Texte de l’homélie :
Mes bien chers frères,
Nous interrompons donc la célébration des dimanches après la Pentecôte pour fêter Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, vierge, docteur de l’Église et patronne secondaire de la France.
Lorsque l’Église proclame un Saint docteur de l’Église, elle nous invite d’une manière particulière à lire, à méditer son enseignement, à nous en inspirer pour faire grandir en nous la vie même de Dieu, cette vie que nous avons reçue au jour de notre baptême.
Thérèse Martin est née à Alençon le 2 juillet 1873, dans une famille profondément chrétienne. Ses deux parents, Louis et Zélie ont d’ailleurs été béatifiés, comme pour nous rappeler que c’est souvent au sein de familles profondément chrétiennes que naissent les vocations religieuses et sacerdotales.
Très tôt, Thérèse ressent l’appel à la vie du Carmel où elle entrera à l’âge de quinze ans et où elle mourra le 30 septembre 1897, dans sa vingt-cinquième année. Elle qui a vécu dans un quasi-anonymat deviendra célèbre dans le monde entier après la publication de ses écrits spirituels, qui témoignent d’une grande sainteté de vie et d’une profonde intelligence du mystère de Dieu.
Elle sera donc béatifiée, canonisée, proclamée patronne secondaire de la France, patronne universelle des missions et enfin docteur de l’Église par le pape Saint Jean-Paul II à l’occasion de la célébration des Journées Mondiales de la Jeunesse en 1997.
Toute sa doctrine spirituelle est comme une illustration du passage de l’évangile que nous venons d’entendre. Pour entrer dans le royaume des Cieux, il faut se convertir et redevenir comme des petits enfants (cf. Mt 18, 3). Devant Dieu notre Père, en présence de Sa gloire et Sa puissance, nous ne serons jamais de « grandes personnes ». Nous dépendons entièrement de Lui et la plus grande grâce qu’Il nous ait faite, après nous avoir créés et nous avoir sauvés, c’est de nous révéler que nous sommes pour Lui comme des enfants bien aimés.
Il est notre Père, et Il attend de nous que nous comportions comme ses fils. Il n’est indifférent à rien de ce qui nous touche, nous menace ou nous préoccupe.
Dieu a mis dans le cœur de sainte Thérèse le désir de la sainteté, mais elle se sentait bien incapable de parvenir à accomplir une pareille vocation. C’est alors qu’elle eut la révélation de sa mission. Ce que Dieu attend d’elle, c’est justement qu’elle mette sa joie dans sa petitesse, dans sa fragilité, parce que Dieu fait des merveilles chez tous ceux qui reconnaissent leur impuissance et leur incapacité et qui ne se découragent pas, mais bien au contraire qui se jettent dans les bras de Dieu dans un grand élan de confiance et d’abandon. Voilà ce qu’exprimait Sainte Thérèse dans un de ses écrits :
« Le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections ; mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle.
Nous sommes dans un siècle d’inventions : maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches, un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection.
Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse éternelle :
« Si quelqu’un est TOUT PETIT qu’il vienne à moi. »Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu ! ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel. J’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé :
« Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! » (Is 66,12-13)Ah ! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme ! L’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont Vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus.
Ô mon Dieu, Vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes (Ps 89,2) »
(Manuscrit C, Œuvres complètes, p. 237).
Il ne faut pas croire, mes bien chers frères, que ce chemin soit facile. L’humilité, sans laquelle il n’est pas possible d’être sauvé et donc de parvenir au Ciel, est le résultat d’un rude combat sur nous-mêmes, parce que notre orgueil et notre vanité nous font une guerre sans merci.
De même, Sainte Thérèse a connu d’immenses souffrances, de grandes purifications. Elle a accepté, par amour pour les pécheurs, d’être éprouvée dans son corps, et bien plus encore dans son âme. Elle a douté de son salut, de l’existence de Dieu ou du moins de sa bonté. Mais elle a été héroïquement fidèle à la foi de son baptême et à la charité fraternelle dans sa propre communauté tout en offrant sa vie pour les missionnaires du monde entier.
Elle aurait voulu accomplir toutes les vocations et elle découvrit que la vocation la plus fondamentale, la plus précieuse pour l’Église, la plus indispensable pour la mission est bien l’amour, elle qui disait :
« Je ne me reprends pas de m’être donnée à l’amour. Je n’ai jamais cherché que la vérité. »
Elle précise comment la charité divine, le Saint-Esprit présent en elle, a été son éducateur :
« Qu’elle est douce la voie de l’amour. Sans doute, on peut bien tomber, on peut commettre des infidélités, mais, l’amour sachant tirer profit de tout, a bien vite consumé tout ce qui peut déplaire à Jésus, ne laissant qu’une humble et profonde paix au fond du cœur…
Jésus n’a point besoin de livres ni de docteurs pour instruire les âmes ; Lui, le Docteur des docteurs, Il enseigne sans bruit de paroles…
Jamais je ne L’ai entendu parler, mais je sens qu’Il est en moi, à chaque instant, Il me guide et m’inspire ce que je dois dire ou faire. Je découvre juste au moment où j’en ai besoin des lumières que je n’avais pas encore vues.
Ce n’est pas le plus souvent pendant mes oraisons qu’elles sont le plus abondantes, c’est plutôt au milieu des occupations de ma journée… »
(Manuscrit A, p. 211)
Sainte Thérèse, au cours de sa courte vie, a bénéficié de très peu de grâces sensibles. Elle avait à sa disposition les mêmes moyens que nous : la parole de Dieu, la prière, les sacrements, et l’accomplissement de son devoir d’état à la perfection.
Elle n’a pas fait de miracles éclatants durant son passage sur la terre, elle n’a pas rassemblé les foules et la plupart de ses propres sœurs de communauté ignoraient la qualité chrétienne de sa vie et l’héroïsme de sa sainteté. Mais elle a été fidèle à sa vocation, elle ne vivait que pour Jésus et elle nous apparaît aujourd’hui comme transfigurée par la miséricorde de Dieu.
Consciente de sa faiblesse, elle a mis toute sa joie dans sa petitesse, heureuse de savoir que Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité.
Alors demandons-lui la grâce de la même Foi, du même courage, de la même persévérance et de la même confiance. Nous serons alors assurés de parvenir tous ensemble à la joie du Ciel.
Ainsi soit-il !
Références des lectures du jour :
- Lecture du livre d’Isaïe 66, 12-14
- Évangile de Jésus Christ selon saint Saint Matthieu 18, 1-4.
En ce temps-là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent :
« Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux ? »
Alors Jésus appela un petit enfant ; il le plaça au milieu d’eux, et il déclara :
« Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. »