Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien-aimés, imaginez-vous un instant en train de marcher dans un désert. Il fait 45°C. Vous marchez depuis déjà plusieurs heures et vous êtes encore loin du point d’arrivée. Vous avez la gorge sèche. Soudain, vous voyez une oasis. Oui, ce n’est pas un mirage. Il y a bien une source d’eau à proximité. Que faites-vous ?
- vous continuez la route en disant que vous n’avez pas le temps de vous arrêter. C’est bon pour les touristes,
- vous continuez car vous ne voulez pas y croire. Vous dites : c’est sûrement un mirage,
- vous vous arrêtez, vous vous désaltérez longuement et vous reprenez votre route de plus belle…
Quelle est votre réponse ? 1, 2 ou 3 ?
Nous marchons sur la terre des hommes depuis un certain nombre d’années : certains 15, d’autres 30, d’autres 50, d’autres un peu plus. Notre vie comporte des joies mais aussi des souffrances, des choses difficiles. Vraisemblablement, il nous reste encore un certain nombre d’années à vivre sur terre. Nous n’en sommes pas au point d’arrivée. Aujourd’hui la liturgie nous présente une source : le Sacré-Cœur de Jésus. Que faites-vous ?
- vous continuez la route en disant que vous n’avez pas le temps de vous arrêter. C’est bon pour les gens désœuvrés.
- vous continuez car vous ne voulez pas y croire. Vous dites : c’est sûrement un mirage. C’est trop facile.
- vous vous arrêtez, vous vous désaltérez longuement et vous reprenez votre route de plus belle.
Quelle est votre réponse ? 1, 2 ou 3 ?
Oui, frères et sœurs bien-aimés, le Sacré-Cœur de Jésus est vraiment une source. Ce mot est employé dans l’oraison que nous venons d’entendre. C’est ce qui est représenté sur de magnifiques mosaïques par exemple à saint Clément à Rome : un arbre de vie d’où prend naissance une végétation luxuriante.
Le cœur de Jésus est comme une source. A cette source, on puise le repos pour soi ; le zèle apostolique pour les autres. Je vous parlerai donc d’abord de cette source puis du repos et du zèle apostolique que l’on vient puiser à cette source.
Le Cœur de Jésus est une source
Le premier pas est de prendre conscience, dans la foi, de l’existence et de la proximité de cette source, de l’amour de Dieu. Cette prise de conscience signifie que cela ne traverse pas seulement notre intelligence mais aussi notre cœur. Du coup, ce sont toutes nos énergies qui s’en trouvent mobilisées.
Comment favoriser, aider à cette prise de conscience ? Cela implique pour nous de prendre les moyens pour « voir » les signes de l’amour de Dieu. Il s’agit d’ouvrir les yeux. Le signe le plus fort, c’est la Passion de Jésus. Effectivement, si l’on ignore les récits de la passion de Jésus, nous aurons du mal à mieux connaître cette source qu’est le cœur de Jésus. Or, traiter comme rien les marques de l’amour de quelqu’un, c’est une grande violence, cela ressemble à un mépris. On mésestime cet amour.
Ce qui est beau, c’est que nous ne sommes pour rien dans cet amour de Dieu pour nous. Comme l’exprime bien la première lecture à l’égard du peuple de Dieu : « s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous ». Dieu se plait à nous aimer gratuitement. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés… » nous dit aussi saint Jean dans la deuxième lecture.
Cette prise de conscience ne nous laisse pas indemnes, inertes, … Elle nous fait bouger (cf. dialogue en couple pour la journée des END). Après le discours de Pierre à la Pentecôte, il est dit : « d’entendre cela, ils eurent le cœur transpercé » (c’est la prise de conscience) … Et du coup, cela déclenche en eux une disponibilité : « que devons-nous faire ? ».
