Texte de l’homélie
Sans doute savez-vous que les vérités de foi ne sont pas à mettre toutes au même niveau. Il y a une hiérarchie. Par exemple, je crois que le démon existe et qu’hélas il agit. Cependant cette vérité de foi n’est pas à mettre au même niveau que notre foi en la sainte Trinité qui est le mystère vraiment central et fondamental de notre foi chrétienne.
Si on ne croit pas en la Trinité, on n’est plus chrétien !
C’est tellement vrai qu’à chaque signe de la Croix – sans peut-être en avoir clairement conscience – nous affirmons notre foi en Dieu un et trine :
Ce matin, je désire méditer sur 3 choses : la première, c’est que la Trinité est un mystère qui nous est révélé ; ce n’est pas une invention des théologiens pour nous compliquer la vie. La seconde, c’est que justement ce mystère est tellement étonnant que les Pères de l’Église ont tâtonné pour trouver les mots justes pour en parler. Et enfin, ce mystère donne un sens précis à l’expression « Dieu est amour » ; ce n’est pas n’importe quel amour mais un amour qui désire la communion.
Accueillir la révélation
La Trinité est d’abord un mystère qui nous est révélé par Jésus et le Saint-Esprit. Il y en a seulement des « traces », des indices, dans l’Ancien Testament.
Jésus parle de son Père et les apôtres prennent conscience de sa divinité
Dans l’Ancien Testament, on parle déjà de Dieu comme d’un Père parce qu’il a créé le monde et qu’il est bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants. Mais il y a un saut de qualité quand Jésus parle de son Père. A diverses reprises, dans l’Évangile de Jean en particulier, en s’appliquant le nom de « je suis », Jésus fait allusion au Nom de Dieu :
« Si vous ne croyez pas ce que je suis, vous mourrez dans vos péchés. » (Jn 8, 24)
« Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je parle selon ce que le Père m’a enseigné. » (Jn 8, 28)
La réaction des Juifs est immédiate lorsque Jésus déclare :
« Le Père et moi, nous sommes UN » (Jn 10, 30)
« Ils prirent des pierres pour lapider Jésus » (Jn 10, 31)
Et ils l’expliquent bien :
« Ce n’est pas pour une œuvre bonne que nous voulons te lapider, mais c’est pour un blasphème : tu n’es qu’un homme, et tu te fais Dieu » (Jn 10, 33)
Pendant la passion, les juifs disent clairement à Pilate :
« Nous avons une loi et d’après cette loi, il doit mourir, car il s’est dit le Fils de Dieu » (Jn 19, 7)
Jésus s’attribue aussi des actions qui reviennent à Dieu : pardonner les péchés, juger, donner la vie, … C’est vrai aussi de certains moments assez déterminants comme la pêche miraculeuse (Lc 5) ou lorsque Jésus marche sur l’eau (Mt 14).
Le Père présente son Fils à l’humanité
Jésus nous révèle les relations qui unissent le Père et le Fils
Jésus montre combien les personnes de la Trinité sont relatives les unes aux autres (cf. CEC 255). Dieu est éternellement Père en relation à son Fils Unique, qui réciproquement n’est Fils qu’en relation à son Père :
« Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. » (Mt 11,27)
Dans saint Jean, il y a de multiples versets où Jésus révèle le lien qui l’unit à son Père, notamment lors du repas d’adieux :
« ‘Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu.’ Philippe lui dit : ‘Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit.’ Jésus lui répond : ‘Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres. Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi.’ » (Jn 14)
Dans la prière sacerdotale qui précède immédiatement la Passion dans l’évangile de saint Jean, Jésus redit l’unité profonde qui l’unit à son Père (Jn 17).
Jésus parle de l’Esprit Saint
La résurrection vient confirmer les affirmations de Jésus
Pour les apôtres, un tournant déterminant a été la résurrection de Jésus. Jésus n’est pas un illuminé qui se croyait Dieu (cela arrive à certaines personnes qui se trouvent dans les hôpitaux psychiatriques). Sa résurrection vient confirmer la vérité de ses paroles. Dans son discours à Athènes, saint Paul déclare à propos de Jésus :
« Dieu l’a accrédité auprès de tous en le ressuscitant d’entre les morts » (Ac 17, 31)
Certains traduisent :
« Dieu a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts. »
Dès la Pentecôte, les apôtres professent de diverses manière leur foi en la Trinité
Ils baptisent « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28, 19). Saint Jean déclare par exemple :
« Celui qui refuse le Fils se sépare du Père, et celui qui reconnaît le Fils trouve en même temps le Père. » (1 Jn 2,23)
Saint Paul nous transmet cette salutation (deuxième lecture) que nous reprenons pour commencer la messe :
Trouver les mots : le travail de la théologie
Les deux autres parties de cette homélie seront plus brèves. Même si c’est assez succinct, il me semblait essentiel de voir l’enracinement de notre foi dans la Parole de Dieu. L’Écriture est toujours le point de départ de la théologie. Elle consiste à mettre des mots pour mieux comprendre ce que Jésus nous a dit.
C’est un peu comme pour le mystère de la résurrection. Au point de départ, les apôtres se trouvent devant un fait qu’ils n’avaient pas imaginé. Le premier pas, avant d’essayer de comprendre, est d’accueillir ce qui est révélé. Ce n’est que dans un deuxième temps que nous trouvons des mots pour en parler.
C’est ce qu’ont fait les Pères de l’Église pendant les premiers siècles. Ils ont cherché les mots les plus adéquats pour exprimer leur foi en la Trinité. Les Conciles anciens (Nicée, Constantinople, …) ont récolté le fruit de leur travail.
Par exemple, vous ne trouvez pas le mot « Trinité » dans la Parole de Dieu. Les Pères de l’Église se sont servis de mots qu’ils ont empruntés à la philosophie pour exprimer leur foi : ‘substance’, ‘personne’ ou ‘hypostase’, ‘relation’, … Bien entendu, il ne s’agit pas de soumettre la foi à une sagesse humaine mais de trouver les mots les plus adéquats pour exprimer sa foi.
Dans la nouvelle traduction du missel, pour le credo de Nicée-Constantinople, est réapparu un mot qui peut à juste titre nous sembler un peu compliqué : nous croyons que le Fils Unique de Dieu est consubstantiel au Père. En effet, le mot « nature » était trop faible et pouvait porter à confusion. Nous tous ici présent sommes de la même nature (humaine) mais pas de la même substance. Si l’un d’entre nous disparaît, nous continuons à vivre. Les personnes de la saint Trinité sont de la même substance : elles ne peuvent pas exister sans les autres ; elles sont relatives les unes à l’égard des autres. Le Père n’existe pas sans le Fils ou le Fils sans le Père, comme Jésus l’exprime clairement dans l’Évangile. Et il en va de même avec l’Esprit Saint. En théologie, on parle des personnes de la Trinité comme de « relations subsistantes ».
« Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes. »
Dieu est amour
Pour célébrer la fête de la Trinité, l’Église prend soin de nous ramener au cœur de notre foi qui dit que « Dieu est amour » (1 Jn 4, 16). Les textes choisis par la liturgie de ce jour attirent notre attention pas tant sur le mystère (ils sont Trois et ils sont Un, un seul Dieu en trois Personnes) que sur l’amour qui est en quelque sorte la substance même de Dieu et qui fait que notre Dieu est un et trine : le Père donne tout au fils ; le Fils reçoit tout du Père avec reconnaissance ; et l’Esprit Saint est comme le fruit de cet amour réciproque du Père et du Fils. Dieu est amour, c’est pourquoi il est Trinité. Dieu est en lui-même communion d’amour.
Le passage par la réflexion théologique était cependant nécessaire pour donner un contenu plus précis à cette affirmation aussi belle « Dieu est amour ». Comme vous le savez, derrière le mot « amour », on peut mettre des choses tellement différentes.
Dieu n’est pas solitaire. L’amour est une réalité intersubjective et interpersonnelle. Il suppose un “je”, un “tu” et un “nous”. S’il y a moins de deux personnes, on ne peut parler d’amour disait Saint Grégoire le Grand. L’amour suppose une pluralité des personnes.
Certains croyants affirment peut-être aussi que Dieu est amour mais ils mettent sous les mots une réalité très différente. L’amour ne se limite pas à la générosité. On peut être très généreux sans pour autant entrer en relation.
Le Dieu des Chrétiens est un Dieu unique mais non pas solitaire. Il y a « un seul Seigneur dans la trinité des personnes et l’unité de leur nature ». Il est trois personnes en communion. Ce n’est pas un amour statique mais une circulation d’amour des trois personnes divines. C’est un amour qui cherche à entrer en relation, qui vise la communion. C’est un cœur qui palpite !
Notre vie chrétienne consiste précisément à entrer dans ce mouvement, dans cette communion avec les personnes divines.
Conclusion :
En guise de conclusion, je voudrais vous donner deux pistes :
Tout d’abord, de goûter cette grâce que nous avons de pouvoir avoir part à cet amour des personnes divines. C’est ce que vivait en particulier sainte Élisabeth de la Trinité qui nous a laissé une si belle prière dont voici un extrait :
« Ô mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en Vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité ; que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de Vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère ! Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne Vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, toute entière, toute éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre action créatrice. »
Ensuite de nous laisser renouveler dans nos relations avec les autres par la contemplation de la Trinité. Cela nous aide à mieux comprendre l’amour qui ne se limite pas à une forme de générosité mais qui donner d’entrer dans une vraie relation.
Cela nous aide à mieux vivre la communion qui n’est pas la fusion et qui respecte profondément l’altérité. En effet, Dieu ne nous laisse pas à nos seules forces. Comme le dit saint Paul :
« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5, 5)
Que Marie qui a eu une proximité ineffable avec chaque personne de la Trinité nous aide à entrer plus avant dans ce mystère et à en vivre concrètement dans notre vie. Amen !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de l’Exode 34,4b-6.8-9.
- Livre de Daniel 3,52.53.54.55.56.
- Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 13,11-13.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 3,16-18 :
En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. »