Homélie du quatrième dimanche de Pâques

22 avril 2024

« Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie

Chaque année, en ce quatrième dimanche de Pâques où nous prions de manière particulière pour les vocations, l’Église nous propose de méditer sur un passage de l’évangile qui nous présente Jésus comme bon pasteur.

Je retiendrais trois caractéristiques de Jésus comme bon pasteur :

  • Jésus donne la vie et Il nous donne Sa vie ;
  • Jésus est proche en particulier quand c’est difficile ;
  • Jésus désire nouer une relation personnelle avec chacun.

Jésus donne la vie et il nous donne sa vie

« Je suis le bon pasteur. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. »

Jésus donne la vie

Le don de la vie pour les ‘brebis’ est absolument central dans le discours du pasteur. C’est le verset qui précède immédiatement :

« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » (Jn 10, 10)

Voici la grande promesse de Jésus : donner la vie en abondance.

« L’homme vit de la vérité et du fait d’être aimé, d’être aimé par la vérité. Il a besoin de Dieu, du Dieu qui lui devient proche, qui interprète pour lui le sens de la vie en lui indiquant ainsi le chemin de la vie.
Certes, l’homme a besoin de pain, il a besoin de la nourriture pour le corps, mais plus profondément il a besoin de la parole, de l’amour, de Dieu lui-même.
Celui qui lui donne cela lui donne la ‘vie en abondance’. Et dès lors, il libère les forces grâce auxquelles il pourra aménager la terre de façon sensée et ainsi trouver pour lui et pour les autres les biens qu’on ne peut avoir que dans le partage. » (cf. Benoît XVI)

Jésus donne Sa vie

Jésus ne donne pas une vie que serait comme extérieure à lui-même. Jésus ne se contente pas d’enseigner du haut. Il se donne lui-même. Donner sa vie suppose un vrai engagement de sa part.
Cela se traduit par l’engagement dans la chasteté mais pas seulement. Jésus se donne de manière purement désintéressée :

« Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20, 28)

Jésus se donne librement et par amour

La Croix nous montre que nous comptons vraiment pour Jésus.

« Voyez quel grand amour nous est donné ». Jésus ne se donne pas à contrecœur mais de bon cœur. Ma vie, « Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. » (Jn 10,18)

« Le pasteur offre même sa vie pour ses brebis : Jésus a réalisé le projet de l’amour divin moyennant sa mort sur la croix ! Il s’est offert sur la croix pour racheter l’homme, créé par l’amour pour l’éternité de l’Amour. » (Jean-Paul II, 6 mai 1979)

Jésus est proche en particulier quand c’est difficile

« Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse.
Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. »

Jésus est présent quand c’est difficile

Jésus ne nous aime pas seulement quand tout va bien. Il ne nous abandonne pas aux heures difficiles. Il est vraiment l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. Jésus promet Sa présence au début du chapitre 43 d’Isaïe :

« Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi, les fleuves ne te submergeront pas. Quand tu marcheras au milieu du feu, tu ne te brûleras pas, la flamme ne te consumera pas.
Car je suis le Seigneur ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur. Tu as du prix à mes yeux, que tu as de la valeur et que je t’aime (…). Ne crains pas, car je suis avec toi. » (Is 43)

Jésus ne promet pas que ce sera facile mais qu’il sera là. La foi ne nous exempte pas des moments difficiles mais elle nous donne la grâce de les vivre différemment.

Dans un autre passage de l’Évangile Jésus déclare : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai […] mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes » (Mt 11, 28-29).

Jésus nous défend des dangers qui viennent de l’extérieur

Il est vraiment Jésus, Dieu-sauve. Il nous arrache à l’ennemi et au mal.

Déjà Moïse, dans le Deutéronome, disait :

« Soyez forts et courageux, ne craignez pas, n’ayez pas peur devant eux (vos ennemis) : le Seigneur votre Dieu marche lui-même avec vous ; il ne vous lâchera pas, il ne vous abandonnera pas. » (Dt 31, 6 ; cf. Ps 15, 8 ; Ps 26, 1 ; Ps 90)

C’est ce qui donnait une pleine assurance à saint Paul :

« j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature (rien) ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur. » (Rm 8, 38-39)

Jésus nous défend des dangers qui viennent de l’intérieur

Comme le dit l’épître aux Hébreux en parlant de nous :

« Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères. » (Hb 2, 11)

Il ne se démarque pas de nous alors qu’il sait que nous sommes de pauvres pécheurs. Jésus sait ce qu’il y a dans notre coeur ; il n’est pas naïf.

« Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous 25 et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme. » (Jn 2)

Jésus ne se laisse pas arrêter par nos péchés :

« Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » (Mt 9, 13)
« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » (Jn 3 ; cf. Jn 12, 47)

Jésus désire nouer une relation personnelle avec chacun

« Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. 14 Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. »

Nous comptons pour Jésus

Dans l’Ancien Testament, Dieu est habituellement comparé à un berger, dont le troupeau est le peuple d’Israël ; par exemple :

« Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer… », Ps 22-23
« Berger d’Israël, écoute, toi qui conduis ton troupeau, resplendis… » Ps 79-80

Cette image du berger dit la sollicitude de Dieu qui rassemble son peuple.

Ses brebis comptent pour lui et il en prend soin.

Jésus nous connaît

C’est l’expérience de Matthieu-Lévi :

« Après cela, Jésus sortit et remarqua un publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts) du nom de Lévi assis au bureau des impôts. » (Lc 5, 27)

C’est également cette de Nathanaël :

« Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet : ‘Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui.’ Nathanaël lui demande : ‘D’où me connais-tu ?’ Jésus lui répond : ‘Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.’ » (Jn 1, 47)

C’est aussi celle de la Samaritaine :

« Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : ‘Il m’a dit tout ce que j’ai fait.’ » (Jn 4, 39)

Les brebis ne sont pas anonymes.

« Le pasteur connaît ses brebis et les brebis le connaissent : comme il est beau et consolant de savoir que Jésus nous connaît un par un, que nous ne sommes pas des anonymes pour Lui, que notre nom — ce nom choisi avec amour par les parents et les amis — Lui, il le connaît ! Nous ne sommes pas ‘une masse’, une ‘multitude’ pour Jésus ! Nous sommes des ‘personnes’, des individualités ayant une valeur éternelle, tant comme créature que comme personne rachetée ! Lui, il nous connaît ! Lui, il me connaît et il m’aime et il s’est livré pour moi ! (Ga 2,20). » (Jean-Paul II, 6 mai 1979)

Jésus connaît en profondeur notre cœur : Il connaît nos forces et nos faiblesses, les projets que nous avons réalisés et les espérances qui ont été déçues. Mais Il nous accepte comme nous sommes, même avec nos péchés, pour nous guérir, pour nous pardonner, Il nous conduit avec amour, pour que nous puissions traverser des sentiers même inaccessibles sans s’égarer. Il nous accompagne.

Jésus veut avoir une relation tout à fait personnelle

Bien évidemment, cette relation ne peut se faire sans notre consentement. Cela suppose une réponse de ma part. Personne ne peut rentrer en contact avec Dieu à ma place, par procuration. C’est ce qui fait qu’il y a un lien particulier entre les brebis et le pasteur.

Mgr Emmanuel Gobilliard donne une explication éclairante célibat des prêtres :

« Je me souviens très bien du jour où j’ai à la fois compris et accepté mon célibat. J’étais déjà prêtre. C’était à l’hôpital Spallanzani, hôpital de phase terminale des maladies infectieuses où j’étais aumônier. Mario, auprès de qui je me trouvais, était en train de mourir du SIDA.
Un jour, me regardant bien dans les yeux, il m’a dit :
— “Je crois avoir compris le célibat des prêtres !”
Du tac au tac, je lui ai répondu :
— “Eh bien explique-moi parce que moi, je n’ai pas tout compris !”
Il a réfléchi et paisiblement il m’a dit :
— “Quand tu es là, je me repose dans ton cœur ! […] Il n’y a personne dans ton cœur que tu dois aimer plus que moi lorsque tu es à côté de moi. Ton cœur est libre d’être pour moi tout seul, et c’est cela qui me repose. […] Si tu étais marié, alors je saurais qu’il y a dans ton cœur quelqu’un de plus important que moi et ce serait normal. Pareil si tu avais des enfants.”
Il avait raison, le célibat que vit le prêtre diocésain, c’est le célibat même du Christ. »

En effet, Jésus souhaite avoir une relation éminemment personnelle avec chacun d’entre nous, un lien personnalisé avec chacun. Cela implique une rencontre avec Lui.

En même temps, cette relation personnelle n’est pas enfermante car personne n’est exclu de l’amour de Dieu. Jésus a donné sa vie pour tous les hommes.

« Le pasteur ressent le désir d’accroître son troupeau : Jésus affirme ouvertement son angoisse universelle : ‘J’ai d’autres brebis encore qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi je dois les mener ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau et un seul pasteur’ (Jn 10,16).
Jésus veut que tous les hommes le connaissent, l’aiment, le suivent. » (Jean-Paul II, 6 mai 1979)

Conclusion :

Dans le prolongement de l’incarnation, les baptisés et a fortiori les prêtres et les personnes consacrées, sont appelés à être – selon l’expression de sainte Elisabeth de la Trinité – une humanité de surcroît pour Jésus. Vous connaissez peut-être l’expression de Bossuet :

« L’Église, c’est Jésus-Christ répandu et communiqué. »

Jésus désire tellement passer par nous pour rejoindre les brebis de son troupeau et celle qui n’en font pas encore partie. Dans ce sens, j’aime bien un texte de Michel Quoist où il met sur les lèvres de Jésus ces paroles :

« J’ai besoin de tes mains pour continuer à bénir,
J’ai besoin de tes lèvres pour continuer à parler (à annoncer le Royaume),
J’ai besoin de ton corps pour continuer à souffrir (pour les pécheurs),
J’ai besoin de ton cœur pour continuer à aimer (à rejoindre la détresse des affligés),
J’ai besoin de toi pour continuer à sauver, à pardonner.
(J’ai besoin de toi pour me rendre présent sous les espèces du pain et du vin). »

Être appelé à une vocation au sacerdoce ou à la vie consacrée, c’est – en dépit de toutes nos limites et faiblesses – offrir à Jésus une humanité de surcroît afin qu’il puisse continuer à parler aux gens, leur venir en aide, prier son Père, …

Se laisser interpeller

Jésus ne souhaite-t-il pas que je lui donne toute ma vie dans la vie consacrée ou sacerdotale ? Une chose est sûre : Dieu ne nous veut pas malheureux ! Se laisser interpeller ne signifie pas entrer tout de suite au séminaire ou au noviciat. Il faut bien sûr prendre le temps du discernement.

Prier

La première chose à faire, quand on perçoit un appel à la vie consacrée ou sacerdotale, est d’approfondir notre relation à Dieu par la prière.

Quelques autres moyens très concrets

Concrètement, que faire ? Écouter certains témoignages pour voir comment cela résonne en moi. Plusieurs témoignages sont accessibles à partir du QR code qui se trouve sur le tract.

Prendre contact avec un prêtre, une personne consacrée ou un membre du service des vocations qui est présent dans chaque diocèse. Rassurez-vous, ils ne vont pas mettre la main sur vous. Ils vous aideront à vous poser les bonnes questions.

Confions-nous à la Vierge Marie, notre mère et reine.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 4,8-12.
  • Psaume 118(117),1.8-9.21-23.26.28cd.29.
  • Première lettre de saint Jean 3,1-2.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 10,11-18 :

En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis.
Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.
Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »