Homélie de la fête de la Présentation du Seigneur au Temple

3 février 2020

« Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Durant ce week-end, nous accueillons une cinquantaine de jeunes célibataires venus réfléchir à cette vocation à l’amour qui nous concerne tous, et ils se demandent comment l’incarner dans leur vie.
Ainsi, c’est très providentiel que cette retraite ait lieu en ce jour de la Présentation du Seigneur. Mais, de quoi s’agit-il ? Nous sommes encore très loin de toute la mentalité biblique, nous avons malheureusement perdu le sens de ce qu’était une présentation, ce rite qui signifiait aussi la purification. En effet, on appelle aussi cette fête la purification de la Vierge-Marie car, dans la tradition juive, dès qu’il y avait un contact avec le sang – ce qui est le cas lors d’un accouchement - il y avait une nécessité de se purifier et d’accomplir un certain nombre de rites.

Cette fête de la Présentation signifiait aussi le rachat des premiers nés, en mémoire des premiers nés d’Egypte qui ont été frappés de mort : en contraste, ce premier né qui était offert, lui qui était vivant, et le couple que formait ses parents venaient rendre grâce pour cette vie qui avait échappé à la mort.
Certes, cela ne fait pas tellement écho à notre tradition religieuse chrétienne, mais, pour vous qui êtes venus réfléchir sur cette vocation à l’amour que vous voulez incarner, ces deux points de purification et de rachat doit retenir votre attention.

La purification intérieure

En effet, tout amour a besoin d’être purifié. Et ce temps du célibat, qui n’est pas choisi et qui prend la forme d’une attente et d’une espérance, n’est-il pas un moment privilégié pour la purification ? Ne s’agit-il pas de purifier ces histoires que vous avez pu vivre par le passé et qui n’ont pas abouti à un engagement, et qu’il conviendrait de relire à la lumière du Seigneur ?
C’est aussi la fête de la lumière, puisque nous avons allumé des cierges avant de rentrer en procession…

Ne s’agit-il pas aussi de la purification de votre cœur : est-il disposés à l’amour, à accueillir quelqu’un d’autre dans votre vie, est-il disposé à accueillir une autre vocation – ce célibat qui lui n’est pas subi mais choisi, je parle de la vocation consacrée… tout Chrétien doit se poser la question.

Et cette purification va de pair avec le rachat : cher amis, de quoi avez-vous besoin d’être sauvé ?

De quoi avez-vous besoin d’être sauvé ? centre

Le rachat de notre capacité d’amour

De quoi votre amour, votre capacité aimante a-t-elle besoin d’être rachetée ?
Oui, purification et rachat sont en ce jour au cœur même de la fête et nous touchent, célibataires ou pas. Nous sommes tous invités à nous remettre et à nous présenter au Seigneur. Lui qui est présenté au Temple, Il n’a pas besoin d’être racheté, car c’est Lui notre rachat. De même, Marie la Toute Pure n’a pas besoin d’être purifiée, mais c’est précisément pour rentrer dans cette « épaisseur humaine » que les parents de Jésus ont suivi la loi de Moïse.
Nous pouvons un voir un modèle : c‘est une manière de se redonner au Seigneur, et de Lui dire que ce salut et cette lumière apportés à toutes les nations, cette pureté dont j’ai envie, aujourd’hui, je Te la demande. Cette pureté et ce salut, nous les avons reçues au jour de notre baptême, ou d’autres – nos parrain et marraine – tenaient aussi un cierge allumé pour rappeler ce mystère pascal. Nous faisons ainsi mémoire du salut du peuple juif de la main de Pharaon, et nous savons que Dieu nous sauve aussi de la mort.

Si cette fête nous est très évocatrice, elle a aussi d’autres aspects qui doivent écho dans cette étape de discernement, notamment le rôle du Saint Esprit.

Soyons attentifs aux motions du Saint-Esprit !

Au moment de la présentation, survient un prophète, Siméon, un homme qui parle sous l’action du Saint Esprit. Nous avons chanté ce chant extraordinaire de Siméon qui est repris à chaque complies : puissions-nous aussi le reprendre à l’heure de notre mort !
L’Esprit-Saint lui a annoncé qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur.

Chers jeunes, dans cette étape que vous vivez, comme il est important d’être attentifs aux motions du Saint Esprit ! Cela signifie : soyez attentifs aux choses qui vous bougent de l’intérieur, à ce qui vous touche intérieurement. Vous n’êtes pas appelés à quelque chose sans être les premiers prévenus, les premiers avertis. Mais comment cela se fait-il ? C’est le Saint-Esprit qui vous donne d’aller dans un sens ou dans un autre, ce qui implique aussi que vous soyez « connectés à vous-mêmes », que vous soyez des hommes et des femmes d’intériorité.

Si vous vous laissez entraîner par des forces centrifuges comme nous le voyons dans le monde, ces forces qui nous emmènent loin de nous-mêmes, qui font que nous devenons comme « analphabètes de nous-mêmes », comment découvrir l’appel du Seigneur, comment ouvrir votre cœur à une rencontre et à un engagement ?
Oui, le Saint-Esprit est là pour nous aider et travaille notre cœur jour et nuit. Nous sommes le temple du Saint Esprit, et Jésus est présenté au Temple pour faire de nous des temples par Sa mort et Sa résurrection. Oui, nous sommes habités ! Saint Paul nous dit :

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple du Saint Esprit ?… »

Accepter de rentrer dans un chemin de discernement, d’écoute pour répondre à cette vocation à l’amour, c’est aussi accepter une certaine vie intérieure, contemplative, une certaine vie de silence…
Ainsi, il est intéressant de voir que cette fête fait une belle place au Saint Esprit. Et dans la prophétie de Siméon, il y a quelque chose de très intéressant : c’est cette annonce faite à Marie. On imagine cette très jeune mère de moins de vingt ans, et il lui dit :

« Il sera un signe de contradiction pour tous, et toi, ton âme sera traversée d’un glaive. »

Quel drôle de message annoncé à une jeune femme qui vient d’accoucher… A ce moment-là, on est plutôt dans la joie et dans l’action de grâce, mais voici que Son âme va être traversée d’un glaive.
C’est l’occasion de vous poser la question de la place que vous laissez à la Croix du Seigneur dans vos vies.

La Croix vient ouvrir le cœur

Cette Croix du Seigneur vient ouvrir le cœur pour nous emmener à une fécondité nouvelle.
Vous le savez, nous sommes quarante jours après Noël, et dans le langage biblique, ce chiffre est synonyme d’une nouvelle naissance, car il correspond au nombre de semaines d’une grossesse. On le retrouve lors de la sortie d’Egypte, pour le séjour du Christ au désert, puis pour le Carême. Bref : dès que vous voyez quarante, vous pensez naissance. C’est à dire que, pour naître à nouveau, à un moment donné, il y a un phénomène d’ouverture du cœur, et il faut se laisser transpercer, ouvrir le cœur pour que le Saint-Esprit puisse agir. Il faut se laisser ouvrir le cœur tout comme le Seigneur avec la lance pour nous donner les fruits de la grâce à travers les sacrements : le baptême et l’eucharistie.

Oui, chers jeunes qui vivez cette étape plus comme une souffrance, quelque chose qui n’est pas nécessairement ce que vous voulez et vous, frères et sœurs bien aimés, écoutons cette parole, cette prophétie qui nous parle de la souffrance :

« Un glaive te transpercera le cœur… »

Pour naître d’en haut, ne faut-il pas accepter un certain transpercement, de baisser les murailles, de laisser les défenses, et d’aller à la rencontre du Seigneur, le cœur ouvert, et l’esprit attentif à ce que nous sommes appelés à découvrir sous la motion du Saint-Esprit…
Certainement, nous sommes invités à accepter une certaine pénibilité, comme pour tout accouchement. De nos jours, on peut bénéficier de la péridurale, mais en matière spirituelle, cela n’existe pas et tout accouchement est douloureux !
Oui, nous sommes appelés à nous laisser transpercer, à accueillir une partie de pénibilité, d’inconfort dans notre vie, pour que cette vie soit une nouvelle naissance, pour que nous puissions naître à nouveau. Si l’on veut se protéger de tout mal, se préserver de toute souffrance, de toute pénibilité, il faudrait lever des barrières et des murs en tous sens et nous y arriverions peut-être, mais ce serait prendre le risque de vivre seul, de terminer cette vie seuls parce que nous n’aurons pas ouvert notre cœur, nous ne nous serons pas laissés transpercés le cœur pour accueillir cette part de souffrance qui, certes, n’a pas bonne presse aujourd’hui, mais est le chemin du Christ Lui-même.

Nous sommes les disciples d’un cœur ouvert, d’un cœur qui nous apprend l’amour. Et si vous êtes venus ici pour réfléchir à la vocation à l’amour, vous ne ferez pas l’économie du cœur ouvert, c’est certain. Car si celles et ceux qui veulent en faire l’économie terminent seuls.

Le Seigneur nous demande donc à nous laisser nous bousculer et à poser des gestes prophétiques. C’est intéressant d’entendre ces deux prophètes aujourd’hui, homme et femme. On a plus l’habitude des prophètes hommes dans les lectures, mais dans ce passage, c’est la prophétesse Anne qui est devant le Seigneur et chante Ses louanges.
Toute vie a une dimension prophétique, cela nous vient du baptême qui fait de nous prêtre, prophète et roi. Nous sommes appelés à poser des gestes audacieux : aller à la rencontre de quelqu’un, se mettre en chemin pour ouvrir son cœur, sortir de sa zone de confort.
Souvent, on bien dans notre zone de confort, mais elle est tellement étriquée… Posons des gestes prophétiques, sortons de nous-mêmes, selon les motions du Saint-Esprit. Il y a des choses que nous voyons, des gestes à faire, des paroles à poser : sous l’action du Saint-Esprit, ayons l’audace de poser ces gestes et de dire ces paroles.

La vie consacrée comme un signe de salut

Comme religieux, nous sommes très sensibles à cette fête qui résume ces différents points que je viens de développer. Un religieux n’est-il pas un prophète ? la vie religieuse est prophétie de l’Eternité, et de fait, nous n’avons pas ici bas de demeure permanente. Le linceul n’a pas de poche, et ce n’est pas ce que nous accumulerons ici bas que nous emporterons dans l’au-delà. Le religieux rappelle cela par ses vœux.

La vie religieuse porte également : une certaine pénibilité : supporter le caractère des uns et des autres en fait partie, la pénibilité d’une certaine solitude affective, de ne pas pouvoir faire ce que l’on veut à chaque moment de la journée. Mais on voit que cette pénibilité nous donne une fécondité plus grande. Elle ouvre notre cœur, et elle permet d’ouvrir le cœur d’autres personnes.

Par la vie religieuse nous sommes aussi un signe du rachat. Nous avons vu qu’à travers cette fête de la Présentation, c’est le rachat du premier né qui est célébré dans la tradition juive. Si nous avons été consacrés, c’est parce que nous avons éprouvé un salut par le Christ. Nous avons été purifiés, et nous sommes bien entendu en cours de purification, ce n’est pas encore dans la plénitude.
Oui, frères et sœurs, cette fête de la Présentation est une vraie bénédiction tant pour celles et ceux qui sont appelés dans la vie matrimoniale que pour celles et ceux qui sont appelés dans la vie consacrée – et certains parmi vous le sont. C’est une grâce que cela tombe un dimanche aujourd’hui alors que vous êtes ici pour cette retraite de célibataires. Pour moi, c’est un signe, c’est très clair.

Demandons qu’à travers cette fête de la Présentation, nous puissions relire la lecture de ce jour et faire mémoire de notre propre présentation au moment de notre baptême. Demandez cette grâce au Seigneur à travers la prière de la Vierge Marie, cette grâce de nous offrir nous-mêmes, de nous laisser faire, cette grâce d’être attentifs à un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Malachie 3,1-4.
  • Psaume 24(23),7.8.9.10.
  • Lettre aux Hébreux 2,14-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 2,22-40 :

Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : ‘Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur.’
Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : ‘un couple de tourterelles ou deux petites colombes.’
Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur.
Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
« Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »
Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui.
Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère :
« Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »

Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge ; après sept ans de mariage, demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière.
Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.

Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.