À cette source, on vient puiser d’abord le repos pour soi
Quand nous prenons conscience de l’amour de Dieu à notre égard, nos fardeaux s’en trouvent allégés. La relation aimante avec Jésus rend notre fardeau léger. Ce qui est premier, c’est le « venez à moi ». En nous approchant de Jésus, nous sommes liés par le même joug. Vous savez ce qu’est un joug ? C’est une pièce de bois qui relie les deux bœufs qui tirent un attelage (charrue, charrette). Ainsi nous ne sommes plus seuls à tirer notre charrette, Jésus qui est le Dieu tout-puissant s’est fait notre binôme. Jésus ne vient pas supprimer la souffrance mais nous recevons la force pour mieux la porter. Désormais cette souffrance débouche sur la résurrection. Elle reçoit une fécondité.
À cette source on vient puiser aussi le zèle apostolique pour les autres
Peut-être l’expression « zèle apostolique » vous est-elle un peu étrangère ? Il s’agit tout simplement de l’ardeur que nous pouvons avoir pour évangéliser, pour partager notre foi.
Permettez-moi de vous poser à nouveau quelques questions : quel est l’évangile choisi pour la fête de Saint François de Sales ? Mt 11, 25-30. Quel est l’évangile choisi pour la fête de Saint Jean Eudes ? Mt 11, 25-30. Quel est l’évangile choisi pour la fête de St François d’Assise ? Mt 11, 25-30 (c’est-à-dire l’évangile de la fête du Sacré-Cœur pour l’année A). Quel est l’évangile choisi pour la fête de Sainte Marguerite Marie Alacoque ? Jn 19,31-37. Quel est l’évangile choisi pour la fête de Sainte Gertrude ? Jn 19, 31-37 (c’est-à-dire l’évangile de la fête du Sacré-Cœur pour l’année B).
Ce n’est sans doute pas un hasard que ce texte d’évangile ait été choisi pour des évangélisateurs. Le Père Lamy l’aimait bien aussi. Voici ce qu’il en dit dans un paragraphe dédié à la dévotion au Sacré-Cœur qu’il avait rédigé pour notre Règle de Vie : « Le divin Cœur de Jésus est la source de la charité et du zèle apostolique. La dévotion au Sacré Cœur décuple les forces de l’âme, la porte à la méditation des souffrances et de la mort de Notre Seigneur et la prédispose à supporter généreusement pour l’amour de Dieu et par charité pour les âmes les épreuves qui font de la vie du prêtre missionnaire une passion continuelle (cf. ES 137.2). Pour se préparer à la vie apostolique, lire souvent la Passion (l’Évangile) et faire le chemin de la Croix qui apprend merveilleusement à tout faire et à tout souffrir pour l’amour de Dieu ».
Par certains côtés, ce texte peut nous paraître un peu austère. Un autre texte du Père Lamy peut l’éclairer :
L’ardeur que nous communique le Cœur de Jésus n’est pas une ardeur brutale telle que celle d’Élie dans la première partie de son ministère (il calcine sur place ceux qui le dérangent et égorge les prophètes de Baal). C’est une ardeur humble qui respecte profondément la liberté des gens. Cette ardeur humble et douce nous fait participer à la souffrance de Jésus qui donne tout pour nous sauver mais qui n’en reçoit souvent qu’ingratitude. La méditation de la passion du Jésus nous apprend à adopter la manière de Jésus pour aborder les âmes. Peut-être vont-ils me rejeter mais peu importe.
« Dieu personne ne l’a jamais vu » comme le dit saint Jean dans la deuxième lecture, mais par notre manière de faire, nous pouvons, bien humblement, le rendre visible.
En conclusion, frères et sœurs bien-aimés, comment faire pour ne pas passer à côté de cette source et du fleuve de vie qui en jaillit ? Je vous propose de prendre, soit pendant cette nuit d’adoration, soit pendant les jours à venir, un peu de temps pour méditer un passage de la passion de Jésus dans l’évangile ou à contempler la croix de Jésus. « Ce ne sont pas les clous qui le tiennent mais l’amour » (Catherine de Sienne). Que la Vierge Marie nous accompagne dans cette lecture, elle qui était la plus proche de la source.
Références des lectures du jour :
- Livre du Deutéronome 7,6-11.
- Psaume 103(102),1-2.3-4.6-7.8.13.
- Première lettre de saint Jean 4,7-16.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 11,25-30 :
En ce temps-là, Jésus prit la parole : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté. Tout m’a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos.
Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »