Enseignements de la retraite pascale 2020

Jeudi saint, vendredi saint, samedi saint

Jésus s’est donné à ses disciples à travers ces trois années partagées : sur les routes, durant les repas, au long des nuits. Il s’est donné à eux à travers une affectivité humaine, en les éduquant aussi. Il les appelle « ses amis ».


Enseignements de la retraite pascale 2020

Enseignement du jeudi saint : « Pourquoi un Dieu caché ? »

Méditons l’hymne Adoro te devote, texte admirable, d’une profonde actualité :

« Je t’adore du fond du cœur Dieu caché Mon cœur se soumet tout entier »

Dieu se rappelle à notre bon souvenir, il rappelle sa transcendance, sa puissance, il est important que nous fassions mémoire de ces théophanies de Dieu…
Mais quand vient la plénitude des temps, alors c’est tout différent. Quand Dieu choisit de se révéler, à la plénitude des temps, c’est là qu’il se cache le plus… La divinité s’est cachée derrière l’humanité.
Notre hymne dit un peu plus bas : « In cruce latebat deitas… ». Sur la croix, Dieu cache encore un peu plus sa divinité : Dieu se révèle complètement à rebours de ce qu’on peut attendre : le tout puissant, le voilà réduit à l’impuissance sur la croix… le Verbe de Dieu, dont la voix puissante se faisait entendre sur le mont Sinaï réduit au silence… Le Dieu infiniment saint, considéré, au rang des condamnés. Quelle folie, quelle absurdité diront certains… Mais Dieu ne s’arrête pas là : Il choisit l’eucharistie pour se rendre présent…
Notre hymne poursuit : « Hic latet simul humanitas… ». Dans l’eucharistie, c’est non seulement la divinité du Christ qui se cache mais aussi son humanité. Et aujourd’hui, la question se pose davantage, puisque nous sommes privés même de l’eucharistie : Dieu présent dans l’absence ? Autrement dit l’abaissement de Dieu appelle de notre part une foi de plus en plus dépouillé, qui s’appuie de moins en moins sur les apparences…
À la kénose de Dieu répond la kénose de notre foi…

Affirmons alors envers et contre tout que nous croyons ce qu’Il nous a promis :

« Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps….

Oui, c’est vrai, Dieu ne nous abandonne : Il est toujours là car Il n’est pas lié ni enfermé dans Ses sacrements.

Enseignement du vendredi saint : « Le dévoilement de la croix »

Il est un geste habituel le vendredi saint : le dévoilement de la croix… qu’est ce que cela signifie ?
Il s’agit de la cacher pour mieux en dévoiler le sens : passer de cet objet d’effroyable torture à ce signe d’Espérance qu’elle veut nous donner. Regardons-la avec des yeux neufs, allons au-delà des apparences.

La croix est d’abord signe de la compassion de Dieu

« Le malheur est toujours ridicule » disait Simone Weil philosophe… que c’est vrai. C’est une espèce de désordre… dans combien familles, on ne parle que de ce qui va bien…. Une façade de tout va bien… et nos sociétés… solides, fortes, invulnérables… ne s’avouant que bien rarement ses échecs…
Christ Lui, n’en n’a pas peur, Il est là, Il ne se cache pas mais Il vient au devant de nous. Rien de l’homme ne le dégoute, rien de trop petit, de trop tordu, de trop souffrant. « no horruisti virginis uterum » : Tu n’as pas eu horreur de venir dans notre monde à travers le chemin de tout homme, celui de la maternité.
Et Le voilà au milieu de nous : Il va peu à peu prendre la dernière place, la place ridicule, celle du malheur, devient la place de Dieu. De mon malheur je n’ai plus à avoir honte. Souffrir n’est pas une infamie car Jésus avec nous dans la souffrance, Il nous fait sortir de la culpabilité…
La croix, devient objet de fierté, un objet glorieux même, puisque Dieu l’a visitée !

La croix dévoile le mal de l’homme :

Qu’est ce que la croix, si ce n’est celle qui manifeste les ténèbres du cœur de l’homme.

« Les pensées intimes de bien des hommes dévoilées… »

Et en même temps cette croix elle nous est envoyée. La souffrance, nous la rencontrons et elle nous humilie, nous montre que nous ne sommes pas tout puissants.
À cela s’ajoute une blessure à l’orgueil, à l’amour propre. Il faut beaucoup d’humilité pour souffrir sans révolte. Et la souffrance quand elle se présente, nous invite à cela. Voyons combien le coronavirus rend ridicule notre prétention d’avoir fait du risque zéro notre absolu, notre nouveau décalogue, combien il ramène notamment notre Occident souvent si arrogant à ses limites, le fait sortir de sa toute puissance…
Connaissez-vous la magnifique histoire d’Anne de Gaulle ? Elle naît en 1928. Elle est atteinte de trisomie. Elle Charles "Papa", elle joue avec lui. Il fait ouvrir le jardin public de Metz à 7 h pour pouvoir promener celle qu’il appelle « sa joie » sans que d’autres promeneurs la dévisagent… Et il se laisse aller avec elle aux élans d’affection dont il est si prodigue avec le reste de sa famille. Voilà ce soldat, cet homme de guerre, celui qui a sauvé l’honneur de la France ramené aux limites de l’humanité, par sa fille, rappelé par elle à ses propres limites.
Fort conscient il dira d’elle : « Sans Anne peut être n’aurais je jamais ce que j’ai fait. Elle m’a donné le cœur et l’inspiration. Elle m’a sauvé de l’orgueil… »
Après sa mort en 1948, Charles et Yvonne fondent une association pour les jeunes filles handicapées.

Cette période d’épidémie est une immense opportunité pour se rendre sensible aux détresses proches ou lointaines, en résonance avec les paroles de Bernanos : « Il me vient parfois à l’Esprit l’idée que le malheur est peut être le trésor du monde » Dites furtivement, risquant d’être mal comprises, mais il y a quelque chose de vrai.

Le sacrement de la croix : la croix qui aspire toute souffrance…

Dernier dévoilement : croix est un sacrement… toute souffrance pour commencer est orpheline : je souffre, je suis isolé, enfermé, seul ; la souffrance me retranche…
Mais la force de la croix est là :

« Élevé de terre j’attirerai à moi tous les hommes. »

La croix du Christ fait que chacune de nos souffrances peut devenir une croix c’est-à-dire être unie à la croix du Christ….

« J’étais nu tu m’as vêtu, affamé tu m’as nourri. »

Parce j’étais dans la détresse à travers chacun des frères que tu as croisé, démuni et affamé.

La souffrance peut être un lieu de rencontre. Ce temps d’épidémie, la souffrance du confinement, la souffrance de voir certains nos proches mourir, sans doutes même dans la solitude fait que le Christ s’est approché de chacun identifié à chacun au moment même de sa souffrance…

bouchée et Jean 730 par 500