Homélie de la Fête de la Toussaint

7 novembre 2017

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Un anglicisme a fait son entrée dans notre vocabulaire, un de plus : Success story, Histoire du succès, histoire d’une réussite.
Une petite ferme normande devient un modèle pour le monde entier, (parce qu’elle pratique la permaculture)… pourquoi se gargariser de ces histoires qui finissent bien, d’employés méritants qui finissent aux commandes des plus grands groupes ? Parce que cela stimule les volontés, donne envie de tenter l’aventure, laisse penser à chacun que cela est possible.

Frères et sœurs, je veux y voir aussi comme un lointain écho de l’histoire du Salut.
Si vous me permettez, l’histoire du Salut c’est la seule success story dont nous pouvons raisonnablement rêver, la seule réussite à laquelle nous pouvons aspirer sans craindre l’échec, sans craindre de nous briser. Et aujourd’hui nous faisons mémoire de ceci : le salut apporté par le Christ, l’histoire de la rédemption, ce n’est pas un échec !
On a tellement le sentiment que le mal est vainqueur… Non le bien l’emporte ! Alors comme va-t-on faire pour célébrer tout cela ? Eh bien on va regarder les gens en qui cela a réussi, on va les contempler, et ces gens, ce sont les saints. Bien sûr nous les fêtons un à un tout au long de l’année, mais il faut le reconnaître, ils font alors figure d’exceptions, plus admirables qu’imitables… Alors aujourd’hui, nous fêtons les saints en masse.

Rappelons nous les origines de la fête de la Toussaint : en Syrie, on s’est avisé au 4e siècle de fêter les martyrs, tous les martyrs. Mais le calendrier n’y suffisait plus, alors on a institué cette fête… on n’arrive plus à la dénombrer ! Comme dans le texte de l’apocalypse qui décrit :

« Une foule que nul ne pouvait dénombrer… de toutes nations, races, peuples et langues. »

Il ne faut pas se méprendre sur le sens de l’Apocalypse. Il ne s’agit pas d’un texte militant qui annonce aux combattants d’aujourd’hui que demain ils seront vainqueurs. C’est un texte qui annonce qu’en ce moment présent – au temps des persécutions de Dioclétien - l’amour peut triompher dans les cœurs, que de fait il triomphe.

« Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. »

Célébrer la Toussaint, c’est tourner les yeux vers tous ceux chez qui, invisiblement aux yeux du monde souvent, la charité du Christ est en train de l’emporter.
Regardons le siècle dernier : le siècle le plus terrible de l’histoire de l’humanité, avec ces génocides impressionnants, avec ces armes de destruction massive… nous pourrions en rester là.
Mais, que nous a dit Jean Paul II ? Regardons l’envers de l’histoire : c’est le siècle qui a connu le plus grand nombre de martyrs. Bien plus, Le 20e siècle a connu plus de martyrs que les 19 siècles précédents réunis. Et du mot « martyr » : retenons non pas la mort violente, mais que la charité a triomphé dans les cœurs d’innombrables croyants.

Alors frères et sœurs, qu’en pensez-vous ? Alors la sainteté est possible, voire plus répandue qu’on ne le croit.
Rappelez-vous qu’au XVe siècle, traverser l’Atlantique paraissait une folie, tout vous retenait de vous lancer dans l’aventure. Mais quelques marins, quelques expéditions ont lancé leur navire jusque vers ce nouveau continent, et la voie a été ouverte. C’était possible.
La sainteté, c’est la même chose. C’est possible ! alors cela nous redonne espérance.
Et que dit magnifiquement la lettre de Jean :

« Quiconque fonde sur lui une telle espérance, se rend pur comme lui-même est pur »

C’est l’espérance qui nous purifie. À l’inverse, il y a un crainte de ne pas y arriver, qui finalement n’est qu’une lâcheté déguisée, et qui ne fait que nourrir notre médiocrité, qui nous laisse dans l’impureté.
Pour le dire autrement, la foule innombrable des élus est comme un énorme contrepoids.
Connaissez-vous ce principe de physique : plus la masse est importante, plus elle attire, et « plus nous hâtons le pas », comme dit la Préface d’aujourd’hui.

Oui, c’est exactement la même chose : nous faisons mémoire de toute cette sainteté accumulée. C’est massif, c’est attirant… pourquoi ? parce c’est possible, pour tous ! il y a même un patron pour les brigands, le Bon Larron ! Parce que c’est notre appel : nous sommes attirés vers la sainteté. Cette passion de valoir quelque chose est en tout homme comme un écho.
Pourquoi ? Parce que ces mêmes élus, ce sont nos amis, et ils nous réclament, ils nous attendent, ils prient pour nous.
Saint Bernard les entendait nous dire depuis le Ciel dans un de ces célèbres sermons kavod la gloire :

« Venez avec nous ! »

Mais voilà, il faut quand se mettre en route. Alors pour cela, mère Térésa nous invitait à deux choses :

  • D’abord l’humilité, en commençant peut être par éprouver une bonne honte ! se dire chacun à soi-même : « comment, je n’en suis que là ! je n’ai exploité qu’à 2% peut-être ma capacité à faire le bien, à me convertir ! » Je me souviens durant un Goum, ces randonnées dans les Causses particulièrement ascétiques, d’un petit bout de femme toute menue, éprouvée par de graves difficultés familiales, qui n’avait guère de santé, mais qui marchait avec une résolution et une constance admirable. Les gros malabars qui gémissaient dans les montées, en la regardant ravalaient vite leur plainte. Il n’est pas mauvais que les saints de temps en temps nous donnent un peu cet électro choc. Humilité aussi, parce que c’est Dieu qui réalise l’œuvre de la sainteté en moi.
  • Mais aussi la détermination : il faut savoir ce qu’on veut et en prendre les moyens comme cet homme qui bâtit une tour et qui calcule la dépense. Saint François de Sales disait :

    « Il faut être disposé à voir les mauvaises herbes dans notre jardin et bien décidé à les en arracher !
    À nous de voir quel défaut dominant se mette en travers de notre chemin… »

Une dernière chose : il faut lire des vies de saints. On a trop abandonné cette pratique ; or elle remonte aux premiers temps de l’Église avec les actes des martyrs, dès l’origine, comme la vie de saint Antoine au 4e siècle.
De tels récits ont été l’occasion d’une vraie révolution spirituelle souvent. Aujourd’hui, les vies de saints sont bien documentées, et ne font pas l’impasse sur les résistances qu’ils ont rencontrées ; ces ouvrages sont donc à consommer sans modération ! Il y a les collections Les petite vie de… ou Prier 15 jours avec … .
Ainsi on pourra privilégier aussi l’amitié avec tel ou tel d’entre eux. Car les saints ce sont aussi nos amis.

Vous le savez, plus que toutes les vies de saints, il est un silence, une tendresse qui nous rejoignent au plus profond du cœur, le silence et la tendresse de Marie.
Que la Toute sainte veille sur nos pas, et nous arriverons à bon port.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Apocalypse 7,2-4.9-14.
  • Psaume 24(23),1-2.3-4ab.5-6.
  • Première lettre de saint Jean 3,1-3.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 5,1-12a :

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »