est le suivant : que voulez-vous dire à l’assemblée qui sera avec vous le jour J, et aussi, à travers la Parole de Dieu, que voulez-vous vivre en tant que couple, que voulez-vous dire de l’amour du Seigneur pour tous ceux qui vous entourent, mais aussi l’un pour l’autre.
Et il faut reconnaître que les textes que Jean-Baptiste et Marie-Anne ont choisis ne sont pas habituels pour un mariage, mais ils sont vraiment pertinents car ils sont très clairs sur ce qu’est la vie matrimoniale et familiale.

Ne prenez pas modèle sur le monde présent

Commençons par le grand Saint Paul qui nous dit :

« Ne prenez pas modèle sur le monde présent, mais transformez-vous en vous renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu. »

Je trouve cela intéressant car précisément, ce que nous célébrons aujourd’hui n’a rien à voir avec comment le monde envisage l’amour humain. Justement, nous, croyants, nous avons cette folie de croire que, dans une célébration, toute une vie, deux vies sont engagées.

C’est une folie parce que nous pouvons nous demander comment cela se fait-il qu’une quelques minutes – une heure et demi de temps - on peut si simplement engager deux vies, pour toute la vie. Voici pourquoi nous en pensons pas comment le monde pense.
La majorité pense qu’il ne faut pas s’engager car on veut rester libre.
Au contraire, nous disons que plus on s’engage, plus on est libres ! C’est l’inverse…

Et beaucoup disent : « de quoi sera fait l’avenir ? » « que peuvent-ils dire de leur vie dans dix ans, dans trente ans, au grand âge ? » « Ils s’engagent comme ça, un beau jour de septembre, mais c’est de la folie ! »
Nous, nous disons que Dieu est un dieu fidèle, et que si nous nous engageons, c’est parce que Lui nous est fidèle. C’est parce que nous croyons qu’aimer c’est compter sur la présence de Dieu, c’est faire confiance.

En quoi se distingue une personne qui a la foi d’une personne qui n’a pas la foi ? Toutes deux peuvent être des bonnes ou des mauvaises personnes, ce n’est pas le sujet. Mais, ce qui distingue profondément le croyant, c’est qu’il n’est jamais seul. Il fait confiance. Il a cette certitude que quelque soient les aléas de la vie – et c’est vrai, qui peut les prédire, personne – nous nous vivons ces temps d’incertitude dans la confiance. Nous vivons demain comme un lieu de la présence de Dieu. Nous vivons ce moment comme nous parlant du Seigneur, et nous sommes certains que Dieu sera avec nous, qu’Il nous accompagnera, parce que c’est un dieu fidèle.

Le Seigneur nous accompagne sur ce chemin

Et, parce que c’est un Dieu fidèle, nous osons demander ce qui n’est pas à la manière du monde. Et c’est la première lecture, avec la très belle prière du Roi Salomon :

« Que veux-tu demander au Seigneur ? »

De même pour nous : veux-tu demander la gloire, l’honneur, l’argent ? ce que demande le monde… Et Salomon ne dit pas ça : c’est toi Seigneur qui m’as créé, je suis un tout jeune homme et je prends conscience de ma fragilité…

« Donne à ton serviteur un cœur attentif, un cœur qui puisse discerner. »

Il ne demande pas ce que demandent les autres rois, les autres gouvernants : il demande un cœur attentif, un cœur qui sache discerner et gouverner, un cœur intelligent. Mais, qu’est-ce qu’un cœur intelligent ? ce mot vient du latin : intus legere qui signifie : lire à l’intérieur. Il demande un cœur qui sache lire la trace de la présence de Dieu à l’intérieur des événements et des personnes, un cœur qui soit attentif au passage du Saint Esprit, aux motions, aux mouvements du Saint Esprit en nous-mêmes.

Ce n’est pas ce que demanderaient d’autres gouvernants : la gloire, la puissance, et Dieu dit : « Même si tu ne l’as pas demandé, je vais te le donner ! » Et d’ailleurs, personne n’aura son pareil sur la terre.
On entend très rarement cette belle prière de Salomon, je prêche rarement sur ce texte pour une telle occasion, et il exprime pourtant clairement la vocation du mariage tel que nous le voyons à la lumière de l’Évangile. Le sacrement de mariage - enraciné dans le baptême - donne en effet une grâce particulière aux époux pour discerner : qu’est-ce que veut le Seigneur ? Et vous aurez à cœur, Marie-Anne et Jean-Baptiste, d’y être attentifs au cours de votre vie.

Et c’est excellent car c’est noté là : vous aurez toujours le sentiment d’une disproportion, de ne pas être à la hauteur :

« Je ne suis qu’un tout jeune homme, ne sachant pas comment se comporter et me voilà au milieu du peuple que tu as élu… »

Sa grandeur habite notre petitesse

Autrement dit : « Je ne suis pas à la hauteur, tu n’as pas choisi la bonne personne… Choisis des hommes de guerre, des hommes de pouvoir ! Je ne suis qu’un enfant… »
Et l’on voit dans les récit d’appel des prophètes cette même expérience de la disproportion. Notre religion est la religion du vertige, une religion où l’on perd pied. Il n’y a pas de commune mesure entre ce que nous sommes et ce à quoi nous sommes appelés.

Ne cherchez pas d’explication, car si vous cherchez une explication logique et rationnelle, selon les yeux du monde, ce n’est pas là que vous allez la trouver. La seule explication de l’engagement de couple que prennent Marie-Anne et Jean-Baptiste aujourd’hui est dans la Parole de Dieu, dans cette expérience que, dans la disproportion, je suis un pauvre accompagné. D’une certaine manière, je ne suis pas seul.

Nous sommes la religion de la disproportion. Ce à quoi nous sommes appelés n’a rien à voir avec ce que nous sommes. Et cela caractérise toute la vie chrétienne : un peu d’eau sur le front d’un enfant, de l’huile consacrée sur la peau d’un malade, quelques paroles entre un homme et une femme le jour de leurs noces, et c’est le Ciel qui s’ouvre ! Il n’y a pas de commune mesure entre ce que nous vivons et ce à quoi nous sommes appelés.
Saint Paul le dit :

« Nous portons des trésors dans des vases d’argile. »

Car nous ne pouvons pas nier notre fragilité, que nous sommes faits d’argile… mais nous avons d’abord conscience d’un trésor.

Aujourd’hui, Marie-Anne et Jean-Baptiste, vous redites à l’assemblée qui vous entoure : nous portons un trésor, non pas par nos forces ni par nos mérites, mais par Sa grâce, la grâce qui agit notre vie durant par les sacrements, par la parole de Dieu, et je peux entre témoin, par le sérieux avec lequel vous avez préparé cette célébration, et tous les mois de préparation qui l’on précédée. Oui, nous trouvons un soutien, une force dans cet appel que le Seigneur nous lance qui est toujours un appel à la confiance.

L’urgence d’aimer !

C’est pour cela aussi que la confiance est toujours attaquée. Pour faire confiance, il faut accepter de lâcher prise, de se déposséder, de se lancer dans les bras de l’autre sans avoir les tenants et les aboutissants. Que sera votre vie dans vingt ou trente ans n’est pas le vrai problème.

« Pour aimer, je n’ai qu’aujourd’hui ! »

C’est la petite Thérèse qui dit cela. Pour aimer, je n’ai qu’aujourd’hui. Alors, dix ans, vingt ans, trente ans n’existent pas réellement : ce qui existe, c’est aujourd’hui !
Et le Chrétien calcule en regardant en arrière, c’est à dire en faisant mémoire, en disant : « Déjà dix ans ! déjà vingt ans ! déjà trente ans… ! »
Et d’aujourd’hui en aujourd’hui, il arrive jusqu’en éternité.

« Ne prenez pas modèle sur le monde présent… »

Et l’évangile est un texte d’appel, et l’on voit la même chose dans tous les appels. Et aujourd’hui, vous répondez à un appel, Marie-Anne et Jean-Baptiste ; vous tous qui avez pris un engagement dans la vie matrimoniale, ou dans la vie baptismale pour la majorité d’entre vous, ou même dans la vie consacrée pour certains, vous avez répondu à un appel. Et que voit-on dans l’appel dans cet évangile ?

« Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre… »

Pierre fait ainsi remarquer à Jésus qu’il n’est pas du métier ni du coin…

« … mais sur ta parole, nous jetons les filets. »

Duc in altum : Avance au large ! N’hésitons pas à vivre en grand, cette grandeur d’âme, cette magnificence, cette magnanimité qui habite le cœur du disciple de Jésus.
Avance au large, avance là où tu n’as pas pieds, ça tombe bien car nous sommes la religion de ceux qui perdent pied.

Comme ça nous fait du bien, Marie-Anne et Jean-Baptiste, de goûter ces paroles qui sont les paroles du Seigneur, dans l’ancien et le nouveau testament, car cela nous redit l’essentiel de la Foi chrétienne. Cela nous redit que nous sommes, chacun, appelés à notre tour et à notre place, selon les époques de notre vie, nous sommes tous appelés à ce lâcher prise et à cet abandon dans les mains du Seigneur : Duc in altum ! selon la traduction du latin…

« Allez au large ! »

« Oui tu es un grand connaisseur du lac de Génézareth, cher Simon Pierre, mais moi, je suis le créateur de toute chose…
Tu es un bon professionnel, mais je t’invite à une autre fécondité.
Je t’invite à quelque chose de plus grand, à quelque chose de plus beau.
Fais juste confiance… »

« Sur ta parole, nous jetons les filets. »

Un grand merci, Marie-Anne et Jean-Baptiste pour ce choix des textes, parce qu’ils nous relancent dans la confiance en nous, alors que nous pourrions nous décourager parce que les choses n’avancent pas comme nous souhaitons, parce que nous traversons des épreuves et n’y voyons pas très clair et que notre monde privilégie le contrôle…
Vous nous dites : « ce n’est pas comme cela que nous voulons vivre. »
Ces lectures disent clairement un projet de vie. Très clairement, vous nous dites que la manière du monde ne vous conviennent pas.
Certes, vous êtes dans le monde, comme d’autres, avec vos vies professionnelles, et vous espérez fonder une famille, mais votre manière de vivre ne va pas être celle de tout le monde, dans le contrôle, dans l’angoisse, dans l’incertitude, avec les doigt crochus pour que rien ne n’échappe. Vous nous dites que vous ne voulez pas vivre comme cela, parce que ce n’est pas cela la vraie vie.

Alors, à chacun de se prononcer. Et vous aurez certainement à vous prononcer, Marie-Anne et Jean-Baptiste, par rapport à cette parole qui vous engage et montre un chemin. Vous aurez à répondre de cette parole de Dieu que vous avez choisie au jour de vos noces. Elles sont une lumière !

« Ta parole, Seigneur est une lumière sur mes pas, une lampe sur ma route… »

Puissions-nous, frères et sœurs bien-aimés, nous laisser éclairer au plus profond de nous, nous laisser bouleverser intérieurement par un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !