Homélie de la bénédiction de la Grande Chapelle

6 septembre 2022

« Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, me voici face à vous qui vous êtes rassemblées aujourd’hui en cette église rénovée pour que nous puissions accueillir ce qu’est pour nous cette rénovation. Beaucoup d’entre-vous qui viennent depuis longtemps l’ont donc connu dans son ancien éclat.
Certes, ce n’est pas tout à fait terminé : nous aurions du également y bénir l’orgue, mais quelques contraintes nous obligeront à revenir. Mais, revenir pour vous est une joie, et nous nous retrouverons pour cette autre occasion.

Aujourd’hui, nous essayons d’accueillir ce que signifie cette bénédiction de l’église, rituel qui a duré un certain temps. Vous avez observé que j’ai pris le temps de vous bénir et j’aime bien ce signe de mouiller les têtes. Ce n’est pas un symbole lointain plus ou moins évocateur : il faut que l’on puisse sentir le concret des gouttes d’eau qui viennent sur nous et qui rappellent ce baptême reçu il y a plus ou moins longtemps.

Cette bénédiction est pour nous l’occasion de remercier le Seigneur pour tout le travail qui a été fait par les entreprises, les ouvriers et les artisans qui ont participé à ce chantier. C’est aussi l’occasion de remercier le Seigneur pour la persévérance des frères qui ont voulu et accompagné ces travaux, qui ont accueilli un certain nombre d’aide tout en occupant ces lieux dans des conditions parfois difficiles, reconnaissons-le. Il peut arriver qu’il y fasse froid, et cela nous rappelle la rudesse des temps.

Mais, c’est encore plus loin que la liturgie de ce jour nous invite. Elle nous fait entendre cette parole que le Seigneur veut donner à chacune et à chacun de nous. Vous aurez observé que ce ne sont pas les textes du vingt-troisième dimanche qui ont été lus, mais ceux utilisés pour la dédicace d’une cathédrale. Je voudrais les détailler avec vous.

Tout d’abord, Ézéchiel, prêtre vers 597 avant Jésus-Christ a été déporté de Babylone et a été écarté de ce qui fait la raison même de sa vie : s’il est prêtre, c’est pour participer au culte qui est donné au temple de Jérusalem, et il en est éloigné. Il n’est pas le seul, car il fait partie d’un premier groupe de déportés. Il y en aura une deuxième lorsque la ville de Jérusalem sera détruite, et en particulier le Temple.
Rappelons-nous tout ce qui est dit dans le livre du Lévitique et dans d’autres textes, tout ce qui va entourer la construction, la bénédiction et la consécration de ce temps. Et donc, pour les Juifs, la destruction de cet édifice, c’est la destruction du lieu où Dieu est présent. Cela signifie l’expulsion de Dieu de ce lieu qu’Il a choisi, et par extension, l’expulsion du Dieu d’Israël du monde. C’est l’occasion pour les rois et les empereurs qui veulent diviniser leur présence et de réclamer un culte dont Israël sait qu’il n’est du qu’à Dieu.

Dieu est au-delà de tout ce que l’on peut maîtriser, de tout de que l’on peut avoir et posséder, de la puissance que l’on peut exercer. Et dans ce chavirement là, Ézéchiel vient dire que Dieu qui était présent à Jérusalem ne cesse pas d’être présent à Son peuple. Dieu qui veut être présent en certains lieux veut être présent à l’humanité toute entière, à la Création toute entière. Dieu ne peut pas être contenu dans un lieu.
Israël doit alors mener comme une conversion dont nous recevons quelques échos. Il ne faut pas limiter la présence de Dieu à des lieux, mais voir ce lieu de présence pour Dieu comme n parmi d’autres, il est un signe.

Il y a un tabernacle dans lequel la présence réelle est conservée parce que ce bâtiment a été construit pour être comme ce lieu de rassemblement des communautés chrétienne. On sait d’ailleurs que ce lieu a servi à d’autres usages : autrefois, il fut une infirmerie, puis une église paroissiale, mais aussi une menuiserie. Il est actuellement dévolu à un usage religieux, qui plus est en lieu cultuel où se vit le cœur du mystère de la Foi chrétienne.
Mais rappelons-nous pour autant qu’il n’est qu’un signe, et c’est important pour nous.

Chers frères, quand vous voyez ce bâtiment, vous pouvez être fiers du travail qui a été accompli. Vous pouvez être heureux qu’il soit plus lumineux, car la lumière qui passe par toutes ces ouvertures ne va pas être absorbée par l’obscurité des pierres et des vitraux. C’est bien, certes, mais c’est encore insuffisant.

Ce site, cette chapelle doit être pour nous - et pour vous qui y venez fréquemment - le signe d’une présence qui n’est pas enfermée en ce lieu mais qui peut rayonner à partir de ce lieu parce que vous vous y retrouvez souvent et qu’y est célébré le cœur du mystère de la Foi, l’Eucharistie, parce que vous y puisez des forces pour vivre votre consécration, votre vie religieuse et fraternelle, votre vie missionnaire et spirituelle, votre sanctification.

C’est ce que nous pouvons vivre si nous allons jusqu’au bout des signes qui nous sont donnés, sans se laisser enfermer dans des formes de superstition et de magie. Ce lieu est d’abord un signe.

Frères et sœurs, vous venez certainement de paroisses et de communes très diverses, et vous avez, pour un certain nombre d’entre vous, la souffrance de voir votre église paroissiale fermée. On peut se demander alors quel est son usage. Dans certains cas, les prêtres arrivent encore à célébrer des mariage, des funérailles ou quelques baptêmes… Mais, quand cela n’a plus lieu, n’avons-nous plus que nos larmes pour pleurer ? certainement pas car elles sont toujours un signe, celui de Dieu qui s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. Elles sont le signe d’une existence qui s’est fait proche de la vôtre pour que vous ne vous enfermiez pas dans le confort que vous avez pu acquérir, ou dans les souffrances que vous avez à porter.
Elles sont le signe de la proximité de Dieu qui s’est fait homme.

La société dans laquelle nous sommes le sait encore, c’est vrai pour un certain nombre de personnes. Je me rappellerai toujours d’une visite pastorale que je faisais dans le Vexin. Un maire que je rencontrais avait réussi à réunir quelques élus de la commune pour cette rencontre, et l’un d’eux prit la parole pour dire que l’église est importante même si c’est difficile de la faire vivre. C’est un des trois bâtiments majeurs d’une commune :

  • l’école nous rappelle que nous sommes dans une société où chacun doit avoir les mêmes droits pour pouvoir accéder aux responsabilités dans la vie sociale.
  • la mairie car elle nous dit que nous sommes une famille qui ne vit pas seulement selon ses intérêts propres, mais pour une vie commune qui s’ouvre à plus que la vie familiale.
  • l’église qui nous rappelle que l’existence humaine ne se réduit pas à toutes les questions horizontales mais qu’il y a un au-delà, un ailleurs qui nous rejoint.

J’étais frappé par ce discours qui sonnait comme une homélie et je vous le partage aujourd’hui.

L’apôtre Paul connaissait le prophète Ézéchiel. Dans sa lettre, il s’adresse aux Chrétiens de Corinthe, et il leur rappelle qu’ils sont les temples de Dieu. Le signe qui nous est donné par cette église nous renvoie à cet autre signe que chacun de nous est depuis son baptême. A notre baptême, nous sommes devenus participants du Christ Prêtre Prophète et Roi. C’est parce qu’Il nous a unis à Lui de sorte que nous soyons membres de Son corps au point que, si nous sommes malades, le corps est malade. Si Dieu est blessé en nous, c’est le corps tout entier qui est atteint. On ne le voit peut-être pas, mais il l’est. Nous sommes donc signes nous-mêmes, signes de la présence de Dieu et rappels de Dieu.

Frères et sœurs, nous rappelons-nous que nous sommes « temples de Dieu » comme l’apôtre Paul le dit dans l’Écriture ?

« Le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous ! »

C’est à dire que ce sanctuaire, c’est chacun et chacune de nous ! On peut s’émerveiller de ce bâtiment comme de beaucoup d’autres dans notre département… On peut se réjouir des sommes colossales qui sont dépensées par les autorités publiques pour les entretenir… Tout cela, c’est bien pour un Chrétien, mais ce n’est pas suffisant ! C’est le rappel hérité d’une histoire que Dieu est encore présent au milieu de nous, et que chacun de nous là où il est présence de Jésus dans le monde pour y vivre l’adoration de Jésus, la mission de Jésus, le témoignage de Jésus et Son service pour que le monde soit sauvé.

Alors, réjouissons-nous de ce lieu dans lequel nous sommes aujourd’hui, réjouissons-nous du culte qui y est célébré ici par les frères et par celles et ceux qui les rejoindront, réjouissons-nous de tous ces lieux et de toutes ces communes en France qui sont issues des paroisses, des églises et des communautés chrétiennes, tout en étant pas tournés vers le passé. Nous en sommes héritiers, charge pour nous que ce passé, dans la fécondité même du Dieu vivant, présent dans le cœur des hommes par Son Esprit-Saint, fécondité qui continue son œuvre en nous et pour le monde.

Nous nous rappelons que ces signes sont le rappel d’une réalité pour chacun et chacune de nous, et une invitation à ce que ces signes demeurent lisibles. Il faut qu’à travers nous ceux qui ne connaissent pas encore le Christ puissent être interpellés par notre attitude, qu’il soient en questionnement et se sentent invités à aller au-delà. Il faut que ces signes soient signifiants et qu’ils demeurent féconds, à la mesure de la fécondité de l’Évangile du Christ, dans le cœur de l’homme et pour le Salut du monde.

Merci chers frères pour l’invitation que vous nous donnez ce matin de nous retrouver avec vous ici pour rendre grâce pour cette nouvelle église. Merci aussi à l’Église de nous rappeler que chacun de nous est signe de Jésus dans ce monde.

Implorons dans cette Eucharistie la force dont nous avons bien besoin pour être des signes visibles, lisibles, féconds selon la volonté du Christ,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ezékiel 47, 1-2.8-9.12.
  • Psaume 45 (46), 2-3, 5-6, 8-9a.10a.
  • Première lettre de Saint Paul apôtre aux Corinthiens 3, 9c-11.16-17.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 2, 13-22 :

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.

Des Juifs l’interpellèrent :
— « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit :
— « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent :
— « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.

Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. »