Texte de l’homélie :
Chers frères et sœurs,
Qu’est-ce que la sainteté ?
Il y a certainement plusieurs manières de présenter la sainteté, mais celle qui s’est imposée à moi ce matin, c’est celle-ci : la sainteté, c’est vivre avec Dieu.
Mais ce n’est pas vivre avec Lui de manière désabusée comme ce couple dont on me parlait hier : ils vivent sous le même toit sans beaucoup se disputer mais ils ne savent plus trop pourquoi ils vivent ensemble et envisagent même le divorce. Quel dommage ! Que c’est triste !
La sainteté, c’est donc vivre avec Dieu, non pas de manière routinière : c’est se réjouir de vivre avec Lui. C’est se dire : « quelle chance j’ai d’être aimé par Dieu ! »
C’est avoir une relation vitale avec lui. C’est savoir qu’Il est là, savoir que je peux Lui faire confiance et s’appuyer sur Lui.
C’est l’aimer et rayonner cet amour autour de soi.
C’est avoir une relation forte avec Dieu. Pas forcément comme de jeunes amoureux mais peut-être comme de vieux époux qui au fil des années ont appris à se connaître, à compter l’un sur l’autre, à s’aimer et à manifester cet amour dans les mille détails de la vie quotidienne, comme dans les moments les plus difficiles.
Frères et sœurs bien-aimés, en ce jour de la Toussaint, j’aimerais vous dire deux choses :
- Tout d’abord, la sainteté est pour chacun de nous ; elle n’est pas réservée à une élite.
- Deuxièmement, si nous voulons avancer sur le chemin de la sainteté, il nous faut prendre certains moyens.
Les saints sont-ils des super-héros ?
La sainteté n’est pas réservée à certains héros : elle est pour chacun de nous.
Si nous fêtons les Saints aujourd’hui, ce n’est pas tellement pour les encenser mais plutôt parce que – comme le dit la préface – nous trouvons en eux une famille, un modèle et un appui :
« Dans leur vie, tu nous procures un modèle, dans la communion avec eux, une famille, et dans leur intercession, un appui. »
Il n’y a pas que les grands Saints qui sont un peu comme les premiers de la classe avec une mention. Il y a aussi tous ceux qui n’ont pas eu les honneurs des diplômes mais sont passés dans la classe supérieure, qui sont entrés au Ciel. C’est précisément tous ces Saints là que nous fêtons aujourd’hui.
Notre ambition n’est pas d’avoir notre nom dans le calendrier, c’est d’être pour toujours dans le cœur de Dieu.
Lors du Concile Vatican II, les pères conciliaires ont souligné que tous sont appelés à la sainteté. Cela fait l’objet d’un chapitre entier de Lumen Gentium. Plus près de nous, dans sa lettre « Novo Millenio ineunte », Saint Jean-Paul II a redit de façon vigoureuse que nous ne pouvons pas nous contenter d’une vie médiocre :
« Si le Baptême fait vraiment entrer dans la sainteté de Dieu au moyen de l’insertion dans le Christ et de l’inhabitation de son Esprit, ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre, vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle.
Demander à un catéchumène : ’Veux-tu recevoir le Baptême ?’ signifie lui demander en même temps : ’Veux-tu devenir saint ?’. »
(JP II, Novo millenio ineunte, 31)
Comme le dit Georges Weigel, biographe de Jean-Paul II et de Benoît XVI, nous ne pouvons plus pratiquer le catholicisme « à la façon d’une activité de loisir. »
Si le seul modèle de saint que nous avions était Siméon le Stylite (392-459), je ne sais si nous serions très motivés pour avancer dans la sainteté. Il vécut tout sa vie de façon austère, en Syrie. Il se retira au sommet d’une colonne, d’où son surnom. Chaque jour, des pèlerins venaient lui apporter des victuailles qu’ils hissaient à Siméon par le biais d’une corde soulevant un panier. L’espace dont il disposait au sommet de sa colonne était tout juste suffisant pour se tenir debout ou assis, jamais allongé. Siméon le Stylite mourut en position de prière, les mains jointes et les yeux fermés, de sorte que ses fidèles mirent deux jours à se rendre compte de sa mort.
Vivre avec le Christ, ce n’est pas forcément vivre comme Siméon le Stylite. Tout au long de l’année, et plus encore en ce jour de la Toussaint, l’Église met sous nos yeux une extrême diversité de Saints, comme pour nous redire qu’il n’y a pas un modèle unique de saint.
Nous sommes appelés à être saints avec ce que nous sommes : notre caractère, notre niveau social, notre histoire, … là où Dieu nous a planté, dans notre état de vie avec tout ce qu’il implique. Il n’y a aucune situation humaine qui nous disqualifie d’entrée de jeu pour la sainteté. Il n’y a pas de caractères qui ne soient fait pour la sainteté.
