Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien aimés, quand je prépare un couple pour le grand jour de leurs noces et que l’on aborde la question de la célébration et du choix des textes, je leur donne quelques critères pour choisir la parole qui illustrera la liturgie. Je leurs dis :
« Le texte que vous allez choisir va dire quelque chose de vous à l’assemblée, et témoigner de ce que vous voulez vivre au seuil de votre mariage. »
Nous le savons : la parole de Dieu est une parole vivante. Aussi, cette parole s’adresse aussi à vous : c’est quelque chose que Dieu vous dit à vous. Et il serait intéressant, vous qui vous êtes engagés devant le Seigneur et formez un couple durable, que vous puissiez faire mémoire du texte que vous avez choisi pour ce grand jour.
De même pour nous, prêtre ou diacre, nous pouvons faire mémoire des textes accompagnant notre ordination, car ils éclairent notre chemin.
En ce sens, Guillaume et Mireille ont choisi des textes vraiment parlants et éclairants pour la vie matrimoniale, mais pas seulement. Tout d’abord, il y a ce grand programme de vie que l’on a entendu dans la première lecture, avec la lettre de Saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens : dans cette partie là, il leur demande comment ils veulent vivre comme disciple à la suite du Christ :
« N’éteignez pas l’Esprit ! »
« Ne méprisez pas les prophéties ! »
« Discernez la valeur de toute chose ! »
Il y a toute une série d’injonctions, de conseils et de recommandations qui sont donnés par l’apôtre pour tous ceux qui veulent vivre de la vie du Christ et qui veulent Le suivre.
Et cela pourrait être intéressant que chacun le fasse pour soi, et que l’on puisse, phrase par phrase, se poser la question : « Et moi, où est-ce que j’en suis de cet appel de l’Apôtre à suivre le Christ ? »
« Donner du courage ! »
« Soutenir les faibles. »
« Être patients envers tous… »
Il est nécessaire de faire une relecture de vie, car 30 ans de vie matrimoniale, c’est vraiment regarder dans le rétroviseur et voir comme vous avez suivi le Christ. Vous nous avez donné ce programme de vie, c’est aussi pour que nous-mêmes, nous puissions nous en emparer.
Le texte du chemin des disciples d’Emmaüs est une page d’évangile qui vous tient très à cœur. Il dit beaucoup de choses de la vie et il éclaire la vie de couple de façon magnifique, car il dit bien qu’une vie de couple, comme une vie tout court, c’est une chemin. Et un chemin n’est pas simplement un sentier qui se dessine à travers champs. Le chemin est d’abord une personne. Nous, comme Chrétien, disciple de Jésus, à l’école de la Vierge-Marie, on découvre le chemin comme étant une personne.
Et dans ce chemin, il y a plusieurs étapes. Et, par rapport à votre vie concrète, pour ceux qui sont en couple, le chemin d’Emmaüs vient éclairer votre propre chemin. Ce n’est pas en continu dans le temps : il peut y avoir des moments de découragement, par un temps d’épreuve, après plusieurs années. C’est comme si le Seigneur n’était plus là, comme les disciples qui ont cru que ce serait Jésus qui sauverait Israël…
« Et toi, tu ne sais pas ce qu’il s’est passé à Jérusalem ? »
Il était là, près d’eux, et ils ne l’ont pas reconnu. Il y a des moments dans notre vie où nous non plus, on ne reconnaît pas le Seigneur. On peut même être parfois en colère contre le Bon Dieu, et on lui demande où Il est…
On ne connaît pas le nom de ces deux hommes qui marchent - cela peut être chacun d’entre nous – et ils sont dans la tristesse, dans le découragement. Et ils se demandent s’ils ont bien fait de Le suivre.
« Pourquoi permets-tu que le juste soit tué avec le pécheur ? »
Et on les voit s’arrêter avec le visage sombre. Et, petit à petit, il y a tout un chemin qui se fait, un chemin intérieur tout d’abord.
« Quelques femmes sont allées au tombeau et n’ont pas vu le corps. »
Visiblement, ils ne croyaient pas les femmes et sont allés vérifier le tombeau. « Allons voir si c’est vraiment ça ! » Et en effet, c’est vraiment ça ! il y a des signaux faibles de la présence de Dieu dans nos vies. Et ces signaux nous mettent en chemin, nous alertent, nous questionnent.
Si ces femmes et ces hommes – que nous connaissons ou non - ont vu ces choses-là, c’est que nous sont donnés des signes que le Seigneur ne nous abandonne pas.
Dans la vie matrimoniale, les époux sont l’un pour l’autre des signes de Sa présence : se soutenir, s’encourager, se fortifier, et découvrir l’autre comme une grâce, une miséricorde qui nous est faite pour notre vie.
Ensuite, Jésus leur parle et ouvre leur intelligence. Le mot intelligence vient de deux mots latins : intus legere, c’est à dire « lire à l’intérieur ». A un moment donné, le Seigneur nous donne de lire à l’intérieur des événements, à l’intérieur de notre vie, afin de découvrir Sa présence, Son appel. Lui n’a jamais cessé de nous appeler. C’est ça, l’intelligence : c’est l’ouverture du cœur. « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit ainsi pour entrer dans la gloire du Père ? »
On aurait voulu être là quand Jésus leur commentait les écritures en commençant par Moïse : c’est de la première main ! toujours est-il qu’ils ont découvert quelque chose. Et c’est vrai qu’il y a des étapes dans une vie de couple, dans une vie tout court.
Au bout de quelques temps, on commence à comprendre. On devient intelligent, non pas de cette intelligence scolaire : on commence à lire les choses. On voit notre vie comme un livre.
Au fond, on commence à lire car on a accepté de faire mémoire.
Vous le savez, tout comme l’homme de la Bible, le Chrétien ne compte pas comme les autres : il compte en regardant en arrière. Autrement dit, il compte en faisant mémoire : « Déjà 5 ans ! Déjà 10 ans ! Déjà 30 ans !! »
Faire mémoire, c’est la faculté du présent. Ce n’est pas dans le sens d’enjoliver le passé (avant c’était mieux). D’ailleurs, c’est bien ce que l’on fait dans chaque Eucharistie : on fait mémoire de Passion, de la mort et de la Résurrection du Seigneur. Et c’est réellement Sa présence au milieu de nous qui se donne.
Être intelligent, c’est faire mémoire. Chacun là où nous en sommes, nous pouvons nous aussi faire mémoire de là où nous en sommes de notre vie, faire mémoire de cette présence du Seigneur là où Il nous rejoint, tout comme Il a rejoint les disciples dans leur tristesse. Dans leur épreuve, le Seigneur a ouvert leur cœur et les a invités à découvrir Sa présence.
Peut-être pourrions-nous aussi durant cette célébration faire mémoire des moments où le Seigneur a éclairé notre cœur, éclairé notre vie, ces moments de « ciel bleu », il y en a ! Il n’y a pas que l’épreuve et le découragement dans notre vie : il y a aussi beaucoup de « ciel bleu ». Alors faisons-en mémoire : c’est ce que Mireille et Guillaume nous invitent aussi à faire avec le choix de ces textes.
Après avoir révélé le sens des écritures, le Christ Se cache à nouveau à nos yeux. La Foi est un régime d’indigence : la Foi fait faute de la vision, du face à face. C’est seulement après la mort qu’on Le verra face à face. Pour aujourd’hui, nous n’avons que la Foi. C’est un chemin de pauvreté.
Plus j’avance comme prêtre, plus je vois que les sacrements sont d’une très grande humilité, d’une très grande pauvreté : un peu de vin et de vin, quelques gouttes d’eau versées sur le front d’un enfant, de l’huile consacrée qui se répand sur le corps d’un malade, quelques paroles qu’un jeune couple échange, et c’est tout le Ciel qui s’ouvre.
Oui, il est beau de voir que le Seigneur nous invite à vivre de foi dans notre chemin, pour peu que nous ayons découvert quelque chose de Sa présence. Être disciple de Jésus, c’est vivre une présence, c’est faire une rencontre, c’est descendre à l’intérieur.
C’est découvrir qu’en nous-mêmes, nous portons plus que nous-mêmes. C’est si beau… nous sommes comme un tabernacle, à l’exemple de la Vierge-Marie qui porte quelqu’un de si grand en Elle-même…
À travers ce choix des disciples d’Emmaüs, Mireille et Guillaume, vous nous donnez d’approfondir notre chemin, de faire mémoire des fois où le Seigneur nous a rejoints. Et nous pouvons demander à Jésus, par l’intercession de la Vierge-Marie, de pouvoir, nous aussi avoir ce recul, avoir cette profondeur, rentrer dans ce cheminement pour faire nôtres les paroles du psaume : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je crainte ? »
Amen !
Références des lectures choisies pour la célébration :
- Lettre de saint Paul, Apôtre, aux Thessaloniciens 5, 13-24.
- Psaume 26.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24, 14-35 :
Et voici que, ce même jour, deux d’entre eux faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux ; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Il leur dit :
— « Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? »
Et ils s’arrêtèrent, le visage sombre. Prenant la parole, l’un d’eux, nommé Cléophas, lui dit :
— « Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci ! »
— « Quoi donc ? » leur dit-il.
Ils lui dirent :
— « Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s’est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël ; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées !
Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S’étant rendues de grand matin au tombeau et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le disent vivant.
Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu ! »Alors il leur dit :
— « O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? »
Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait.Quand ils furent près du village où ils se rendaient, il fit semblant d’aller plus loin. Mais ils le pressèrent en disant : « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme. »
Il entra donc pour rester avec eux. Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna.
Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… mais il avait disparu de devant eux. Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? »À cette heure même, ils partirent et s’en retournèrent à Jérusalem.