Aucun obstacle, aucun prétexte, ne nous dispense de cette relation intime avec Dieu. C’est à partir de ce que nous sommes que Dieu veut faire de nous un saint.
Et comme nous fêtons la Toussaint chaque année, c’est chaque fois l’occasion de relancer en nous ce désir. Comme le disait le curé d’Ars :
« Les saints n’ont pas tous bien commencé, mais ils ont tous bien fini. Nous avons mal commencé, finissons bien. » (p 249) « Tous les saints ne sont pas saints de la même manière… tous ne prennent pas le même chemin.
Cependant tous arrivent au même endroit. » (p. 249)
Les Saints sont les gens qui, au fil de leur vie, ont noué une relation de plus en plus forte avec Dieu si bien qu’au jour de leur mort, de leur naissance au Ciel, ils étaient comme un fruit mûr qui se détache facilement de l’arbre.
Pour beaucoup d’autres, ils n’étaient pas vraiment mûrs ; la mort a représenté une forme de violence ; et ils doivent continuer à mûrir pour être bons à manger : c’est cela le purgatoire, une sorte de fruitier, un lieu d’une préparation supplémentaire pour être prêt pour la vie du Ciel.
Quel chemin pour arriver à la sainteté ?
Pour avancer sur le chemin de la sainteté, il faut prendre certains moyens.
Le premier de ces moyens est la prière :
La prière
Dans la prière se développe ce dialogue avec le Christ qui fait de nous Ses intimes :
« Demeurez en moi, comme moi en vous. » (Jn 15,4) »
Comme un couple qui ne dialogue pas aura du mal à faire grandir la communion, ainsi en est-il de notre relation avec Dieu.
« La prière peut progresser, comme un véritable dialogue d’amour, au point de rendre la personne humaine totalement possédée par le Bien-Aimé divin, vibrant au contact de l’Esprit, filialement abandonnée dans le cœur du Père. » (33)
« On se tromperait si l’on pensait que les simples chrétiens peuvent se contenter d’une prière superficielle, qui serait incapable de remplir leur vie.
Face notamment aux nombreuses épreuves que le monde d’aujourd’hui impose à la foi, ils seraient non seulement des chrétiens médiocres, mais des ’chrétiens en danger. » (34)
Nous avons de bons exemples comme Frère Laurent de la Résurrection, un carme du XVIIe siècle, cuisinier de son monastère. Il a appris à transformer même les tâches les plus banales et les plus ordinaires - comme la préparation des repas ou la vaisselle - en actes de louange et de communion avec Dieu.
L’Eucharistie dominicale
« Il y a là un engagement auquel on ne peut renoncer et qu’il faut vivre, non seulement pour obéir à un précepte, mais parce que c’est une nécessité pour une vie chrétienne vraiment consciente et cohérente. » (36)
La Parole de Dieu nous offre l’exemple du prophète Élie qui doit se restaurer s’il veut arriver jusqu’à la montagne de Dieu :
« L’ange du Seigneur le toucha et lui dit : ’Lève-toi, et mange, car il est long, le chemin qui te reste.’ Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. » (1 R 19, 7-8)
Le sacrement de la réconciliation
Le Seigneur ne nous demande pas tant d’être parfaits que de toujours avancer dans ce sens. C’est ce que nous disons dans l’acte de contrition : nous regrettons le mal que nous avons fait et nous exprimons notre volonté de progresser et d’aller de l’avant.
L’écoute de la Parole
« Il est nécessaire, en particulier, que l’écoute de la Parole devienne une rencontre vitale, selon l’antique et toujours actuelle tradition de la lectio divina permettant de puiser dans le texte biblique la parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l’existence. » (39)
Mettre en pratique la Parole
La Parole nous incite à des attitudes concrètes envers les autres. On ne peut aimer Dieu en se désintéressant des autres.
« L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » (2 Co 5, 14-15)
Méditer la Parole de Dieu nous aide à comprendre le nouvel état d’esprit qui nous est donné dans les Béatitudes. Au premier abord, cela peut paraître un peu déconcertant. Les Béatitudes nous aident à entrer dans un nouvel état d’esprit, une nouvelle tournure d’esprit.
« Quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; et tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre : cela te sera rendu à la résurrection des justes. » (Lc 14, 14)
Conclusion
Courir tout seul, cela pourrait être un peu décourageant. Cette fête nous met devant les yeux de grands frères et sœurs qui n’étaient pas meilleurs que nous au point de départ mais qui ont bien franchi la ligne d’arrivée. Comme le dit la préface, nous trouvons en eux une famille, un modèle et un appui. N’hésitons pas à nous appuyer sur eux et notamment la Vierge Marie.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de l’Apocalypse 7,2-4.9-14.
- Psaume 24(23),1-2.3-4ab.5-6.
- Première lettre de saint Jean 3,1-3.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 5,1-12a :
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »